dimanche 14 septembre 2008

The Bungled And The Botched


… Et autre chose, en ce qui concerne Nadja, c’est la parution au début de l’été d’un CD très joliment emballé et du nom de The Bungled And The Botched. Un de plus est on tenté de dire tout de suite et c’est vrai, la surproduction n’est pas automatiquement un trait de caractère sympathique pour un musicien. Mais une fois de plus, avec ce disque, le groupe prouve encore qu’il a eu mille fois raison : rien ne semble pouvoir arrêter le duo Baker/Buckareff et The Bungled And The Botched est même l’un des tous meilleurs enregistrements de Nadja.
Pourtant cela commence on ne peut plus étrangement avec ces notes claires égrainées par une guitare à la limite du folk, une absence totale d’ambiance, même pas celle du crépitement d’un feu de camp de boy-scouts un soir de pleine lune avant l’assaut final d’une horde de zombis mangeurs de cervelle. A tout moment on se dit qu’en fait de zombis c’est Leonard Cohen qui va se mettre à chanter en duo avec Nick Cave autour des flammes, avant de comprendre que ces petits bruits que l’on entend dernière ne sont pas les pas feutrés de monstres assoiffés de sang se préparant à l’attaque mais bien une mise en place, poussive, à base de flûte (!?), de guitares planantes en mode aérien et de rythmes à moitié effacés dans les profondeurs de la musique. Des voix, des samples, l’attente qui dure et -finalement- la rythmique plombée et les guitares mammouths qui démarrent alors qu’on ne les attendait plus (détail amusant : on continue parfaitement à entendre la flûte, à tel point que c’est elle qui semble mener la danse). C’est l’effet de surprise à moitié consenti, tout le monde savait bien ce qui allait se passer aux alentours de la douzième minute (ou un peu plus tôt ou un peu plus tard, qu’importe) mais chacun s’était déjà efforcé d’oublier cet avenir proche -exactement comme lorsque une lycéenne complètement gironde et à moitié déshabillée s’apprête à ouvrir une porte de placard afin de découvrir ce qu’il y a derrière alors qu’elle sait très bien qu’elle y retrouvera le zombi qui a déjà essayé de lui trépaner la cervelle et les fesses deux minutes auparavant.



















Le premier titre, l’éponyme The Bungled And The Botched, peut ainsi continuer sur sa lancée, la voie est toute tracée, elle est impériale et pour reprendre l’étiquette (hum) inventée par le label Crucial Blast à propos de Nadja, le dream sludge du duo est irrésistible. Le motif décliné comme à l’infini par Nadja dans ce qui constitue le corps même de ce titre est d’une simplicité très efficace et très imagée : lorsque le riff s’effondre sans crier gare pour laisser la place à un silence rempli de voix samplées et de nappes de synthés lointaines, l’auditeur est complètement hypnotisé, il peut bien se passer n’importe quoi ou presque, il ne décrochera pas.
La suite c’est Absorbed In You, deuxième et dernier titre du disque, enchaînée à la première partie, comme un tout pensé en tant que tel, et présentant un cataclysme de saturations et de larsens -pas un réel mur du son mais plutôt une masse ondulante laissant ça et là quelques prises, permettant l’immersion (ou la prise d’altitude, tout dépend de comment on voit les choses mais le résultat est le même : un isolement sonique assez fascinant). Nadja a donc décidé de ne pas se fier une fois de plus (qui aurait été de trop, peut être ?) à une structure unidimensionnelle marquant une progression linéaire et attendue -ce qui est la plus grande tare des groupes actuels de post quelque chose- et a préféré jouer la juxtaposition d’ambiances contrastées. Pour une fois, ce sale lieu commun sur le caractère cinématographique d’une musique n’est en rien usurpé. Suite au fracas, Absorbed In You repart sur un leitmotiv répétitif et tout simple au piano avant qu’Aidan Baker ne donne enfin de sa (grosse) voix sur un fond de guitares énormes. Dans le fond la flûte a fait sa réapparition, comme pour signifier que la boucle est bouclée et, mine de rien, une heure entière vient de s’écouler.

[Et on recommence : à noter que les premières copies de The Bungled And The Botched étaient agrémentées d’un CDr bonus comprenant les démos de l’album. L’étude comparative des deux versions est des plus intéressantes, entre les deux il y a eu tout ce travail pertinent sur les structures des deux titres.]