lundi 5 septembre 2011

Report : clowneries et joie de vivre au Clacson





C’est la rentrée… et son lot de mauvaises nouvelles. Je ne veux pas parler de la crise financière, de Dominique Strauss-Kahn qui bande encore, des gens qui crèvent de faim, des imbéciles qui nous gouvernent, des autres abrutis qui voudraient prendre la place des imbéciles, non je veux parler de Grrrnd Zero, de ses démêlés technico-politico-territoriaux et de la dédite que le collectif a reçu cet été et l’enjoignant à foutre le camp de ses locaux de Gerland avant le 31 octobre prochain. L’avenir des musiques et des cultures underground à Lyon n’est même plus menacé, il est carrément incertain car Grrrnd Zero ce n’est pas seulement un lieu et des organisations de concert, c’est aussi un endroit abritant beaucoup de locaux de répétitions et de nombreuses associations.
Il n’y a pas beaucoup d’endroits dédiés – même partiellement – aux cultures underground dans cette ville (il y a aussi le Sonic*, la Luttine, Le Cri de l’Encre, quelques squats, peut être certains bars bon esprit, excusez-moi si j’en oublie) et les personnes qui s’occupent de telles activités ainsi que celles qui y goûtent ne demandent pourtant pas grand-chose : elles demandent juste à exister, dignement, sans qu’on les considère comme des crevards n’ayant rien à dire sous prétexte que la rentabilité financière n’est pas leur objectif principal, pas plus que celui de servir au rayonnement soi-disant « culturel » d’une ville qui ne se soucie que d’apparat et d’évènementiel.




Mais nous sommes là pour parler musique. Et de ce concert de rentrée organisé par Grrrnd Zero hors les murs et plus précisément entre ceux du Clacson. A peine arrivé – en avance, à 20 heures pétantes, tel le vieil anxieux que je serai toujours – j’entends que l’on annonce que le concert est virtuellement complet. Il fallait bien penser à réserver et nombreux sont celles et ceux qui se sont cassés les dents à la porte de la salle, essuyant un refus. Et oui, malgré tout, le Clacson, salle méritante s’il en est, est parfois un peu trop petit pour certains concerts mais c’est la seule salle décente (de 350/400 places) qui nous reste sur Lyon et son agglomération puisque le Rail Théâtre (entre 500 et 600 places) est désormais hors d’usage. Cela rappelle étrangement les galères de l’Africantape Festival en avril/mai dernier, non ? Avoir une salle décente de 500 à 700 places et où on peut assister à des concerts pas chers, parce que les associations bénévoles qui les organisent sont aussi pauvres que leur public, semble être un rêve trop doux et complètement impossible à réaliser.
Bref. Seb Radix entame donc la soirée et n’a rien changé à son dispositif rigolo : il joue tout seul de la guitare, du synthé (avec son pied droit), de la charley (avec son pied gauche) et en plus il chante. Il chante des pop songs teintées de folk et d’emo, donc tout ce que je devrais détester mais que j’apprécie chez lui, surtout lorsque Mr Radix aborde des territoires plus intimistes (une histoire de lumière à la fin d’un tunnel ou un truc dans le genre). J’apprécie aussi ses blagues à deux balles, car il ne manque jamais de faire allusion au fait que le concert est déjà complet mais que la salle est encore un peu vide à cette heure, puisqu’il est encore tôt dans la soirée. Mais la chaleur est pourtant déjà étouffante dans la salle et cela ne fera qu’empirer.




La suite du concert c’est Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp, un groupe qui a du jouer un paquet de fois dans le coin et que je n’ai jamais vu. Surtout, dans le line-up du groupe on retrouve derrière la batterie Wilf Plum qui est un ancien Dog Faced Hermans**, groupe exceptionnel et un immense souvenir de concert (le Wolnitza, rue Burdeau sur les pentes de la Croix-Rousse à Lyon, en 1994) – certains des disques du groupe ont récemment été réédités en vinyle par Red Wig records, le label qui abrite également Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp.
Ce dernier n’est pourtant pas intéressant uniquement à cause de la présence de Wilf Plum dans ses rangs. En effet on dénombre également (de gauche à droite) un tromboniste, une joueuse de marimba, une chanteuse/violoniste/percussionniste, un contrebassiste et un guitariste. Celui-ci joue des plans tout ce qu’il y a de plus exien et si, on considère également que les intonations de voix et les lignes de chant de la chanteuse sont parfois très semblables à celles de Marion Coutts, l’ex chanteuse de Dog Faced Hermans, on pourrait presque s’y croire. Mais Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp c’est bien plus que cela, de part sa richesse instrumentale et donc des genres musicaux abordés, le groupe proposant un mélange de punk épicé contrebalancé par des plans afro beat et ethno-bricolos. C’est joli, c’est parfois poétique, c’est enlevé mais je ne suis guère transcendé par cette fête des sens. OK, je ne suis jamais d’humeur très festive, en ce moment encore moins que d’habitude, et de toute façon j’ai toujours préféré la noise dépressive.




