lundi 14 mars 2011

Jazkamer / Metal Music Machine 2




















En 2010 Jazkamer – groupe terroriste mais norvégien essentiellement composé de Lasse Marhaug et de John Hegre – a eu cette envie vraiment étrange de publier un disque tous les mois avec l’aide bien évidemment de Pica Disk, le propre label de Lasse Marhaug. C’est la fête du slip pour tous les amateurs de harsh noise et autres manipulations sonores bruitistes (ou pas) mais il est hors de question d’évoquer ici toutes les références de la série. On n’y arriverait sûrement pas et il faut également avouer que certaines sont beaucoup plus intéressantes que d’autres.
Contentons-nous d’évoquer dans un premier temps la parution estampillée novembre 2010. Jazkamer a eu la bonne (?) idée de donner enfin une suite à son célébrissime Metal Music Machine (publié en 2006 chez Smalltown Supersound) qui avec son titre en forme d’hommage à une mauvaise blague de Lou Reed déjà maintes fois évoquée ici était en fait un réel hommage au dieu metal. Oui, le metal, cette musique de barbares chevelus armés d’égos démesurés et d’excroissances péniennes à six cordes surdimensionnées. Metal Music Machine a été en son temps une réussite totale, à la fois regard amusé et distancié sur les codes d’un genre qui pourtant ne s’embarrasse guère d’approximations ni de second degré et véritable déclaration d’amour. Pour cela Lasse Marhaug et John Hegre s’étaient faits grandement aider par Jørgen Traeen (producteur en tous genres et déjà camarade de jeu de John Hegre au sein de Der Brief), Ivar Bjørnson, guitariste des ignobles Enslaved, et Iver Sandøy, batteur d’Emmerhoff et de Trinacria (également avec Ivar Bjørnson, à conseiller fortement si vous voulez rire un bon coup).
On retrouve exactement le même line-up sur Metal Music Machine 2. Le livret a cette fois le bon goût et l’honnêteté d’annoncer « performed by Ivar Bjørnson, Iver Sandøy et Jørgen Traeen with contributions By John Hegre, Lasse Marhaug et Trond Myklebust ». Le disque est en outre dédié à la mémoire de Ronnie James Dio mort un peu plus tôt dans l’année mais, tout comme son grand frère, Metal Music Machine 2 se concentre plutôt sur différentes formes de metal extrême sans jamais empiéter sur les territoires plus classiques du heavy metal. La dédicace est donc purement affectueuse et contrairement à ce que peut laisser penser les quelques mesures d’intro de The Metal jouées à la guitare acoustique, il ne sera aucunement question sur Metal Music Machine 2 de Holy Diver et autres héritages post sabbathiens (le groupe précise également sur son site que le bel plus hommage qu’il pouvait rendre à Ronnie James Dio était d’enregistrer un album entièrement instrumental…). Au contraire The Metal attaque rapidement du côté d’un death thrash ultra technique, chemin que prend également Bestial Desolation avec un côté beaucoup plus germanique encore (et un plan dantesque à la Slayer vers la fin).
Il y a eu dans le passé des incarnations en concert de Jazkamer interprétant Metal Music Machine mais le line-up ainsi élargi était incapable de reproduire toute la précision maniaque des enregistrements en studio, évoluant sur scène vers un bordel bruitiste plus proche des préoccupations habituelles du groupe de base. C’est sans doute ce que Jazkamer a cherché à retranscrire sur No Lamb For The Lazy Wolf, plage magmatique alliant triturations de guitares et jaillissements pourtant bien mélodiques, pas très éloignés d’un post hardcore virant à la mélancolie burnée malgré tout. The Crimson Worm reprend lui la forme insupportablement allongée (un bon gros quart d’heure) du doom contemporain et réussit sans aucune accélération et à force de riffs ultra répétitifs à faire monter la tension sur un océan de platitude. Presque ironiquement, The Crimson Worm est l’un des meilleurs titres du genre qu’il nous ait été donné d’écouter ces derniers temps. Enfin, Electra Glide In Black est à nouveau une bonne grosse bourrinade orientée prog cosmique et déviance spatiale sur les bords. Question de goûts et de couleurs sans doute, voilà la réinterprétation métallurgique la moins intéressante de tout le disque.
Globalement moins percutant et moins drôle que son prédécesseur, Metal Music Machine 2 est aussi et surtout plus scolaire et plus respectueux. On regrette l’absence du chant qui même s’il se faisait rare sur le premier volume jouait le rôle d’électron libre et de fauteur de troubles. On comprend parfaitement là où Lasse Marhaug et compagnie ont voulu en venir, on peut même partager leur amour pour le genre (le metal c’est l’adolescence et l’immaturité éternelles, qui plus est pour pas cher) mais l’irrespect étant l’une des dernières façons encore en libre service de faire avancer les choses, on aurait préféré un peu plus de déconnade désinvolte et de décontraction potache. Du vrai gras voire du carrément graveleux et non pas presque uniquement du décorticage scientifico-arty et donc sans signification, comme le gribouillis sympathique de Savage Pencil qui orne la pochette. Peut mieux faire, donc…