lundi 8 décembre 2008

Monno / Ghosts























Je ne m’attendais pas à être déçu par Monno et le nouvel album du groupe, Ghosts. Une réalisation signée Conspiracy records et qui confirme malgré tout un certain retour en forme du label après le prenant Art Des Poussières de Maninkari (les disques de Kiss The Anus Of A Black Cat, celui de Jakob ou le split Envy/Jesu n’ayant pas très été de mon goût). Monno, groupe suisse émigré à Berlin, a été l’une des plus belles claques en concert de l’année 2006 et les deux premiers albums -trois si l’on compte un CDr autoproduit en 2004- mélangeaient de façon assez inédite noise (dans le sens bruitiste), rythmes tribaux, indus paroxystique et metal en fusion. Le tout avec un sens du groove rappelant éventuellement le meilleur de Godflesh/God/Ice et alternant avec des grinderies impitoyables. Vraiment très très fort.
Pour Ghosts Monno a délibérément choisi l’option ralentissement à l’extrême et lourdeur angoissante. Ça sent presque le doom aux entournures avec des grosses vibrations maléfiques telles que les pratiques Sunn et consorts -pas le doom post sabbathien seventies. Une telle initiative pourrait apparaître plutôt déroutante venant d’un groupe qui cultive son petit jardin isolé sans se soucier de ce que font les autres mais je ne doute pas un seul instant de la sincérité d’une telle démarche : Monno est bien toujours le genre de groupe à ne faire que ce qu’il souhaite exactement, qu’il aille dans le sens du vent (qui souffle des Enfers) n’est après tout qu’une péripétie de la part d’une formation qui ne souhaite pas rester figée dans sa musique. Ceci dit, le doom version Monno est de loin l’un des plus originaux qu’il m’ait été donné d’entendre jusqu’ici, à la fois poisseux comme un ectoplasme vomi par une jeune vierge possédée et fraîchement exorcisée par un moine priapique et industriel comme une vieille aciérie lorraine abandonnée à la rouille.
Le premier titre, Negative Horizon, n’est a priori pas dans mes cordes, la faute à cette voix fantomatique qui prend toute la place au début puis cède le pas à une rythmique ultra répétitive qui se meut en exercice de style swanesque sur les cinq dernières minutes, cinq minutes qui donnent enfin du sens à tout ce qui s’est passé juste avant. Troye a un groove imparable, ondulant et méchant, le groove de Godflesh dont Monno sait emprunter les lignes de basses sismiques lorsque il le faut. Une voix caverneuse façon alien en rut vient compléter le tableau. Mérule a un peu les mêmes caractéristiques sauf que le groove y est encore plus démentiel et que le saxophone s’entend en tant que tel (très souvent Antoine Chessex l’utilise de deux façons opposées : ultra saturé au travers d’amplis guitare ou comme générateur d’infrabasses), on pense largement à Ice (celui du premier album sur Pathological) et God, les deux hydres crées par Kevin Martin dans les années 90. Monstrueux. On se lève du fauteuil et on change la face de ce LP bien lourd.
Hull est la première speederie du disque, le batteur accelère au delà de l’insoutenable et tout le monde le suit dans ce tourbillon grind as fuck. Les petits gars de Monno ont-t-il décidé de nous faire le coup d’une face lente et d’une face rapide, ce bon vieux gimmick qui rassemble les fans tout en les divisant ? Malheureusement non. Endfall a les mêmes défauts que toute la première partie de Negative Horizon c'est-à-dire que l’on doit se taper un doom industriel (un peu trop propre cette fois) qui joue la carte de la répétition comme seul argument. Un titre qui ne prend tout son ampleur qu’avec une écoute attentive au casque -ou alors très fort dans les enceintes pendant que madame et les enfants sont partis rendre visite aux beaux-parents- tant il fourmille de détails microscopiques d’arrière plan. La longue plage finale qui se veut angoissante est la pire des portes de sortie d’un disque moins direct et donc moins séduisant que ses prédécesseurs. Alors oui je suis (un peu) déçu mais franchement j’ai quand même connu largement pire comme déception. J’espère tout simplement que Ghosts est un disque qui se bonifiera avec le temps…