lundi 10 mai 2010

Pneu, l'échappée belle























C’est dans le cadre du premier Grand Salon De La Micro Edition qu’a lieu le concert de ce samedi à Grrrnd Zero. N’ayant pu venir dans la journée j’espérais au moins voir une partie des expositions le soir (Mattt Konture, Le Dernier Cri, Arrache-toi Un Œil, etc) mais au moment où je débarque les portes du Grrrnd Zero sont fermées, tout le monde est dehors sur le parking, les bières, verres de rouge et autres assiettes vegan sont vendus à qui les demandent et servis par une petite porte restée ouverte, option passe-plats. Je vois des bouteilles de whisky et des ballons de foot qui volent, chaude ambiance et il y a du monde si j’en crois le paquet de vélos accrochés au grillage extérieur.
Une connaissance de concert – on se croise très régulièrement et donc nous avons forcément fini par lier connaissance – m’explique qu’elle a vu les expos mais qu’elle est dehors depuis 19 heures à attendre que la salle réouvre enfin. Je comprends donc que je ne verrai rien de tout ça, tant pis pour moi, d’autant plus que je ne pourrai pas revenir le lendemain alors qu’il est prévu que les expos perdurent et qu’il y a même l’édition d’un bouquin collectif et sérigraphié à la clef.
J’hésite une dernière seconde entre rester et attendre sur le parking du Grrrnd Zero ou bien me rendre une nouvelle fois au Sonic où doit avoir lieu le énième concert à Lyon d’Enablers* (featuring Doug Scharin) mais même la présence de l’ancien batteur de June Of 44, Codeine, Directions In Music – je vous fait grâce de HiM que je n’ai jamais aimé et d’Out Of Worship, tout simplement imbuvable…– ne me décide pas à changer d’avis. Je ne me sens pas l’humeur d’un poète.
















Je pensais que Shield Your Eyes allait jouer en premier et bien non, c’est Courge qui s’y colle. Courge c’est surtout le groupe de Mattt Konture, redoutable auteur de BD et dont les dreads feraient rougir de jalousie n’importe quel rasta gothique lyonnais. Le line-up est le suivant : Mattt à la guitare et au chant, un deuxième guitariste (très classe), un bassiste, un batteur et un organiste. Courge joue du garage super crade, mega lo-fi et assez mollasson – au début je pense que c’est une blague mais non. Le groupe traine la réputation de toujours jouer complètement bourré, ça je veux bien le croire, par contre je n’arrive pas à savoir si ces gars le sont un peu trop pour jouer un truc correct ou bien s’ils ne le sont pas assez pour balancer quelque chose de vraiment barré.
Certains titres décollent mais la grande majorité non. Mattt Konture chante délibérément très mal et d’une voix totalement désagréable, prenant un malin plaisir à détruire tout ce que le groupe derrière lui essaie de construire de potable – Courge/Wampas même combat. Je jette un coup d’œil sur la playlist du jour et je suis effaré par sa longueur. Je déserte alors le devant de la scène où quelques agités se trémoussent en hurlant comme s’ils avaient l’air d’adorer Courge (c’est leur droit) pour suivre moi le concert de loin, ce qui a l’avantage de me faire apprécier le son du groupe dans son ensemble (et non pas le seul son crin-crin de la guitare de Mattt Konture et sa voix mise trop en avant).
Quelques passages des textes – principalement en français – me font rire (comme sur Chaussette où Mattt répète ad lib On Ne Fait Pas De Reprises/On A Les Chaussettes Trouées) mais les remarques qui fusent me font plus rire encore : ils ne doivent pas jouer trop souvent, c’est pour ça qu’ils s’éternisent ou bien si personne ne leur dit d’arrêter ils vont continuer à jouer. Courge ne peut pas non plus s’empêcher de nous servir plusieurs fois le coup du dernier titre… Mention spéciale au batteur du groupe qui était le seul à avoir l’air de s’amuser pendant qu’il jouait (très bien en plus), s’il n’avait pas été là ce concert aurait été une catastrophe, il ne fut qu’un profond ennui. On ne peut pas être doué pour tout.
















Les Shield Your Eyes jouent en second. Je n’avais guère apprécié le groupe lors de sa précédente venue à Lyon à l’occasion d’une tournée commune avec les excellents Silent Front il y a un an et demi et même si le titre figurant sur le split single partagé avec ces mêmes Silent Front était convainquant, jusqu’ici j’ai toujours préféré Push To Fire, le précédent groupe de quelques uns de ces jeunes gens. Surprise, le bassiste barbu de Shield Your Eyes qui a subitement abandonné le navire juste avant le démarrage de la nouvelle tournée avec Pneu et Don Vito puis Nervous Kid (ça doit faire toujours plaisir) a été remplacé fissa par une bassiste avec toute la panoplie de Barbie Ramone. Il ne faut pas se fier aux apparences parce qu’en l’occurrence la demoiselle sera diablement efficace avec sa quatre-cordes.
Pour la première fois je suis séduit par Shield Your Eyes. Ou bien jusqu’ici j’étais complètement sourd et aveugle à tout le savoir-faire de ce groupe délirant ou bien il a fait de sacrés progrès ces derniers mois. Bien évidemment j’opte pour la deuxième explication. La voix du chanteur – très personnelle, c’est un euphémisme – ne semble plus aussi irritante qu’auparavant et la personnalité de ce petit rouquin électrisé qui tient aussi la guitare est renversante, au moins autant que les compositions foutraques et tordues menées droit au but par un batteur que je n’avais pas remarqué aussi impressionnant et carré, une vraie brute.
Ce que je remarque aussi c’est la guitare qui n’a plus que quatre cordes (les deux du haut et les deux de bas), ce qui, allié à de drôles d’accords auxquels je ne comprends rien, explique le son de guitare un rien perturbant au premier abord. Les copains de Pneu qui assistent devant au concert de Shield Your Eyes installent un spot derrière la batterie et font éteindre les lumières de la salle ce qui donne au groupe un air encore plus surnaturel et incroyable.
Malheureusement, alors que le guitariste enchaîne les accords d’Iron Man de Black Sabbath dans une version méchamment vicieuse et violente, il casse ce qui lui reste de cordes du bas, coupant brutalement court à un concert qui devenait tout simplement grandiose. Dommage, on en aurait bien pris davantage.
















Pneu joue donc en dernier et c’est toujours le même plaisir de retrouver ces deux grands malades. Et en plus, ce soir, ils sont particulièrement en forme. Que le duo n’ait rien de véritablement nouveau à offrir importe peu : Pneu prouve une nouvelle fois qu’ils sont les rois du math core à forte tendance débridée et chaotique. Et ils s’en donnent à cœur joie dans l’option je te tapisse la rythmique de double pédale et je te fais couiner ma guitare jusqu’à t’en déchirer les oreilles.
Les plans virtuoses se succèdent à une vitesse et avec une folie impressionnantes, à la punk, faisant de Pneu le groupe instrumental à la fois le plus technique et le plus crade de la sphère math rock – sphère que ces deux là éclatent haut la main tellement elle semble bien trop petite pour eux. Le concert, intense et absolu, s’achève avec le désormais habituel titre hyper ralenti et doomesque (qui figure en version courte sur le split 12 pouces partagé avec les excellents Nervous Kid**), faisant lentement monter la pression puis l’attente et la frustration avant une dernière salve de grind punk mathématique. J’en tremble encore.

* concert d’Enablers qui de l’avis général s’est révélé excellent
** on en reparle bientôt