Mardi. J’arrive en retard à la salle de concert, je pense avoir bien préparé mon coup -j’ai lu quelque part que tout devait commencer à 19 heures- et j’espère avoir raté les deux premiers groupes mais non : il n’y a encore presque personne et je vais avoir droit à l’intégralité du programme. Finalement ce n’est pas si mal. Le premier groupe joue du hard core terriblement old school (le chanteur a le logo de Black Flag tatoué sur un bras) sans grande originalité mais avec force conviction et prouve que pour brailler ce genre de musique et esquisser la danse du chien enragé qui tourne en rond qui sied au genre il vaut mieux être une grande perche et avoir de grandes jambes. Le sonorisateur qui travaille ce soir me parle de Asshole Parade deuxième groupe qui jouera ce soir, tu vas voir c’est un genre de trash metal et devant mon air septique enchaîne ou bien du doom, appelle ça comme tu veux. En fait il s’agit d’un groupe de grind core parfumé au crust comme je les aime tant, trente morceaux et quelques joués en moins d’un quart d’heure, un chanteur diarrhéique tel un porc terrifié qu’on égorge, le guitariste qui fait le signe de trois avec la main pour indiquer aux autres que les trois prochains titres seront joués à la suite mais cela n’y change rien, c’est toujours aussi court et bordélique, ovation du public.
Par contre Ovo, sa théâtralité baladeuse (le percussionniste qui tapote au hasard dans la salle tout ce qui pourrait résonner), ses parodies métalliques (la chanteuse/guitariste masquée ridiculise tout ce qui pourrait ressembler à du black metal), son cabaret africain et ses voix d’enfants possédés ne parviennent pas à séduire les foules -la salle est trop grande pour eux et leur cirque, dommage. Marvin (de Montpellier) sont les stars de la soirée et arrivent presque au terme d’une tournée de 56 dates, seront-ils trop fatigués ? Visiblement tout le monde (dont moi) est venu pour les voir eux et personne ne sera déçu, leur math core bontempi -du korg en fait- recycle intelligemment des musiques pas vraiment appréciables et démonstratives dans un tonnerre de bruit et de plaisir de jouer, ça rigole sur scène, ils sont jeunes, ils sont beaux, ils jouent tous les titres de leur disque et pour le rappel arraché de haute lutte ils sont obligé de rejouer la même chose, explosion de bonheur dans la salle.
Mercredi. Cela fait des années que je n’ai pas mis les pieds dans les jardins de l’ancien musée d’art contemporain, une vaste esplanade paysagée au sommet d’un échangeur autoroutier qui sert également de gare routière et de gare SNCF, un endroit où il faisait bon, avant que le musée ne soit déplacé et ne devienne payant, de venir boire et fumer tout l’après midi ou de faire l’amour sur une pelouse planqués derrière un rideau d’arbustes. J’arrive à 18 heures piles, c’est un gros festival à cheval sur l’organisation et je ne veux sous aucun prétexte rater Tony Conrad et son violon grinçant. Les gens commencent à rentrer et j’entends au loin le concert qui commence… je me dépêche, une jeune fille blonde est déjà là, admirative, elle est violoniste elle aussi, et de talent. Conrad jouera pendant une heure envoûtante sur une scène couverte débordant de gadgets lumineux et autres fumigènes qu’un technicien stupide testera de temps à autres et sans rapport aucun avec la musique qui se joue alors, quelques personnes applaudissent ironiquement ce chef d’œuvre d’absurdité dont Tony Conrad (en chaussettes et t-shirt jaune fluo) ne se rendra même pas compte, tout à sa musique hypnotique et répétitive. Bravo.