Tête d’affiche, The Ex s’installe sur scène alors que la température est à son comble dans la salle du Clacson remplie comme un œuf. Mais ce soir les choses sont différentes : The Ex effectue une mini tournée en compagnie de Brass Unbound qui comme son nom l’indique est une section de cuivres composée de joueurs issus de la scène des musiques improvisées et du free jazz, et pas des moindres. On retrouve donc Wolter Wierbos au trombone, Roy Paci à la trompette (il a joué sur deux titres du dernier album de The Ex, Catch My Shoe) et surtout d’Ab Baars au ténor ainsi que de Ken Vandermark au ténor lui aussi et au baryton. Mats Gustafsson, présent sur toute la première partie de la tournée The Ex Brass Unbound, a malheureusement quitté celle-ci après le concert de la veille à la Cave 12 de Genève.
Ne tergiversons pas, ce concert de The Ex avec un line-up élargi a été loin de tenir toutes ses promesses. Cela faisait mal au cœur de voir des musiciens aussi doués et géniaux que Baars et Vandermark cantonnés à jouer à la section de cuivre option accompagnement de cirque/fanfare des jeunesses anarchistes/freeture pour tous… quel beau gâchis. Sans compter que les réarrangements des morceaux – beaucoup étaient tirés de Catch My Shoe mais pas seulement – tombaient la plupart du temps à plat et dénaturaient les compositions initiales. Je frémis encore en pensant à ce que j’ai entendu sur 24 Problems et sur l’emblématique voire mythique State Of Shock. Et ce ne sont pas les quelques soli faussement exubérants placés et joués de manière totalement démagogique qui ont pu sauver la mise.




The Ex avec une section de cuivre perd toute l’âpreté et la sécheresse héritées des années (post) punk du groupe : on assistait pour la deuxième fois de la soirée à un pauvre concert festif et, qui plus est, à un concert des plus approximatifs – du punk festif… cette chose improbable et horrifiante***. Seulement il fait bien avouer qu’à ce petit jeu là Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp avait été bien meilleur quelques dizaines de minutes auparavant, ne serait-ce que grâce à la diversité musicale que le groupe proposait.
Et puis il y a aussi Arnold De Boer dont la prestation lors du concert de The Ex en novembre dernier au Fil de Saint Etienne avait été largement convaincante. Le courageux successeur de G.W. Sok au poste de chanteur a au contraire montré toutes ses limites lors de ce concert de The Ex Brass Unbound au Clacson, incapable de donner du corps à son chant maladroit, imprécis, jamais en place et extrêmement limité. Il ne faisait qu’en rajouter, sans doute galvanisé par  les couleurs trop criardes apportées par la section de cuivre. Conclusion : je ne retournerai (peut être) à un concert de The Ex que lorsque le groupe jouera seulement à quatre mais rien n’est moins sûr.
Pourtant le concert a plu, The Ex s’est taillé un franc succès et la plupart des gens du public sont ressortis de la salle avec un franc sourire – je me suis alors senti un peu tout seul avec ma mauvaise humeur proverbiale. Sans compter que j’aurais vraiment souhaité apprécier davantage ce concert de rentrée, en regard de la situation actuelle (et décrite un peu plus haut). Mais il ne sert à rien de se forcer comme il ne sert à rien de mentir et on peut toujours trouver le moyen de s’emmerder, même au sein de son propre petit monde – le bonheur ce sera donc pour une prochaine fois, très bientôt**** je l’espère, ne perdons pas patience.

[des photos en noir en blanc – la honte – prises uniquement en début de concert (pour The Ex), avant que je ne quitte le devant de la scène parce que lassé de tout ce cirque]

* si si, j’insiste : ce n’est pas parce que l’on accueille durant le week-end des soirées dub electro ou des soirées pour pédéguouines branché(e)s, lesquelles soirées permettent de financer une programmation musicale pointue le reste du temps, que l’on est un vendu, voire un petit commerçant mercantile
** pour la (toute) petite histoire, Andy Moor, guitariste de The Ex depuis 1990 (d’abord par intermittence puis à temps complet) était auparavant le guitariste de Dog Faced Hermans
*** arf… certains prétendent bien écouter du happy metal ou de l’intelligent dance music
**** et vu les prévisions des semaines/mois à venir, cela va sûrement être le cas… de mémoire et dans le désordre : BadBody, Melvins, Chokebore, Paramount Styles, Poino, le Gaffer Fest, le Riddim Collision, Ultra Panda, Berline0.33, Silent Front, Oren Ambarchi, Low, Peter Kernel, Cut Hands, Bonny Prince Billy, The Good Damn, Pinback, Tarwater…