jeudi 14 avril 2011

The Cesarians / I'm With God






















Piano cristallin, violonades coulantes, instruments à vent rutilants et chauds, chant à la limite du maniérisme – ce maniérisme à l’anglaise – et chœurs féminins discrets : ainsi commence I’m With God, nouvel EP de The Cesarians. Ce morceau titre, placé donc en tout début du disque, est un véritable enchantement, une petite prouesse mélodique, un modèle presque idéal de « murder ballad », un état de grâce. On a dans le passé inclus The Cesarians dans la rubrique post Bad Seeds (au moins ce que les mauvaises graines ont fait pousser comme gazon à partir du milieu des années 90 et avant le naufrage des années 2000) en prenant bien soin d’ajouter que le groupe manipulait l’excentricité cabaret avec savoir-faire et distinction. Il y a de ça… On a aussi évoqué quelques relents gothiques à propos du groupe mais soyons sérieux : le seul élément « gothique » que l’on peut trouver dans The Cesarians s’appelle Justine Armatage (piano, etc) puisque elle a auparavant joué dans une énième mouture de Christian Death – depuis elle va beaucoup mieux. The Cesarians échappent ainsi facilement à toute tentative de mise en boite : cela ne les rend que plus attachants et passionnants encore.
Ce qui vous scotche littéralement sur I’m With God ce sont ces arrangements de cordes et de cuivres, luxuriants mais pas trop, appuyés mais raisonnablement, colorés mais pas saturés, lumineux mais pas aveuglants. Des arrangements, puisqu’on a déjà parlé ici de distinction britannique, qui renvoient immanquablement à ce que les Beatles ont commencé à découvrir petit à petit entre 1966 et 1967 sur des titres aussi fins et élégants que Eleonor Rigby, For No One, Fixing A Hole, She’s Leaving Home ou Martha My Dear. I’m With God est indéniablement un titre pop mais là où d’autres – prétendants comiques d’ascendance divine par exemple – n’ont gardé que le clinquant et les effets de manches du grand héritage liverpuldiens, The Cesarians lui donnent une réelle profondeur, une âpreté claire-obscure et un vrai lyrisme, pas très éloigné d’un Scott Walker. Question émotion et finesse, seules les balades des deux premiers albums des Tindersticks peuvent prétendre rivaliser avec I’m With God.
Changement de décor avec In Your House, titre sur lequel The Cesarians retrouvent toute l’exubérance dandy destroy de son chanteur/leader Charlie Finke (ex Penthouse), le cabaret est toujours là mais il a une drôle de gueule surtout au moment de cette citation du Loser de Beck. De facture plus classique – mais doté d’une bonne grosse ligne de basse – Worst Thing est également très convaincant dans le registre énervé mais toujours accompagné d’arrangements finement placés et opportuns. Enfin Schooyard est une sombre balade, d’un dépouillement et d’une tristesse qui semble infinie. Reste Questa È Lei, petite suite uniquement vocale et en italien – il faut préciser que ce EP a été enregistré en Italie dans les studios de Twelve records qui a justement a coproduit ce disque. L’autre label engagé dans l’affaire n’est autre qu’Africantape qui logiquement a programmé The Cesarians sur son festival à la fin du mois d’avril. On attend beaucoup de la prestation qu’y livrera Charlie Finke et sa troupe. Et on attend également déjà la suite – un véritable album – de cet EP qui marque un accroissement qualitatif par rapport à un premier LP qui avait déjà fort impressionné et séduit son monde.