samedi 2 juillet 2011

Nurse With Wound / Who Can I Turn To Stereo


United Jnana poursuit tout doucement mais surement les rééditions des vieux albums de Nurse With Wound. Cette fois ci c’est au tour de Who Can I Turn To Stereo de se faire relifter sous la forme d’un double CD comprenant l’album original publié en 1996 par United Dairies et un disque de chutes de studio et versions alternatives dont la plupart avaient déjà été publiées sous le nom de Stereo Wasteland par le label Beta Lactam Ring en 2006 (et épuisé depuis). L’artwork a comme d’habitude été entièrement revu par Steve Stapleton sous son alias de graphiste (ici Babs, souvent il apparait sous le nom de Babs Santini) et c’est une bonne chose car la pochette initiale de ce disque n’avait rien de très attrayante. On a bien sûr remarqué au passage cette photo de Peter « Sleazy » Christopherson, photo que l’on retrouve cette fois à l’intérieur du digipak de la version 2011 de Who Can I Turn To Stereo. L’ex Throbbing Gristle, ex Psychic TV et alors membre de Coil joue effectivement sur ce disque, aux côtés d’une liste d’invités qui ressemble à un petit who’s who de la musique expérimentale et/ou dadaïste : John Balance, l’ami et chanteur au sein de Coil, David Tibet de Current 93, Edward Ka-spel des Legendary Pink Dots mais aussi du monde beaucoup moins connu comme Davide Meroni, Peat Bog, Sarah Fuller et Petr Vastl. A cette époque là le noyau dur de Nurse With Wound était composé de Steve Stapleton et de Colin Potter.
Who Can I Turn To Stereo
a également été dédicacé a posteriori à la mémoire de Peter Christopherson, mort l’année dernière à l’âge de 55 ans. Voilà qui pourrait embarrasser l’auditeur/amateur le plus fanatique car même si en 1996 (à la date de l’enregistrement de Can I Turn To Stereo) Coil était en plein trou d’air pour ne pas dire dans le creux de sa force créatrice – il faudra encore attendre quelques années pour que le duo publie les deux magnifiques volumes de Musick To Play In The Dark – on ne peut pas s’empêcher d’avoir un petit pincement au cœur nostalgique. Pincement qui ne dure pas très longtemps non plus parce que, à l’image de beaucoup de disque de Nurse With Wound, Who Can I Turn To Stereo est avant tout déroutant et laisse la place à l’incrédulité, l’agacement et même l’irritation.




















Il y a des disques absolument géniaux de Nurse With Wound (Spiral Insana, Solliloqy For Lilith ou Salt Marie Celeste), il y en a des très bons (Insect And Individual Silenced, Homotopy To Mary, Drunk With The Old Man Of The Mountains, Rock’n Roll Station, An Awkward Pause, The Surveillance Lounge) et puis il y a tous les autres, ceux que l’on écoute de manière dubitative en attendant un éventuel déclic ou la révélation ultime (Chance Meeting, The Sylvie And Babs Hi-Fi Conpanion, A Sucked Orange, Live At Bar Maldoror, Thunder Perfect Mind ou la série des Shipwreck Radio). Who Can I Turn To Stereo fait partie de cette dernière catégorie, celle qui fait que l’on rejette souvent Nurse With Wound comme une pure fumisterie pour intellos onanistes ou, si plusieurs écoutes répétées du disque ont fini par convaincre, celle qui fait que l’on classe le groupe dans les objets sonores non identifiés, que l’on ne supporte que lorsque notre humeur y correspond vraiment.
Who Can I Turn To Stereo
est loin d’être un mauvais disque malgré ses facilités trop flagrantes (comme les samples de titres antérieurs de Nurse With Wound ou ces rythmiques tribales en mode essorage lent sous les sunlights arabo-andalous) mais il agace souvent. Il fait preuve d’un systématisme parfois grossier qui confine au remplissage – toujours les rythmiques, accompagnées de bruits d’autocuiseurs en pleine surchauffe ou de voix de télétubbies shintoïstes. Et puis il y a aussi des moments de pure poésie, pendant lesquelles la vision inimitable et décalée des expérimentations électroacoustiques de Steve Stapleton vous donne un bon coup de fouet. Il y a peu de cut-up ici – genre dans lequel Nurse With Wound excelle pourtant – mais beaucoup de recours à l’auralité, à la narration et les multiples intervenants du disque sont en fait souvent celles et ceux qui ont prêté leurs voix pour lire des textes d’une façon monocorde et lente, induisant un état impermanent qui à certains moments exclue Who Can I Turn To Stereo de tout référentiel temporel – les schémas rythmiques finissent eux aussi par aboutir à un tel résultat. En fait, on ne peut pas réellement s’ennuyer en écoutant Who Can I Turn To Stereo, on peut seulement s’y perdre et c’est tout ce qui rend ce disque aussi captivant, comme un jeu vidéo à la conception raté mais qui vous donne suffisamment de points de vie pour continuer quand même.

















Attention évènement : Colin Potter, soit toujours une moitié de l’actuel Nurse With Wound, sera en concert le 8 juillet prochain au Sonic en compagnie de Paul Bradley (les deux hommes ont publié en 2010 un album du nom de The Simple Plan sur le label Integrated Circuit records et sinon on vous conseille vivement de jeter une oreille sur leur double album Confluence publié par Twenty Hertz records, le propre label de Paul Bradley). Une soirée à ne rater sous aucun prétexte si on est un amoureux des musiques expérimentales, à la fois post industrielles et atmosphériques.