mercredi 9 mars 2011

IRèNE / self titled EP


Carton est un tout nouveau label avec peu de références à son actif pour l’instant mais que du bon ou du vraiment intrigant. Petite présentation. Carton se subdivise en deux séries : la série Bâton consacrée au rock et à la pop dans leur sens large et la série Croix-Croix pour tout ce qui est musiques improvisées, jazz, expérimentales et noise. Les disques se présentent sous la forme de CD emballés dans des pochettes en carton recyclé toutes simples et tamponnées au dos du nom du groupe ou du musicien avec éventuellement un peu du blah blah réglementaire. Tout ça sent bon l’artisanat, les travaux manuels sur un coin de la table de la cuisine et la débrouille arty et en même temps les disques Carton ont une certaine classe, il faut bien l’avouer*. Une certaine classe qui ne peut que susciter curiosité et attention.





















Parmi les toutes premières références de Carton on trouve un EP sans titre d’IRèNE. Dans ce groupe on reconnait non sans plaisir Yoann Durant (de RYR et de Kandinsky, deux groupes que l’on apprécie ici) ainsi que Clément Edouard (des Lunatic Toys et de Loup, que l’on ne présente plus). On découvre surtout un batteur dynamique – Sébastien Brun, apparemment il est aussi le garçon à l’initiative des disques Carton – et un guitariste assez incroyable, Julien Desprez. Quoi ? De la guitare électrique dans un groupe de jazz ou affilié ? Et bien oui… Tout d’abord IRèNE a cette modernité certes héritée d’idiomes plus anciens mais qui vous donne le sentiment en écoutant la musique du groupe d’apprécier autre chose qu’une langue morte (ou une langue de bois – oui la langue de bois ça existe également en musique). Et puis finalement IRèNE doit aussi beaucoup aux musiques (sur)amplifiées – rock bien sûr mais pas seulement : Clément Edouard fait ici beaucoup office de bidouilleur en électronique – et, pour en revenir à Julien Desprez, on reconnaitra que si la guitare dans le jazz ou la musique improvisée nous semble d’ordinaire aussi incongrue que la trompette dans le rock**, voilà par contre un musicien qui sait quoi faire de ses six cordes et de ses dix doigts.
Voici surtout une formation qui tient la route, développe une belle énergie, ne se laisse pas enfermer dans un quelconque schéma (quatre titres, quatre perspectives différentes) et peut pousser le bouchon assez loin question virulence, sans se départir d’un à-propos certain. J’en veux pour preuve Bien Sûr et son attaque frontale au saxophone avant que la guitare ne vienne ramoner nos oreilles de toute sa distorsion épineuse et avec un vrai solo qui fait terriblement mal. Le titre d’ouverture, T, ne nous avait pourtant guère préparés à cela, jouant certes sur l’incandescence mais dans une optique plus lyrique et moins bruitiste. Quoi qu’il en soit, on reste attentif à la musique d’IRèNE, groupe imaginatif et d’une profondeur réelle (Sextet, le deuxième titre du disque) et même sobre voire gracieux et contemplatif (S, en dernière position du disque). S’il faut faire un seul reproche à ce Ep, c’est qu’avec vingt minutes seulement il est définitivement bien trop court…

Pour les lyonnais sachez aussi qu’IRèNE jouera De L’Autre Côté Du Pont le 18 mars prochain, une bonne occasion de découvrir un groupe qui a déjà commencer à faire parler de lui***.

* la seule chose qui me chagrine un peu c’est le « slogan » du label témoignant d’un humour potache que même moi je n’aurais pas osé : des disques en carton, de la musique en béton
** oui il y a des exceptions : Sonny Sharock, Takayanagi Masayuki, Marc Ducret, Noël Akchoté et, moins extrêmes, Brad Shepik ou Hilmar Jensson – et puis question « rock à trompette » il y a ça
*** à ce titre IRèNE est le lauréat 2010 du tremplin du Festival de Jazz de la Défense – je ne sais pas si ce genre de prix sert réellement à quelque chose, plus en tous les cas que de donner une note à un disque, mais tiens, pour une fois, s’il fallait en donner une à celui d’IRèNE ce serait un beau 8/10