jeudi 18 septembre 2008

Enablers, toujours et encore























Enfin une affiche alléchante avec un vrai groupe qui fait de la musique intéressante et passionnante, j’exagère à peine mais ce n’est pas tous les jours que l’on a l’occasion d’assister à un concert d’Enablers, quatuor originaire de San Francisco et d’une classe incroyable -bon, c’est la deuxième fois que la bande des quatre vient cette année, à ce niveau là c’est de la propagande mais comme on dit : quand on aime on ne compte pas, parole de commissaire politique.
Petite subtilité par rapport à d’habitude, il y avait un pré-concert à la librairie Grand Guignol
dans l’après midi avec au programme une lecture de Pete Simonelli, une prestation de Kevin Thompson (guitare et chant) et un mini concert d’Enablers dans une version moins écrasante que dans une configuration normale (mais quand même en électrique). De l’avis de quelques personnes parmi la quinzaine de présents, salauds de chômeurs, Enablers à Grand Guignol c’était on ne peut plus intéressant, plus en clair obscur qu’à l’accoutumée, plus proche du spoken words, à condition de maîtriser un tant soit peu l’anglo-américain pour complètement apprécier la poésie de Simonelli, particulièrement chargée en images. Bonne prestation semble t-il aussi de la part de Kevin Thompson.
























Mais pour l’heure c’est au Sonic que cela se passe, l’organisateur du concert peut avoir le sourire, il y a du monde, il y a même plus de monde que la dernière fois (quatre vingt ?). Le premier groupe à monter sur scène s’appelle The North Bay Moustache League et c'est un duo, une fille et un garçon, qui commence à jouer un peu sur la région lyonnaise (bientôt en première partie de Monochrome). Leur spécialité c’est la country western avec deux tiers de reprises (du Creedence Clearwater Revival paraît il mais étant totalement ignorant de ce genre de bouseries bucoliques je ne saurais confirmer) et donc un tiers de compositions originales. Une oreille non experte et détachée comme la mienne ne pouvait pas faire la différence.
Musicalement nous avons donc affaire à une (parfois deux) guitares acoustiques, un peu d’harmonica et surtout deux belles voix qui chantent ensemble et harmonisent joliment -presque aussi bien que les Byrds mais sans les lunettes carrées ni les solos de rickenbacker douze cordes. Ils sont vraiment très beaux tous les deux, ils ont une certaine classe naturelle (c’est l’effet ange blond) et je me laisse aller à leur charme alors que je déteste totalement la musique qu’ils interprètent. Le garçon est en fait le guitariste/chanteur de Deborah Kant dont le premier album complètement autoproduit a déjà été évoqué ici. Rien à voir donc. J’écoute la fin du concert de loin, accoudé au comptoir comme tout cow-boy poussiéreux et fatigué par une longue chevauchée, décidément la jeune fille avec la chemise à carreaux a vraiment un joli timbre de voix.
























Cela va être difficile de raconter quelque chose de nouveau sur Enablers si ce n’est que par rapport à la dernière fois le groupe a un nouvel album à défendre (Tundra, on en reparle très bientôt). Si, sur les enregistrements, la musique des américains mise à peu près tout sur les ambiances, ambiances tamisées, parfois jazzy (quel chouette batteur !) ou aériennes, elle se durcit considérablement en live, les guitares deviennent plus noise, n’hésitent pas à sacrifier un peu de leur rigueur habituelle sur l’autel de l’énergie et du bouillonnement et la voix de Pete Simonelli devient moins claire, moins évidente, le chanteur doit faire plus d’effort pour se faire entendre… mais il y arrive parfaitement : jeu de scène marqué et contrasté, parfois erratique, haussements de tons, hurlements presque par instant, un véritable imprécateur (bien que jamais menaçant) et un showman à n’en pas douter. J’aime toujours autant la complémentarité des deux guitaristes, peu de regards mais toujours une entente infaillible.
Il me semble quand même que ce soir le taux général d’alcoolémie du groupe est encore un peu plus élevé que d’habitude, Kevin Thompson se montre aussi démonstratif et volontaire que Joe Goldring est réservé et appliqué. Pete Simonelli quitte la scène, tout le monde attend un rappel, peut être deux mais Thompson annonce que le concert reprendra dans cinq minutes avec Touched By A Janitor.























Touched By A Janitor c’est très simple : il s’agit d’Enablers sans Pete Simonelli. C’est donc surtout l’occasion d’écouter les trois musiciens sans focaliser sur le chant/les textes et de pouvoir enfin admirer Joe Goldring aux prises avec sa guitare puisque celui-ci ne peut plus se cacher derrière son chanteur. On reconnaît ça et là certains traits de caractère (tics ?) de la musique d’Enablers, c’est d’abord plaisant -voire passionnant par instants- mais vite on regrette la voix et la présence de Pete Simonelli… il manque réellement quelque chose à ce trio -désolés les gars, vous taquinez sérieusement mais vous avez quand même besoin d’un maître pour vous dire dans quelle direction aller. Et justement, Pete Simonelli redonne de la voix à la fin de set de Touched By A Janitor, pour deux titres parmi les plus calmes et les intimistes de tout le concert, une bonne conclusion somme toute. Sitôt les lumières rallumées c’est la ruée vers le stand d’Enablers, le groupe a bien sur amené son nouvel album, la version vinyle est superbe. Surtout c’est la ruée vers l’atelier installé par Le Temps Qui Sèche qui propose entre autres choses de sérigraphier en direct t-shirts ou affiches d’Enablers, ces jeunes gens qui ont accompagné le groupe sur une partie de sa tournée française font un bien joli boulot. Pour ma part, après les habituels égarements post concert (non je ne suis pas schizophrène, oui je peux moi aussi être pompeux), je pars à regret du Sonic, sans oublier cette fois de payer toutes les bières que j’y ai bues. A regret peut être mais ce n’est pas si grave puisque ce soir, jeudi, j’y retourne pour un énième concert de Blurt. Joie.