mercredi 6 juin 2012

Volcano The Bear / Golden Rhythm/Ink Music





J’entends dire que Golden Rhythm/Ink Music est le premier album studio de Volcano The Bear en sept années, ce qui ferait remonter son prédécesseur direct à l’année 2006 et au magnifique double album Classic Erasmus Fusion (chez Beta-lactam Ring records). Il est vrai que sur la période Volcano The Bear a comme à son habitude publié nombre d’enregistrements en concert (Egg And Two Books), de CDr plus ou moins obscurs (Grande Pfungst), de vinyles aux tirages ultra limités (Volrudolf), de rééditions bénéfiques (comme The Mountain Among Us) et de compilation de vieilleries (Catonapotato) – il n’y a guère que l’excellent Admidst The Noise And Twist (2007, toujours sur chez Beta-lactam Ring) qui puisse être considéré comme un véritable album des anglais. Les notes du livret nous apprennent toutefois qu’une partie de Golden Rhythm/Ink Music a été enregistré dès 2008 au Grim de Marseille : Volcano The Bear est un groupe qui sait prendre son temps.
Alors oui, Golden Rhythm/Ink Music est un vrai album de studio, qui plus est publié sur un label de musique expérimentale reconnu internationalement, à savoir Rune Grammofon. L’illustration de la pochette et l’ensemble de l’artwork signés Kim Hiortøy sont d’ailleurs une tentative vouée à l’échec de concilier l’identité des visuels précédents de Volcano The Bear et l’esthétique très minimale et austère du label norvégien. Cela n’empêche pas Golden Rhythm/Ink Music d’être un album très réussi.
C’est aussi le disque de Volcano The Bear le plus ouvertement sous influence This Heat. Et on ne va pas s’en plaindre. Le duo Aaron Moore/Daniel Padden – épaulé par quelques interventions pataphysiciennes de l’irremplaçable Clarence Manuelo, dommage qu’il ne tourne plus avec le groupe – délivre ses plus beaux hommages à la musique de Charles Bullen, Gareth Williams et Charles Hayward mais il le fait à sa façon, avec un humour et une finesse qui n’appartiennent qu’à lui. Buffalo Shoulder puis le terrible Baby Photos, les deux premiers titres de Golden Rhythm/Ink Music, sont également les plus réussis dans le genre.
Par contre Volcano The Bear exclut toute confrontation et toutes traces d’urbanité pour privilégier son langage propre, bien spécifique – d’ailleurs on peut parfois se demander dans quelle langue chante le groupe – et teinté d’un sens de l’absurde, de l’inattendu et de l’incontrôlable que tant d’autres n’arriveraient pas à mettre en forme. Comme lors des concerts de Volcano The Bear les enregistrements du groupe ne sont pas exempts de flottements liés à des bifurcations soudaines et abruptes or ce que l’on retient avant tout c’est cette terreur clownesque débouchant sur une mélancolie non feinte mais qu’il convient absolument de détourner, comme presque tout le reste (les très beaux The Great Reimbursing et Fireman Show, rehaussés à la trompette).
Laissez donc tomber les concepts et les intentions : Volcano The Bear est bien plus qu’un groupe génialement mais sérieusement foutraque. Volcano The Bear est un art de vivre, un art de vivre une musique inimitable.

mardi 5 juin 2012

Will Guthrie / Sticks, Stones and Breaking Bones





Will Guthrie est un batteur étourdissant. Pas le genre de bonhomme à vous ennuyer avec sa technique irréprochable et ses démonstrations de force, non. Mais un batteur qui est peut-être le seul actuellement à réussir l’alliance entre flots de puissance et poésie percussive. Ecouter et surtout voir Will Guthrie jouer en solo est une expérience proche de l’étourdissement, de la catharsis, presque un moment de vérité, en tous les cas une révélation. Faire preuve d’autant d’abnégation dans la persistance – la résistance ? – tout en touchant du doigt au plus profond de la signification secrète et résonnante des sons est une chose bien rare.
Depuis une bonne dizaine d’années maintenant cet australien n’a eu de cesse de développer un style très personnel et reconnaissable entre mille et l’album Sticks, Stones and Breaking Bones est ainsi une excellente façon de se familiariser avec la musique de Will Guthrie d’autant plus que d’après les notes de l’insert le batteur/percusionniste a voulu présenter ici des techniques et savoir-faire qu’il a mis des années à trouver et élaborer et qu’il appelle lui-même « mirror image rhythms ». Il utilise surtout une batterie ultra minimale et limite les accessoires annexes.
On reconnait que la tentative de capter ce travail sur disque est osée car un concert de ce batteur hors-normes est un tel choc émotionnel que vouloir le retranscrire peut paraitre une gageure voire une tentative complètement vouée à l’échec. Mais le pari est réussi. Réussi parce que si d’une manière générale un disque de batterie/percussions solo peut par-dessus tout sembler une démarche saugrenue et vaine Sticks, Stones and Breaking Bones est au contraire un disque magique et passionnant de bout en bout, un disque de musique vivante. Un délire d’une maitrise absolue bien au delà de la simple performance. Une approche très sensorielle bien que très aride et exigeante. De purs moments de beauté comme ce passage uniquement sur cymbales, gongs et autres objets à forte résonnance. De purs moments d’abstraction rejoignant presque les programmations polyrythmiques et entrelacées d’un Autechre en pleine recherche d’irréalité.
Will Guthrie est à sa manière un grand poète des sons. Son intransigeance et son engagement sont le gage de son absence totale de posture il y a une volonté indéfectible et inébranlable derrière sa musique. Comme un appel de vie. Le titre unique occupant toute la deuxième face de Sticks, Stones and Breaking Bones est le plus fou de tous. C’est une composition que Will Guthrie a souvent joué en concert ces dernières années, c’est en quelque sorte sa signature. La réécouter sur disque après l’avoir entendu en live est une belle expérience. Une sorte de course effrénée de pulsations libres et de transe chamanique. L’effort d’un corps et la générosité d’un cœur illuminant toujours plus la préscience d’un esprit.

