mercredi 20 juillet 2011

Horseback / The Gordon Tongue


Voulant très certainement capitaliser sur le succès de The Invisible Mountain, déjà réédition d’un disque initialement paru chez Utech records en 2009, Relapse records recommence en republiant en même temps deux disques de Horseback sous l’appellation de The Gordon Tongue, soit la compilation de Impale Golden Horn (un CDr paru au départ en 2007 sur Holidays For Quince records) et de Forbidden Planet (une cassette publiée par Brave Mysteries records en 2010). Grand bien en a pris au label même si on sait parfaitement que ce ne sont pas quelques velléités archéologiques et philanthropes pour fanatiques obsessionnels de musique qui ont poussé Relapse à agir de la sorte. D’ailleurs, on s’en fout.
Vous avez aimé The Invisible Mountain, sorte de decrescendo dévalant d’un black metal transcendantal pour atterrir au niveau des pâquerettes, les quatre fers en l’air, au milieu d’étendues verdoyantes à la quiétude à peine troublée par le murmure du vent dans les arbres ? Et bien il y a de bonnes chances pour que vous adoriez également Impale Golden Horn, synthèse qui tombe à pic de drone atmosphérique (Nadja, Our Love Will Destroy The World), de shoegaze métallisé (les mêmes, ou presque) et de mélancolie forestière et bucolique (toujours les mêmes, avec un peu de Earth et de Barn Owl en prime). Œuvre du seul Jenks Miller – qui se fait de temps à autres aider par un chanteur ou un batteur, voire par un guitariste –, la musique de Horseback est étonnamment facile d’accès, un peu trop disent ses détracteurs zélés, et résolument accrocheuse.




Ainsi les 17 minutes de Final, premier titre de Impale Golden Horn, sèment-elles toute la concurrence pourtant nombreuse d’Horseback sur le terrain d’un drone grésillant et gentiment triste car finalement plutôt fleuri (encore les pâquerettes, c’est de saison). Les cheveux et les barbes poussent mais pas très longtemps : The Golden Horn privilégie le côté shoegaze avec, comme pour en rajouter une couche, un gimmick ultra minimal au piano – ce qui n’empêchent pas les guitares de continuer à faire des bulles alors qu’au loin une vague rythmique fait office de pulsation. Laughing Celestial Architect réunit les ingrédients des deux premiers titres – encore du piano, encore des guitares qui se prennent pour des tapis volants – mais cette fois ci la rythmique est bien plus appuyée quoi que tout aussi minimale mais contre toute attente le titre se délite formellement pour aboutir à une longue boucle répétitive et hypnotique aux variations infimes et entêtantes avant l’extinction. Blood Fountain est un titre chanté – par Jenks Miller lui-même (?) et accompagné nous dit le livret par Heather McEntire, les deux jouent également ensemble au sein de Mount Moriah – et est surtout une sorte de porte de sortie voire une bouche d’aération pour Impale Golden Horn, malgré un final curieusement agrémenté d’une tentative free form à la batterie donnant à cette composition de vrais faux airs de Gastr Del Sol.
Bien que très différent, Forbidden Planet est tout aussi passionnant que Impale Golden Horn. Avec ses cinq titres, ce deuxième disque finit de convaincre les plus réticents quant à l’encrage à l’occasion plus metal d’Horseback : Veil Of Maya (The Lamb Takes The Lion) relève même carrément du black metal (sans batterie mais avec croassements de corbaques digitaux) ; A High Ashen Breeze part 1 & 2 lui font suite et confirment la direction de l’enregistrement avec des nappes de guitares sursaturées tandis que le chant se fait toujours plus imprécateur et ensorcelé, que l’aspect atmosphérique est renforcé par la basse qui égrène le plus lentement possible quelques notes et que la batterie n’est présente que par le jeu incessant d’une cymbale. Toujours enchainés, Alabaster Shithouse (avec de l’orgue en plus) et A High Ashen Breeze part 3 ferment la marche et complètent Forbidden Planet, encore et toujours sur le même registre, bien que l’on sente un certain glissement vers plus d’abstraction : le son s’épaissit, les couches d’instruments se rajoutent les unes aux autres mais le sens s’obscurcit, comme si on pénétrait un brouillard de plus en plus épais. Pour finir, Introducing Blind Angels est un nécessaire apaisement après tout ce déluge apocalyptique.
The Golden Horn
tout comme Forbidden Planet confirment ainsi tout le talent et la vision unique de Jenks Miller : la réussite de The Invisible Mountain n’était pas qu’une vue de l’esprit ou un feu de paille – chose que, on l’espère, on pourra de nouveau vérifier à l’écoute du nouveau disque qu’Horseback vient tout juste de terminer d’enregistrer.