mardi 10 mars 2009

KK Null au Sonic























La soirée du dimanche. A dire vrai c’est plus la curiosité qu’autre chose qui me pousse jusqu’au Sonic. Histoire de me prendre une grosse baffe question volume sonore avec KK Null. Et j’espère bien que je vais être servi. La salle est presque vide (elle ne va pas beaucoup se remplir…) alors que Gzzzt commence son set. Je vois arriver un garçon à l’apparence toute timide et lunettes de premier de la classe. Il se planque derrière son laptop et diffuse ses sons. De la musique de souris et de double clic. Sur le monospace de Gzzzt on peut lire : frénétique, indus, psychotique. Les compositions de notre binoclard n’ont pas l’air trop mal mais comme me le fait remarquer mon voisin de gauche, le problème avec ce genre de dispositif c’est qu’il ne se passe rien de rien sur scène. La seule solution c’est la projection vidéo -mais regarder des images abstraites à peine plus passionnantes que des bulles d’huile colorées naviguant dans de l’eau d’une autre couleur cela va bien cinq minutes- ou le son. Et malheureusement Gzzzt ne l’a pas le son, ses compositions sont trop disparates pour accrocher l’oreille. Le garçon hésite encore entre plusieurs genres et cela lui est préjudiciable.























Un passage breakcore me fait presque lever la tête et l’oreille. Je ressens également une certaine admiration lorsque Gzzzt s’empare d’un micro et se met à hurler comme un possédé, pas mal pour un timide. Ça c’est sûrement le côté psychotique. Je remarque également un semblant de chorégraphie ou plus exactement des attitudes choisies à des moments précis. Cela va du garde-à-vous à la danse de saint-guy pour poulet condamné à l’abattage industriel. On finit par avoir un peu honte pour lui, y compris et surtout lorsque il chausse son gant mapa électronique tout bourré de capteurs. Trop top. Lorsque il sert le poing ou tend le bras cela fait des sons. Il en fallait un peu plus pour me sortir de ma torpeur. Combien y a-t-il de z à Gzzzt ? ZZZZZZZZZZZzzzzzzzzzzzzzzzzz…
Vacuum
s’installe à son tour. La (bonne) surprise c’est que ce duo est composé de Yann Gourdon et de sa vielle à roue trafiquée avec un dispositif électroacoustique (microcapteurs et deux tonnes de boîtiers d’effet). L’autre membre est un batteur/bricoleur complètement inconnu au bataillon et ce n’est pas son site qui pourra nous en apprendre davantage sur lui. Sa batterie est bizarrement composée, la grosse caisse est couchée et surélevée avec une double pédale qui frappe sur la peau du dessous, ce qui permet ainsi de jouer en même temps sur la peau du dessus.


















La musique de Vacuum n’a rien à voir avec les travaux en solo de Yann Gourdon et ses délires soniques, dans la lignée d’un Phil Niblock par exemple. Ce soir nous avons droit à de l’improvisation au sens strict. Le problème c’est que le batteur en fait des tonnes, il n’arrête pas de gesticuler, use et abuse d’accessoires dont il se sert pour tirer de sa batterie des sons inhabituels (grincements, etc). Il passe ainsi en revue tous les artifices du batteur contemporain qui depuis ce gros taré de Han Bennink et sa descendance directe (comme Gerry Hemingway et maintenant Chris Corsano) n’ont plus rien d’original ou d’un tant soit peu surprenant. Surtout il ne laisse aucune place à la vielle à roue de Yann Gourdon, la noie sous un déluge de notes impossibles et inutiles. J’ai rarement entendu un duo aussi mal assorti. Dommage.
L’homme de la soirée arrive, KK Null installe son nullsonic sur une table. Le nullsonic c’est en fait deux boîtiers d’effets à écran tactile. Pendant qu’il se sert de l’un pour lancer des sons/samples déjà rendus méconnaissables, il modifie tout ça et en rajoute une couche en utilisant le second boîtier. La musique est donc générée en direct, ce qui renforce le caractère naturellement dynamique des compositions.






















Les disques du japonais peuvent être très beaux mais en concert l’accent est mis sur le volume, l’intensité et le côté sculptural des sons. Il utilise souvent des bases technoïdes dévoyées (mais il n’y a jamais de rythmique) et celles-ci sont comme poussées à bout. L’approche du son est assez comparable à celle d’un Masami Akita -avec lequel KK Null a joué pendant deux ans au tout début des années 80- sauf qu’il y a des bouts discernables dans la magma sonore, il y a également toujours un fil conducteur, un cheminement (ce qui est l’exact opposé de la doctrine de l’empilement cher à Merzbow) et donc on peut facilement se laisser prendre à son jeu dangereux de salves supersoniques.
Le volume sonore est conséquent mais somme toute raisonnable. Le sol tremble un peu sous l’effet des basses qui pourtant sont largement minoritaires dans la musique de KK Null, tout comme les aigus d’ailleurs. Tout dans les médiums. Lorsqu’il prend une sorte de micro en forme de masque anticontamination et qu’il se met à hurler dedans je reconnais instantanément le barrissement qui sur disque me fait penser au cornet dans Throbbing Gristle. En concert cette comparaison n’a plus lieu d’être, le barrissement s’est transformé en cri de guerre (encore un reste de Zeni Geva ?) passé à la moulinette noise. KK Null en direct live c’est définitivement moins de finesse et de détails mais beaucoup plus de sensations fortes. J’en ai encore les jambes qui picotent un peu.