vendredi 7 mai 2010

Daughters / self titled























Je m’apprêtais à dire du mal – ça suffit d’encenser les disques des gens que l’on connait bien – avant d’écouter les huit titres (seulement) du troisième album de Daughters mais je vais m’abstenir. Non pas que Daughters peut avec ce disque sans titre espérer passer dans la catégorie des groupes hautement estimables ou même incontournables mais, il faut bien l’avouer, on trouve ici ou là deux ou trois choses qui empêcheront d’appuyer sur OK au moment de vider la poubelle à mp3 lors du grand ménage de printemps d’un disque dur bien mis à mal par un hiver particulièrement long et rigoureux cette année.
Je n’avais jamais fais attention que ce groupe de poseurs vient de Providence, la patrie de quelques unes des formations parmi les plus barrées du monde, je crois que c’est en lisant le sticker promotionnel apposé par Hydra Head sur un exemplaire croisé dans les bacs d’un disquaire que je m’en suis rappelé. Ma première réaction a été un genre de si ces gros nazes n’ont même pas réussi à se faire signer sur Load record c’est bien qu’il doit y avoir une bonne raison à cela. La raison, si évidemment elle existe, je ne la connais pas. Mais je peux aisément la deviner : ce disque est surproduit, stéroidé, dégueule de gonflette devant la glace de la salle de sport et n’a donc rien à voir avec la saleté, la cradeur, le vice et la collection d’excréments en tous genres dont peut s’enorgueillir Load depuis de nombreuses années. A l’écoute de ces huit titres, on se dit que l’on est bien chez Hydra Head, le label où souvent rien ne dépasse, mais la maison de disques montée par Aaron Turner sait aussi parfois nous étonner – The Austerity Program, Harvey Milk et bien sûr Oxbow – alors pourquoi pas.
Si on ne connait que le premier single (bientôt réédité) ainsi que le EP Canada Songs de Daughters le choc risque d’être rude tellement le groupe a évolué entre temps. Et si on n’a jusqu’ici écouté que Hell Songs, le premier véritable album publié entre temps par Daughters (déjà sur Hydra Head), on ne pourra que convenir que le groupe s’est très largement amélioré, maîtrisant et canalisant son ardeur de chien fou tout en lui rendant davantage justice, en un mot comme en cent c’est moins le bordel et j’en veux pour preuve ce batteur qui n’utilise plus systématiquement sa double pédale pour nous faire croire qu’il est un homme un vrai. L’effort est aussi patent au niveau des compositions qui partent moins dans tous les sens et semblent même aller quelque part. C’est souvent très drôle tel ce Sweet Geogia Brown – un hommage à la chanteuse brésilienne également surnommée gorge profonde par les amoureux de musique exaltés par la largeur de son registre ? – ou tout simplement bien barré comme le titre juste après, The Unattractive, Portable Head, qui est aussi le plus lent de tous, à égalité avec le très bon The Dead Singer, ce qui tendrait à prouver que Daughters est bien meilleur dès que le groupe se donne les moyens de ralentir la cadence et de se retenir (l’éjaculation finale n’en est forcément que meilleure).
Alors qu’est ce qui ne va pas sur ce disque ? Le chanteur est toujours aussi énervant, tentant d’imiter sans y arriver vraiment le style de patate avinée mis au point par David Yow les doigts dans le nez et la bite à l’air alors que l’autre semble penser qu’il suffit d’une paire de bottes de cow-boy et de deux ou trois glaviots pour y parvenir. La production ensuite. Elle est aussi grosse qu’une érection matinale on l’a déjà dit mais les choix sont parfois discutables, notamment au niveau du son de la guitare et de la quasi omniprésence de synthétiseurs – les deux se confondant d’ailleurs souvent, ce qui permet de penser que le guitariste est encore un de ces gars qui utilisent trop d’effets (c’est Agata de Melt Banana qui joue sur la fin de The Theatre Goer ou quoi ?). On ne compte plus les couches et les surcouches qui ensevelissent le son de ce disque alors on est bien obligé de faire la part des choses tout en reconnaissant qu’au final Daughters s’en sort plutôt bien de toute cette débauche de moyens disproportionnés. Mais heureusement que ce disque ne dépasse pas la demi heure : l’écœurement aurait sûrement fini par poindre le bout de son nez.
Un petit mot sur l’artwork pour finir : celui-ci représente ta sœur (ou ta mère) en pleurs après que ton salaud de père lui ait une nouvelle fois latté la tronche ou lui ait hurlé dessus quelques saloperies dont il a toujours eu le secret. Si tu ne reconnais pas ta sœur, d’autres portraits à vomir se trouvent à l’intérieur ou au verso du disque.