lundi 2 janvier 2012

Alkalys / A Pack Of Lies



Nous y voilà donc pour de vrai en 2012. Il va s’en dire que nombre de disques publiés pendant l’année 2011  n’ont pas encore été chroniqués ici – manque de temps, paresse, procrastination, pots de vin insuffisants ou mépris intolérable sont les principales raisons de tous ces manquements – mais il n’est jamais trop tard. Oui, il n’est jamais trop tard pour parler d’un disque et d’un groupe dont on pense qu’ils en valent la peine. C’est donc Alkalys qui va avoir droit aux honneurs de la première chronique (de rattrapage) de l’année.
Pourquoi ? Alkalys est un groupe que l’on pourrait qualifier de « post hard core » – je ne pense pas que ces jeunes gens s’en cachent particulièrement. On aurait plutôt pu choisir de vous parler ici du 75ème groupe de ce prétendu revival noise rock qui nous trique comme lorsqu’on était gamins, on aurait pu préférer la nouvelle sensation black expérimental de la mort ou la quatrième génération de descendants des groupes de drone doom mais, non, on a opté pour un groupe originaire de Haute Normandie et qui fait, donc et très précisément, du post hard core. A cela il y a au moins trois raisons : premièrement, malgré d’incessantes railleries à propos de ce genre fut un temps largement surévalué, on aime bien ça, le post hard core, à condition que la qualité soit présente… Ce qui nous amène à la deuxième raison : avec A Pack Of Lies, la qualité est précisément au rendez-vous. Enfin, troisièmement : c’est si bon de se faire l’avocat du diable lorsque le premier pitre venu est capable de vous descendre un disque avec la seule bonne raison de détester le genre dans lequel le groupe officie – oui c’est, avouons-le, un exercice dans lequel le comité Rédactionnel & Propagande de 666rpm excelle également à l’occasion, non sans une certaine complaisance, d’ailleurs.



Donc, si tu n’aimes pas ce genre qu'il est de bon ton de détester, ami lecteur et ennemi patenté du mauvais goût, ce n’est pas la peine de lire ce qui va suivre à propos d’Alkalys et de son troisième album, A Pack Of Lies. Si au contraire tu n’as aucun a priori rétrograde et invalidant, et bien rien ne t’empêche d’aller écouter par toi-même. On aura alors compris que l’originalité n’est pas donc la principale vertu d’Alkalys mais son absence n’est pas non plus le principal défaut d’un disque qui se place aisément dans les tranches supérieures du sandwich d’amour post hard core.
Puisqu’on nous réclame toujours à corps et à cris quelques éléments de comparaison, on citera volontiers à propos de la musique d’Alkalys celle des norvégiens de Cult Of Luna*, surtout dans cette façon très massive de s’imposer sans avoir recours à trop de lyrisme et d’alterner nombre de passages atmosphériques éloignés de toute mièvrerie (qui est le principal défaut de trop de groupes du genre, à commencer par Isis sur ses albums post Oceanic). Alkalys nous épargne également toute tentative de chant clair et on les en remercie chaleureusement : les cris gutturaux** qui au contraire parsèment avec parcimonie les cinq compositions d’A Pack Of Lies arrivent toujours au bon moment, n’en rajoutent jamais trop et sont toujours au service d’une musique lourdement rampante et étagée avec un certain talent. On apprécie également énormément la trompette qui rehausse Inferno Black Cloud d’un parfum inhabituel.
Alkalys n’est donc pas le groupe qui va révolutionner votre façon d’appréhender la musique : tout ce passe au contraire au niveau de ressenti, du dynamisme sombre et de l’énergie inexorable déployés par un groupe au caractère convaincu et qui sait également se donner les moyens d’être convaincant. A Pack Of Lies est en outre emballé dans un très beau digipak (avec poster) et a été publié par Basement Apes Industries. Du même groupe on ne peut également que vous conseiller le deuxième album, Choeur Delys, ne serait-ce que pour ce Main Courante, un titre vraiment magnifique avec des sonorités dont on finit par ne pas savoir s’il s’agit d’une guitare en mode éplorée ou de l’intervention d’un violon électrique.

* et non, je fais exprès de ne pas citer Neurosis, lesquels viennent d’ailleurs d’annoncer qu’ils étaient de retour en studio avec Steve Albini pour enregistrer un nouvel album
** trois invités se partagent le chant : la formation initiale d’A1lkalys consiste en un trio guitare/basse/batterie et de fait sa musique est majoritairement instrumentale