Sticks, Stones and Breaking Bones a été publié en CD et en LP grâce aux efforts conjoints de quatre labels avec par ordre alphabétique : Antboy music, Electric Junk records, Gaffer records et enfin Les Pourricords.

lundi 4 juin 2012

Hawks / Push Over





Si HAWKS n’était pas un groupe américain (d’Atlanta) composé de tatoués et de moustachus mais était un groupe originaire de Charente Maritime ou de Lozère et regroupait un ramassis de losers ventripotents on en parlerait quand même. Et en bien. Mine de rien Push Over est déjà le troisième album de Hawks en moins de quatre années – il y a eu Barnburner en 2009 puis Rub en 2011 – et le moins que l’on puisse dire c’est que les Hawks dominent très largement et même de très loin la scène noise du moment.
Pourtant chaque album du groupe arrive à être différent et Push Over n’échappe pas à la règle, celle d’un groupe officiant dans un registre par définition assez limité, pensez aux groupes Amrep des années 90 qui vous assommaient avec des lignes de basse monstrueuses et des riffs qui déchiraient tout, mais – premièrement – Hawks le fait actuellement mieux que tout le monde et – deuxièmement – le groupe n’a pas peur de dévier parfois d’une prétendue orthodoxie. On peut ainsi affirmer que par rapport à Barnburner (le plus noise) et Rub (le plus gras) Push Over est le disque le plus « affiné » de Hawks. Celui sur lequel le groupe a de temps à autre essayé de se détourner des chemins de la frontalité massive et de l’écrasement direct pour jouer avec une certaine subtilité de la perversion naturelle de sa musique. Le résultat n’en est que plus époustouflant.
Bien sûr les brûlots sont toujours là et ils sont légions – Colossus, Blistered, Cottonmouth, Plush, No Exercise et White Crosses, le tout dernier titre de l’album très basiquement brutal – mais on remarque plusieurs choses : le rythme général de la musique de Hawks semble encore s’être ralenti, les parties de guitares tentent beaucoup plus qu’auparavant la carte de la finesse, il y a un peu moins de gras qui surnage à la surface de ce bouillant chaudron chargé d’incandescence et, surtout, le chant a définitivement abandonné tout maniérisme défoncé à la Jesus Lizard/David Yow pour se précipiter tête baissée vers quelque chose de plus rauque, de plus épais et beaucoup plus rocailleux.
Sur Push Over c’est donc à nouveau le chant qui montre le chemin, celui d’une certaine épuration et tout le reste (guitare, basse, batterie et le son de l’album en général) va dans le sens d’une machine infernale au bord de la rupture et prête à se déchainer à tout moment. Et c’est extrêmement bien vu car ce genre de double sens est générateur d’explosivité et de tourment. Choses dont Push Over ne manque définitivement pas et le meilleur titre de l’album est constitué par les sept minutes et demie de Sunder King : du blues, de la crasse, des couteaux parfaitement aiguisés, une ligne de basse virevoltante, un orgue maléfique et un tourbillon noise qui donne le frisson.

Push Over a été publié aux Etats Unis par l’excellent label Learning Curve records et de ce côté-ci de l’Atlantique par le non moins excellent Rejuvenation records. Une tournée européenne est en préparation pour le mois de septembre prochain en compagnie des Café Flesh avec lesquels les Hawks avaient partagé un excellent double split il y a deux ans : par exemple les deux groupes joueront à Paris le 1er septembre, le 4 à Montpellier ou le 7 à Rennes… pour l’instant la date du 2 septembre à Lyon n’est malheureusement toujours pas confirmée – je sens que je vais faire un malaise

