jeudi 18 mars 2010

Conger! Conger! / self titled


Toujours XcRoCs records et encore un groupe, Conger! Conger!, dont je n’avais jamais entendu parler et pour cause puisque ce cinq titres tout beau tout petit est le premier enregistrement publié par ce trio constitué d’un bassiste, d’un guitariste et d’un batteur/chanteur. Le ménage à trois est la formule power trio par excellence mais elle peut également être celle de l’indie pop et c’est précisément dans ce registre ci qu’opère Conger! Conger!, du moins sur les trois premiers titres. My Neighbour’s Dreams est le plus dynamique des trois, démarrant brillamment sur un tapis de guitares précises et soutenues par une rythmique rapide. La voix – les voix plutôt puisqu’il y a des chœurs – possède cet allant nécessaire pour vous faire rentrer une ritournelle dans la tête. Et c’est mission accomplie jusqu’à la moitié du titre à partir de laquelle My Neighbour’s Dreams redescend doucement au niveau du sol. La guitare devient lointaine, la basse fait des ronds, un xylophone tintinnabule et les voix en décalage, entre pleurs et comme un vague sentiment de colère rentrée, répètent inlassablement my neighbour’s dream are just the same as mine – ce qui est totalement faux les soirs de match à la télé. Premier titre et Conger! Conger! a déjà l’art de brouiller les pistes.
Haunted est une magnifique balade, toute en retenue, sur laquelle Nicolas Dick de Kill The Thrill (également crédité à l’enregistrement, etc) joue quelques notes de lap steel. Plus linéaire que Neighbour’s Dreams mais débordant de poésie glacée, Haunted explore une tristesse indicible – j’ai réécouté The New Year il y a deux jours et en ce qui me concerne c’est plutôt une bonne coïncidence – avant de s’éteindre doucement.
Tiens, on dirait que c’est une boite à rythmes qui bat la mesure sur Clouds. L’habillage change (on compte aussi une guitare fantôme, des effets sur la voix, un bout de texte en français…) mais la retenue, l’élégance est la même.























Si ce disque avait été un vinyle, un mini album cinq titres donc, c’est ici que je me serais levé pour changer de face. Un effort surhumain mais qui aurait nettement convenu : les deux derniers titres sont encore plus mystérieux et décalés que les trois premiers. Déjà le magnifique Man + Child = Gun avec son brouhaha sonore en fond sur la longue deuxième partie du titre. Au début on pense qu’il s’agit d’une guitare en mode epilady puis on opte finalement pour une radio manipulée par un type à la recherche des résultats sportifs de la veille. Apparait une voix (samplée ?) qui à nouveau tient tout du fantôme : on entend distinctement les mots contenus dans le titre de cette chanson et l’effet est glaçant.
Mais le plus étrange sur ce disque c’est le dernier titre, Nevermind. Un rock noise et presque tribal – du tribal comme en font les peuplades d’Europe occidentale – épaulé par le saxophone hurlant de Julien Lemonier, oui celui de CaVe CaNeM et cofondateur du label XcRoCs, mais même dans ce registre plus musclé on sent une espèce de retenue chez Conger! Conger! Le rythme a un côté faussement soutenu sur toute la première grosse moitié du titre mais ce groupe a décidément l’art de faire évoluer ses compositions en eaux troubles et à noyer le poisson sans en avoir l’air : toute la fin de Nevermind, jouant encore une fois le décalage complet, marque la reprise des hostilités et donnerait presque envie de se trémousser comme un hippopotame dans un marigot. Étonnant. Étonnant mais radicalement personnel. Et puis si j’ai utilisé le terme de chanson – non je ne l'ai pas encore fait ? et bien voilà ! – ce n’est pas pour rien. La qualité numéro un de Conger! Conger! c’est bien la qualité formelle et l’originalité de ses compositions. Surprenantes, n’allant jamais là où on s’y attend, ne préfigurant jamais de l’atterrissage final qui de toutes façons a une certaine tendance à se faire à notre insu. Une belle découverte.