Zach Hill, batteur octopode de Hella, a sorti cette année un album solo sur Ipecac (version vinyl sur Anticon). Avant de s’attarder un peu sur Astrological Straits un bref rappel s’impose. En 2007 Hella a publié un album du nom de There’s No 666 In Outter Space (déjà sur Ipecac) qui marquait le passage du duo math noise à une formation à cinq avec deuxième guitare, basse et chant en plus. Cet album très décrié -mais que j’aime bien, sûrement parce qu’il me rappelle mes goûts de chiottes de préadolescent- a marqué la fin de Hella pour beaucoup de vieux fans. Pour d’autres, le groupe était déjà mort avec le diptyque Church Gone Wild/Chirpin Hard (sur Suicide Squeeze en 2005), double album dont le principe était très simple : chacun des deux membres était responsable de l’un de deux disques proposés, fallait surtout pas se mélanger, la partie signée Zach Hill étant Church Gone Wild, une pièce montée composée de douze mouvements et sensée être écoutée d’un seul bloc, attention concept. Bizarre tout ça en tous les cas. Mais la certitude que Hella faisait tout son possible pour ne rien faire comme les autres, quitte à faire vraiment n’importe quoi.
Parait donc cette année Astrological Straits sous le nom seul de Zach Hill, un album qui est également un double CD. Précision importante car le deuxième disque est rarement évoqué : il ne comporte qu’un seul titre d’une durée fatigante d’une demi heure, cela s’appelle Necromancer. Commençons par là parce que Necromancer ne prouve qu’une seule chose : Zach Hill est un mauvais batteur quand il se prend trop au sérieux. Cette improvisation batterie + piano (et quelques bidouilles insignifiantes) lorgne du côté du free jazz et en particulier de Cecil Taylor sauf que question matraquage de piano même Elton John serait plus imaginatif et plus barge (le pianiste s’appelle Marco Benevento) et surtout Zach Hill sur une telle longueur ne démontre qu’une seule chose : il ne connaît que deux (maximum trois) plans de batterie, ses rythmes que je t’en mets de partout virent sans exception à l’exercice stérile et vain, petit lapin électrique tapant sur son tambour en plastique tant que la pile n’est pas à plat. Une fois cette mise au point faite, une fois que l’on accepte que Zach Hill et son jeu de batterie n’ont de quelconque intérêt que lorsqu’ils sont au service d’une musique vraiment tarée -l’album Hold Your Horse Is et le mini The Devil Isn't Red de Hella pour l’essentiel- on peut s’intéresser d’un peu plus près à ce disque. Est-ce que Brian Chippendale de Lightning Bolt a un jour essayé de jouer autrement? Non. Au contraire, il a monté Mindflyer, un truc encore plus inécoutable que son groupe d’origine.
Astrological Straits et ses treize chansons ou intermèdes est un album ambitieux. Zach Hill s’y est entouré d’invités qui font baver dans les gazettes mais dont je n’ai rien à taper (les gars de No Age ou le bassiste de Primus en première ligne). Le line-up change souvent du tout au tout d’un titre à l’autre mais il y a deux constantes. La première garantie l’homogénéité mélodique et vocale de l’album, Zach Hill devait vraiment savoir ce qu’il souhait produire -un bon point pour lui, même lorsque on n’aime pas le résultat. La seconde concerne évidemment son jeu de batterie et la quasi certitude que Zach Hill joue toujours à côté sans se soucier de ce qui se passe, une constante chez lui et qui faisait le charme débile de Hella, caractéristique encore plus flagrante et dédoublée avec There’s No 666 In Outter Space puisque sur cet album maudit le chanteur Aaron Ross donne avec sa voix de castra métallique exactement le même sentiment, celui de chanter dans sa bulle un peu comme Winslow Leach navigue au seul son de son art dans Phamtom Of Paradise.
Il n’en demeure pas moins que Astrological Straits comporte son lot de pépites mélodiques et de hits indés qui font se trémousser et danser les porteurs d’anorak (Dark Art est même parfait pour faire la vaisselle). Car cet album est réussi, oui, du moins si on accepte le parti pris poppy de son auteur. Maintenant qu’il s’est bien amusé en se caressant le nombril, on aimerait simplement que Zach Hill retrouve Spencer Seim (et qui ils voudront d’autre) pour relancer la machine Hella, ce truc qui par le passé avait plus d’une fois réussi à être aussi improbable qu’inattendu.
C’est la dernière grosse soirée du Grrrnd Zero festival 2008 : Zach Hill joue ce soir au Rail Théâtre mais attention il joue sans aucun autre musicien, en solo tout seul -batterie, bidules, machins, capteurs et voix, une formule qu’il a entièrement et sans aucune vergogne volée à notre Duracell local, le roi des petits lapins à piles électriques évoqués un peu plus haut. Dans la même soirée, notons l’appétissant Magic Barbecue, soit le batteur déjanté de Pneu (groupe de Tours responsable d’un excellent premier album cette année. C’est ça qui me fait le plus chier : je vais encore rater Magic Barbecue en concert, ça m’apprendra à bosser le dimanche.