Ike Yard est une réelle déception : pourquoi donc se sont ils reformés ? J’en profite pour perdre de l’argent au bar, les boissons sont échangeables contre des tickets que l’on peut acheter à l’avance et je m’aperçois trop tard que les tickets sont datés, ils ne sont valables que pour un soir -c’est l’arnaque. La foule se fait de plus en plus compacte, dedans je remarque Drew St Ivany de Psychic Paramount qui jouera deux jours plus tard au même endroit, je papote avec des connaissances et l’une d’elles me fait remarquer que le rouquin là juste derrière moi n’est autre que J.G. Thirlwell -je me retourne et c’est vrai, mon cœur s’envole aussitôt et je me retiens de ne pas aller l’embrasser sur le champ. Ike Yard termine et c’est au tour d’un DJ de l’écurie DFA, Shit Robot. Après la parade des trous du cul la veille me voilà donc confronté au robot à merde et j’acquiesce. J’ai oublié que les Nuits Sonores sont avant tout un festival électro et que programmer du bruitiste ou de l’expérimental n’est qu’une caution de plus pour ses organisateurs. D’ailleurs les clubbers arrivent en masse, les gens venus voir Tony Conrad sont presque tous partis et Jim Foetus a disparu. Je remarque un nombre incroyable de beaux mecs et de belles filles, je remarque les pauses et l’ostentation, les vêtements -rien à voir avec les free parties hasardeuses des années 90 dans les monts de la campagne environnante. Pour passer le temps je soutiens que le nouvel album de Battles est une pure merveille mais je m’ennuie de plus en plus, mal à l’aise avec cette impression que la France qui danse tard la nuit sur de la techno comme il faut est aussi celle qui bientôt va se lever tôt sans protester, je m’en vais sans attendre la dernière attraction de la soirée dont je n’ai même pas retenu le nom et j’arrive à la maison à temps pour faire le bisou du soir à ma plus grande fille qui lit un livre avec sa mère -cela la rend heureuse et je lui promets de tout raconter de mon concert dès le lendemain mais pour l’instant il est l’heure de dormir.
Vendredi. J’arrive dans les premiers et il n’y a presque personne, c’est DJ Olive qui doit commencer et déjà je ne le reconnais pas, OK il a pris du poids depuis la dernière fois que je l’ai vu (une dizaine d’années ?) mixer au sein de Liminal ou de We mais ce n’est pas ce que je veux dire, moi aussi j’ai grossi, ses sonorités illbient sont noyées dans des rythmes bossa ou je ne sais quoi, c’est mou, laid et pathétique, personne ne vient danser ou même l’écouter, la honte. Ce ne doit pas être évident non plus de jouer à cette heure là et de servir de chauffe-plat, désolé Olive, j’espère te revoir dans de meilleures conditions et en meilleure forme. Mark Cunningham est décevant aussi, il a l’air si fatigué et c’est dommage parce que son magnifique son de trompette accompagnait fort bien le soleil qui se couchait enfin, il y avait un côté intime et légèrement écorché qui n’a pas convaincu. Son concert ne dure pas très longtemps et Cunningham discute avec J.G. Thirlwell qui est revenu ce soir pour soutenir le groupe d’après.
Les Psychic Paramount se font attendre et la nuit s’installe vraiment. Le public aussi et je deviens aussi fébrile que la plupart des gens. Discussions en attendant, le mix de Foetus la veille était parait il abominable, Heavy Trash c’est annulé pour cause de problème de permis de séjour et retour sur le concert de Marvin, avis unanime sur la prestation de mardi des montpelliérains. Le groupe arrive enfin. Dès le début le bassiste a des problèmes de son qu’il ne résoudra qu’en virant une partie de ses pédales d’effet. La batteur est lourdement efficace et le guitariste joue toujours avec son instrument placé très haut, ses grands doigts courent le long du manche, il s’amuse avec la reverb, cela pourrait être une démonstration d’instrumentation à la fois noise et psychédélique mais non cela dérape toujours, une musique pleine de piques acérées et qui tourne sur elle-même, je me retrouve presque dix ans en arrière (là aussi) au premier concert de Laddio Bolocko auquel j’ai jamais assisté, la guitare se lance dans le premier plan totalement magique du concert -il y en aura beaucoup d’autres- je retiens mon souffle, la rythmique derrière monte d’un cran, c’est Le concert et maintenant je meurs.
