samedi 27 juillet 2013

John Butcher - Tony Buck - Magda Mayas - Burkhard Stangl / Plume




On retrouve sur Plume des musiciens de haut vol et aux pedigrees, si on peut parler ainsi, absolument impeccables question musiques expérimentales et improvisées : la pianiste MAGDA MAYAS (dont on a déjà parlé à propos de son très beau duo en compagnie de Christine Abdelnour) et le guitariste BURKHARD STANGL (Polwechsel, Efzeg et quantités d’autres projets) ; deux musiciens aux côtés desquels apparaissent TONY BUCK (Ground Zero, Peril, The Necks, Kletka Red, etc.) à la batterie et JOHN BUTCHER (Polwechsel, Phil Minton, The Ex, la liste est incroyablement longue) aux saxophones. Plus exactement les deux derniers musiciens cités représentent en quelque sorte le noyau dur qui a enregistré Plume ; par contre Burkhard Stangl joue sur le premier titre uniquement alors que Magda Mayas n’apparait que sur le second.
Plume n’a pourtant rien d’une compilation absurde de deux trios distincts et de deux espace-temps musicaux différents qui n’auraient en commun que Tony Buck et John Butcher. Flamme (avec Burkhard Stangl) a beau être un enregistrement en concert de 2007 et Vellum (avec Magda Mayas) date peut-être d’avril 2011 mais on écoute ici un vrai disque, c’est-à-dire un projet. Peut-être – et même sûrement – celui-ci est-il né à postériori, lorsque les bandes enregistrées ont été réécoutées, comparées, mises en parallèles et finalement réunies mais cela n’a désormais que bien peu d’importance. On rêverait même d’entendre une prochaine fois les quatre musiciens jouant ensemble, bien que l’on comprenne également à l’écoute de Plume que la formule du trio est souvent une formule optimale en matière de musique improvisée.
Flamme a longtemps été mon titre préféré du disque parce que l’alchimie entre Buck, Butcher et Stangl y est de prime abord la plus évidente mais aussi la plus drôle et la plus imagée. John Butcher, véritable poète des sons et expert en roule-libre de la pratique du saxophone est ici particulièrement inventif et déchainé. Cela ne signifie pas qu’il tire systématiquement toute la couverture à lui mais il reste celui dont l’instrument s’expose le plus, y compris lors des passages très ténus et proche d’une esthétique de l’effacement. D’un autre point de vue, Burkhard Stangl fait preuve d’admirables nuances avec sa guitare en mode abstrait bien qu’il souffre également parfois de la complémentarité percussive de la paire Buck/Butcher. En fait l’évidence alchimique mentionnée un peu plus haut s’explique avant tout par la prédominance motrice de l’un des trois musiciens sur les deux autres (ce n’est donc pas une alchimie à proprement parler…).
Vellum est en définitive le titre qui recèle le plus de surprises. Magda Mayas, dont on apprécie énormément la sensibilité, s’impose davantage avec son piano (préparé) que ne le fait Stangl et sa guitare. L’explication pourrait être purement technique, liée aux capacités de résonnances et – à nouveau – percussives d’un piano. Même si le saxophone brille encore beaucoup ici, le trio Buck/Butcher/Mayas est celui qui s’équilibre le plus et celui où les sonorités des différents instruments interagissent le plus entre elles. Vellum est une pièce moins immédiate que Flamme parce que plus « conflictuelle » et peut-être même tordue ou en tous les cas labyrinthique mais elle est du coup infiniment plus riche et fait logiquement moins appel à l’humour instantané ou à la fantaisie immédiate. Sur la longueur, le temps et les écoutes passant, c’est bien Vellum qui finit par s’imposer comme la pièce centrale de Flamme, son final tout d’abord très frontal puis s’effaçant temporairement mais toujours mené à trois étant des plus passionnants.

[Plume est publié en CD par Unsounds]