lundi 8 mars 2010

Circle X / Dijon '79























Allez, je me lance : ce Dijon ’79 – vous ne trouvez pas que ça ne fait pas très sérieux comme titre ? – est à ce jour le seul enregistrement en concert officiel de Circle X, groupe à la trajectoire aussi improbable que tordue. Fractal records a eu la bonne idée de récupérer ces bandes et d’y ajouter deux ou trois inédits studio mais plutôt dispensables datant de la seconde vie du groupe, bien longtemps après (1994). En tout huit titres tenant sans problème sur les deux faces d’un 25 centimètres. Les concerts de Circle X ne duraient pas longtemps, genre vingt minutes, courtes déflagrations et jets de pierres en guise de structures d’une musique ignorant les termes de compromis, de facilité, de confort et d’abandon. Deux guitares complexes et ultra saturées, pas de basse, une batterie plus bestiale et tribale tu meurs et un chant constamment dans le cri. Se prendre une telle performance au travers de la gueule en 1979 devait avoir quelque chose de foncièrement déstabilisant. Et devrait l’être toujours aujourd’hui tant la musique de Circle X dégage encore à la réécoute une pureté brute et aiguisée que l’on ne rencontre pas à tous les coins de rue. Il n’y a qu’à réécouter le violentissime Look At The People pour s’en convaincre totalement.
Les cinq titres en concert – enregistrés très précisément le 26 novembre 1979 en première partie de Marquis De Sade à l’université de Dijon dans un amphithéâtre rempli d’étudiants – sont comme autant de grincements désagréables et dérangeants. Le son de l’enregistrement est assez aléatoire mais suffisamment bon pour perpétuer cette éternelle question : que foutait Circle X à Dijon en 1979 ? Pourquoi le groupe n’était il pas resté à New-York (Circle X s’y était installé après avoir quitté sa ville natale de Louisville, Kentucky) alors que la no wave y faisait rage ? L’histoire est connue, c’est le manageur du groupe, le français Bernard Zekri qui repère les quatre Circle X lors d’un concert au CBGB et les embarque pour Dijon où il les héberge dans l’appartement au dessus de sa librairie militante appelée Les Doigts Dans La Tête. Pendant les neuf mois que durera le séjour français de Circle X le groupe enregistrera un 45 tours (qui va bientôt être réédité) ainsi que le désormais légendaire maxi quatre titres uniquement marqué d’un cercle traversé d’une croix – c’est ce maxi qui a été réédité en CD en 1996 par Jim O’Rourke et David Grubbs sur leur label Dexter’s Cigar et qui vient tout juste d’être à nouveau réédité mais en vinyle cette fois ci par un label allemand totalement inconnu, Insolito records (mais on en reparlera).
Dijon ’79 ne dissipe aucunement le mystère Circle X – on laisse volontairement de côté Machine et Sweet Song, les deux inédits de 1994 qui n’ont qu’un intérêt limité et n’ont à vrai dire pas grand-chose à faire là – mais bien au contraire il l’épaissit durablement, rendant le groupe plus fascinant encore. Rik Letendre (guitare) ne cherche aucunement à dissiper ce mystère dans l’interview transcrite dans le numéro 81 de Revue & Corrigée, se contentant d’être factuel : […] il y avait beaucoup de réverbération dans la salle et je me rappelle Tony demandant à l’ingénieur du son encore plus de réverbération. J’étais jeune et délirant à cette époque, probablement à cause de la fatigue. Ou bien refusant toute théorisation de ce qu’a été la musique de Circle X : Ce n’est pas qu’on se prenne pour plus sérieux que nous sommes. Mais en y regardant de plus près, les gens veulent catégoriser et canaliser la culture. Il y a cette idée qui ne s’effacera jamais comme cette habitude merdique de vouloir classer la culture par périodes en cartographiant les trajectoires. Historique et essentiel, pourtant c’est comme ça qu’on dit.