mardi 16 décembre 2008

Black Elk / Always A Six, Never A Nine


Les annonces sur le retour de la noise et du son 90’s (Amrep, Touch And Go, les groupes de Chicago et compagnie…) me font de plus en plus rigoler. D’abord c’est un immense plaisir de pouvoir toujours écouter aujourd’hui en 2008 des guitares vicieuses as fuck, des lignes de basses aussi grasses et énormes qu’une érection matinale et du chant d’écorché vif -si avec tout ça je ne me fais pas forcément dessus c’est à n’y rien comprendre. Mais jamais je ne pourrais parler de revival à propos d’un truc qui a à peine quinze ans. C’est quoi le problème si tu avais cinq ou même dix printemps lorsque Jesus Lizard a sorti Liar, Hammerhead Into The Vortex, Unsane son premier album, Dazzling Killmen Face Of Collapse ou Cherubs Heroin Man (quelques exemples seulement) ? Franchement, aucun. Rien du tout.
Bref, c’est comme si moi je me plaignais que Ian Curtis se soit suicidé alors que j’atteignais à peine mon onzième anniversaire (il a bien fait ceci dit, cela lui a évité de se transformer en gros bœuf gobeur de MDMA comme ses ex collègues les futurs New Order) et que j’aille voir Interpol en concert pour me consoler de la nostalgie revivaliste d’une musique que je n’ai connue que sur disques -et encore, Interpol renifle plus la variété que le post punk. Parmi toutes les mauvaises bonnes raisons pour écouter de la musique c’est celle-là qui me fout une bonne grosse nausée et me donne le plus envie de tuer mon prochain : l’attitude du c’était mieux avant, cracher par exemple sur Pissed Jeans ou sur Clockcleaner sous prétexte que ces deux groupes ne proposent rien de neuf, avec option faux retour vers le futur qui bien sûr réactualise le passé -quoi d’autre sinon ? La musique c’est pourtant si simple. Elle te touche ou pas. C’est de la merde ou c’est le bonheur. Il n’y a rien de plus manichéen et de plus réactionnaire. Laissons la science aux amateurs d’art contemporain.
Le vrai rock’n’roll n’a pas d’âge, alors quinze ans c’est vraiment rien. Des groupes à guitares qui font autre chose que du metal en bermudas ou du jazz rock il y en aura encore pendant quelques temps et la chaîne démarrant aux Stooges, continuant avec Birthday Party puis Chrome, Big Black, Table, Slug ou Glazed Baby ne va pas s’arrêter de sitôt -oui j’ai fait exprès de citer des groupes que je n’ai jamais vus en concert et que je ne verrai jamais puisqu’ils n’existent plus depuis longtemps. Et je m’en fous parce que je peux aujourd’hui avoir aussi bien à me mettre sous la dent. Par exemple ?























Black Elk sort un deuxième album sur Crucial Blast : Always A Six, Never A Nine. Dans la catégorie groupes à guitares/rythmiques qui dépotent et voix qui lacèrent ce disque est tout doucement mais sûrement en train de prendre la place du Old Wounds de Young Widows, ce qui n’est pas peu dire. Le premier album sans titre du groupe avait déjà été une très bonne surprise mais Always A Six, Never A Nine le surclasse les deux doigts dans le nez (et dans la prise électrique).
Oui le chanteur gémit un peu comme David Yow. Mais il a un timbre bien plus nasillard et enroué, je suis prêt à parier que ce mec est aussi un grand fan de Bon Scott. Oui la basse est un modèle du genre, attaque de panzers au travers la Pologne pour apporter la bonne parole jusqu'à Brest-Litovsk. Oui je n’aimerai pas me taper un bras de fer contre le batteur, puissant et précis. Tout ça c’est du déjà entendu et du tout cru. Mais la fraîcheur est là, la fraîcheur de l’instantané rageur qui fait toute la différence entre vomi rock’n’roll et décorum de merde. N’en déplaise aux pisse-froids, ce genre de groupes est éternel et Black Elk en est l’un des meilleurs représentants actuels.
Et puis il y a les guitares. Là ça se complique un peu. Des plans denisonien sûrement mais sans le même sens de l’équilibriste dangereux qui te tranche la gorge à tous les coups en voulant t’étrangler avec son fil à couper le coeur. Derrière les arpèges, les descentes de manche et les tourneries acides il y a du bien lourd, du bon gras et du bon gros (qui a dit Tad ?), du grunge au sens littéral et crasseux du terme, du heavy metal assurément -le break et le pseudo solo de guitare sur le titre Always A Six, Never A Nine sont tout à fait le genre de plan qu’un groupe comme Saviours empile à longueur d’albums. J’ai rarement entendu un guitariste aussi décomplexé qui mélange les genres et les goûts avec autant de réussite et d’efficacité et une guitare n’avait peut être pas aussi bien sonné depuis (là tu mets le titre d’album de ton groupe à guitares carnassières préféré). Faut dire aussi que question production c’est la grande débauche : multiplication, superposition, doublage de six cordes à tous les étages et à la moindre occasion sans qu’il y ait un quelconque effet de surcharge. Un véritable exploit. Pas la peine d’en rajouter, ce disque est aussi monumental que ses intentions sont simples et sans prétention.