Non, je ne meurs pas mais je trépigne de bonheur et vu le hurlement collectif à la fin de la prestation de Psychic Paramount je ne suis pas le seul. Un DJ enchaîne sur de la techno imbuvable mais ce n’est pas grave, je reste à parler et à boire des bières (toujours aussi chères), j'ai l’espoir un peu fou de revoir ce groupe dès lundi en invité spécial de derrière minute au concert de Yellow Swans mais l’un d’eux doit repartir pour New York dès le lendemain alors j’apprends que cela ne se fera pas. Je ne suis même pas déçu tout comme je me sens incapable de réécouter immédiatement l’un des disques de Psychic Paramount, je reste avec tout ça en moi et je continue de trépigner stupidement dans mon hébétude extatique.
Par contre Ovo, sa théâtralité baladeuse (le percussionniste qui tapote au hasard dans la salle tout ce qui pourrait résonner), ses parodies métalliques (la chanteuse/guitariste masquée ridiculise tout ce qui pourrait ressembler à du black metal), son cabaret africain et ses voix d’enfants possédés ne parviennent pas à séduire les foules -la salle est trop grande pour eux et leur cirque, dommage. Marvin (de Montpellier) sont les stars de la soirée et arrivent presque au terme d’une tournée de 56 dates, seront-ils trop fatigués ? Visiblement tout le monde (dont moi) est venu pour les voir eux et personne ne sera déçu, leur math core bontempi -du korg en fait- recycle intelligemment des musiques pas vraiment appréciables et démonstratives dans un tonnerre de bruit et de plaisir de jouer, ça rigole sur scène, ils sont jeunes, ils sont beaux, ils jouent tous les titres de leur disque et pour le rappel arraché de haute lutte ils sont obligé de rejouer la même chose, explosion de bonheur dans la salle.
Mercredi. Cela fait des années que je n’ai pas mis les pieds dans les jardins de l’ancien musée d’art contemporain, une vaste esplanade paysagée au sommet d’un échangeur autoroutier qui sert également de gare routière et de gare SNCF, un endroit où il faisait bon, avant que le musée ne soit déplacé et ne devienne payant, de venir boire et fumer tout l’après midi ou de faire l’amour sur une pelouse planqués derrière un rideau d’arbustes. J’arrive à 18 heures piles, c’est un gros festival à cheval sur l’organisation et je ne veux sous aucun prétexte rater Tony Conrad et son violon grinçant. Les gens commencent à rentrer et j’entends au loin le concert qui commence… je me dépêche, une jeune fille blonde est déjà là, admirative, elle est violoniste elle aussi, et de talent. Conrad jouera pendant une heure envoûtante sur une scène couverte débordant de gadgets lumineux et autres fumigènes qu’un technicien stupide testera de temps à autres et sans rapport aucun avec la musique qui se joue alors, quelques personnes applaudissent ironiquement ce chef d’œuvre d’absurdité dont Tony Conrad (en chaussettes et t-shirt jaune fluo) ne se rendra même pas compte, tout à sa musique hypnotique et répétitive. Bravo.
Ike Yard est une réelle déception : pourquoi donc se sont ils reformés ? J’en profite pour perdre de l’argent au bar, les boissons sont échangeables contre des tickets que l’on peut acheter à l’avance et je m’aperçois trop tard que les tickets sont datés, ils ne sont valables que pour un soir -c’est l’arnaque. La foule se fait de plus en plus compacte, dedans je remarque Drew St Ivany de Psychic Paramount qui jouera deux jours plus tard au même endroit, je papote avec des connaissances et l’une d’elles me fait remarquer que le rouquin là juste derrière moi n’est autre que J.G. Thirlwell -je me retourne et c’est vrai, mon cœur s’envole aussitôt et je me retiens de ne pas aller l’embrasser sur le champ. Ike Yard termine et c’est au tour d’un DJ de l’écurie DFA, Shit Robot. Après la parade des trous du cul la veille me voilà donc confronté au robot à merde et j’acquiesce. J’ai oublié que les Nuits Sonores sont avant tout un festival électro et que programmer du bruitiste ou de l’expérimental n’est qu’une caution de plus pour ses organisateurs. D’ailleurs les clubbers arrivent en masse, les gens venus voir Tony Conrad sont presque tous partis et Jim Foetus a disparu. Je remarque un nombre incroyable de beaux mecs et de belles filles, je remarque les pauses et l’ostentation, les vêtements -rien à voir avec les free parties hasardeuses des années 90 dans les monts de la campagne environnante. Pour passer le temps je soutiens que le nouvel album de Battles est une pure merveille mais je m’ennuie de plus en plus, mal à l’aise avec cette impression que la France qui danse tard la nuit sur de la techno comme il faut est aussi celle qui bientôt va se lever tôt sans protester, je m’en vais sans attendre la dernière attraction de la soirée dont je n’ai même pas retenu le nom et j’arrive à la maison à temps pour faire le bisou du soir à ma plus grande fille qui lit un livre avec sa mère -cela la rend heureuse et je lui promets de tout raconter de mon concert dès le lendemain mais pour l’instant il est l’heure de dormir.