dimanche 3 juin 2012

My own urine






Lorsque ce CD – 21 plages, 24 minutes, ce groupe aurait pu s’appeler Ejaculation Précoce – bref, lorsque ce CD sans titre d’Urine a atterri sur la platine accompagné de son autocollant I ♥ Pipi j’ai pensé à une bonne grosse blague. S’en est même sûrement une. Et en plus je l’ai trouvée très drôle car moi aussi j’ai des goûts de chiottes. Malgré parfois de forts relents punk/saucisson/bière/alterno franchouille Urine a en effet plus de deux ou trois bonnes choses à proposer à tout puceau qui se respecte et même aux autres. Car il y a également un petit peu de Dead Kennedys là-dessous, sans doute à cause de la façon très nasale qu’a le guitariste/chanteur de brailler. Et le côté ritournelles à boire qui déboule lors d’un titre sur deux n’est pas désagréable non plus. A dire vrai Urine fait souvent penser à un croisement entre les Dead Kennedys (donc) et les Pogues. Et c’est sans compter sur les fantaisies du genre Dry And Lovely VLQJTK qui démarre en rap (ahem) et se termine en death metal, double pédale et blasts compris. Enfin, on dirait bien aussi que les paroles de Gropple Springs citent directement Black Flag, non ?
Bon, évidemment, il y a deux ou trois titres sur ce disque dont je me passerais volontiers comme tout le début de For An Hour Or Two qui ressemble à Summertime Blues de l’oncle Berry en version ska punk façon cousin Armstrong mais globalement il est impossible de détester un disque aussi sympathique – sympathique dans le bon sens du terme. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’Urine est typiquement ce genre de groupe de potes qui ne demandent rien à personne, voire qui éventuellement vous emmerdent. Ça ne pisse pas très loin (quoique…) mais ça pisse bien et droit. Voilà un disque totalement régressif qui s’assume parfaitement et c’est ça qui est bon. La vie est trop courte pour être prise totalement au sérieux, surtout lorsque c’est dimanche et que l’on s’emmerde à en mourir.

Ce CD sans titre est une complète autoproduction. Pas de site internet et pas de page bandcamp non plus. Le seul moyen de se procurer ce flacon d’urine et fleuron du bon goût c’est de contacter cette adresse : dylanbendall[arobase]me[point]com – c’est celle du chanteur/guitariste dont on parlait tout à l’heure et si vous tenez à tout savoir ce garçon était également le chanteur de Schoolbusdriver (not dead ?).

samedi 2 juin 2012

Comme à la télé / OK joue du tambourin





Une vidéo de OK reprenant le Mr Tambourine Man de Bob Dylan, il fallait oser et le trio ne démérite absolument pas, bien au contraire.




Cette vidéo a été mise en boite par Al.l. dont vous pouvez par ailleurs découvrir une partie du travail grâce à sa page Flickr. Et histoire de répéter tout le bien que je pense de OK : une chronique de Wet, le dernier EP en date du groupe ainsi qu’un live report sponsorisé par l’automobile club lyonnais

vendredi 1 juin 2012

Pigs / You Ruin Everything





Celles et ceux qui ont été déçus par Wreck – sans contestation possible le moins bon album d’Unsane de tous les temps, ex-æquo avec Blood Run – pourront toujours tenter de se consoler avec cet album de PIGS. Quel rapport me direz-vous ? Et bien Pigs est l’autre groupe de Dave Curran, bassiste d’Unsane. Sauf qu’ici, en plus de tenir le chant principal et de brailler à gorge déployée, notre homme joue de la guitare. La basse est elle tenue par Andrew Schneider (du groupe Slughog) alors qu’à la batterie on retrouve Jim Paradise, également ancien collègue de Curran au sein de J.J. Paradise Players Club. Un chouette line-up.
Evidemment You Ruin Everything ne comblera pas non plus le vide laissé par Wreck, comprenez par là que fort heureusement Pigs n’est pas Unsane (et inversement). Mais par contre cet album fournira aux amateurs de noise rock gras et lourd made in Brooklyn leur quota d’agressions sonores et de punk rock. La différence est là, à peine cachée sous les tonnes de distorsion, sous les lignes de basses pachydermiques et les rythmes appuyés : Pigs est un vrai groupe de punk, avec cette once de rock’n’roll qui va bien. Les rythmes s’accélèrent régulièrement (Mashantucket par exemple), chaque titre ne comporte que des  idées très simples mais ces idées sont toujours bonnes et efficaces, les parties de guitare en solo frise le chaos et la non-orthodoxie ravageuse, le chant est également d’une simplicité mais surtout d’une éructation redoutables et tout ça est très directement et sincèrement envoyé avec une force de conviction qui laisse donc peu de doute.
N’allez pourtant pas croire que Pigs n’est qu’un groupe de sales bourrins se vautrant dans les facilités du lisier noise/hard core. L’accroche de Whitewash est imparable, l’intro de Massive Operator Error rappellera ce que le mot blues signifie, le final de Contrition Dilemma apporte une lumière inédite et on peut affirmer que chaque composition de You Ruin Everything possède ce quelque chose qui le différencie de tous les autres titres de l’album. Une vraie réussite.

You Ruin Everything est estampillé Coextinction records, le label new-yorkais qui propose de manière idéaliste des parutions uniquement en numérique mais c’est bien Solar Flare records (label clermontois dirigé d’une main de fer par le bassiste/chanteur de Sofy Major) qui a fait presser ce LP en vinyle bleu, transparent avec des éclats rouges ou basiquement noir et qui le vend à un prix défiant toute concurrence – comme le demandaient les Crass en d’autres temps : pay no more than 10 euros.