Vendredi. J’arrive dans les premiers et il n’y a presque personne, c’est DJ Olive qui doit commencer et déjà je ne le reconnais pas, OK il a pris du poids depuis la dernière fois que je l’ai vu (une dizaine d’années ?) mixer au sein de Liminal ou de We mais ce n’est pas ce que je veux dire, moi aussi j’ai grossi, ses sonorités illbient sont noyées dans des rythmes bossa ou je ne sais quoi, c’est mou, laid et pathétique, personne ne vient danser ou même l’écouter, la honte. Ce ne doit pas être évident non plus de jouer à cette heure là et de servir de chauffe-plat, désolé Olive, j’espère te revoir dans de meilleures conditions et en meilleure forme. Mark Cunningham est décevant aussi, il a l’air si fatigué et c’est dommage parce que son magnifique son de trompette accompagnait fort bien le soleil qui se couchait enfin, il y avait un côté intime et légèrement écorché qui n’a pas convaincu. Son concert ne dure pas très longtemps et Cunningham discute avec J.G. Thirlwell qui est revenu ce soir pour soutenir le groupe d’après.
Les Psychic Paramount se font attendre et la nuit s’installe vraiment. Le public aussi et je deviens aussi fébrile que la plupart des gens. Discussions en attendant, le mix de Foetus la veille était parait il abominable, Heavy Trash c’est annulé pour cause de problème de permis de séjour et retour sur le concert de Marvin, avis unanime sur la prestation de mardi des montpelliérains. Le groupe arrive enfin. Dès le début le bassiste a des problèmes de son qu’il ne résoudra qu’en virant une partie de ses pédales d’effet. La batteur est lourdement efficace et le guitariste joue toujours avec son instrument placé très haut, ses grands doigts courent le long du manche, il s’amuse avec la reverb, cela pourrait être une démonstration d’instrumentation à la fois noise et psychédélique mais non cela dérape toujours, une musique pleine de piques acérées et qui tourne sur elle-même, je me retrouve presque dix ans en arrière (là aussi) au premier concert de Laddio Bolocko auquel j’ai jamais assisté, la guitare se lance dans le premier plan totalement magique du concert -il y en aura beaucoup d’autres- je retiens mon souffle, la rythmique derrière monte d’un cran, c’est Le concert et maintenant je meurs.
Non, je ne meurs pas mais je trépigne de bonheur et vu le hurlement collectif à la fin de la prestation de Psychic Paramount je ne suis pas le seul. Un DJ enchaîne sur de la techno imbuvable mais ce n’est pas grave, je reste à parler et à boire des bières (toujours aussi chères), j'ai l’espoir un peu fou de revoir ce groupe dès lundi en invité spécial de derrière minute au concert de Yellow Swans mais l’un d’eux doit repartir pour New York dès le lendemain alors j’apprends que cela ne se fera pas. Je ne suis même pas déçu tout comme je me sens incapable de réécouter immédiatement l’un des disques de Psychic Paramount, je reste avec tout ça en moi et je continue de trépigner stupidement dans mon hébétude extatique.