lundi 29 décembre 2008

John Zorn / The Crucible
























Tzadik n’aura publié qu’un seul album en ce mois de décembre 2008 et il s’agit d’un album du maître en personne : The Crucible. Est-ce encore un des effets secondaires de la crise de subprimes ou du coup de génie de Bernard Madof contre la sphère financière ? Non, le label de John Zorn annonce un mois de janvier chargé avec en particulier un regain d’activité du côté de la collection Radical Jewish Culture. Tzadik est un label qui a très nettement perdu de sa superbe depuis quelques années (ou alors c’est moi qui me suis trop habitué à son business) et le fait est que désormais une production sur vingt de ce label mérite que l’on s’y arrête. 95 % c’est exactement la place qu’il reste pour les disques des copains qui publient toujours la même chose ou pour le propriétaire des lieux qui construit ainsi son propre cénotaphe et sa propre postérité. Mais n’allons pas trop vite en besogne. John Zorn est capable de composer, de produire et de jouer énormément de merdes -par exemple The Dreamers est l’une des pires choses qu’il ait jamais entrepris au long de sa très prolifique carrière- mais il a de beaux restes, la série Moonchild/Astronome/Six Litanies For Heliogabalus étant là pour le démontrer.
The Crucible
est un enregistrement de ce qu’il est désormais convenu d’appeler le Moonchild trio à savoir Mike Patton à la voix, Trevor Dunn à la basse et Joey Baron à la batterie. On ajoute John Zorn en personne qui avec une largesse peu coutumière fait plus d’une apparition avec son sax alto, ainsi que Marc Ribbot sur deux titres et on a le line-up complet de ce disque. C’est en regardant le DVD du Fantômas/Melvins Big Band publié cette année par Ipecac que j’ai enfin compris mon problème avec Mike Patton : je ne peux pas le voir, au sens propre du terme. Il me suffit de voir ses grimaces de coquelet expérimental en pleine démonstration orgasmique pour que je sois dégoûté de ce qui sort de sa bouche, y compris si ce qu’il chante à ce moment précis me plait ou vire au fabuleux (ce qui est tout de même fort rare). Donc pour écouter un disque sur lequel il y a Mike Patton il ne me faut absolument ni voir ni imaginer sa grande gueule de débile en même temps. Mon incapacité vient probablement de cette expérience désastreuse de Faith No More en concert -oui j’ai fait ça, traîné là par un ami qui l’a nettement moins été après : je me revois encore perdu au milieu d’une foule en délire et en bermudas en train de s’extasier et de se trémousser sur We Care A Lot, moi non, j’en avais vraiment rien à foutre.
Il va s’en dire que dès la première écoute de The Crucible le grand et le beau Mickey est apparu devant moi -arrogant, supérieur, son torse viril bouchant tous mes horizons et un filet retenant ses cheveux laqués en arrière. The Crucible est derechef allé pourrir avec quelques autres exemplaires de son espèce dans la pile des à réécouter. C’était en soi une erreur parce qu’il est loin d’être mauvais. Il reprend la formule des trois disques déjà mentionnés (Moonchild/Astronome/Six Litanies For Heliogabalus) qui elle-même est une resucée des travaux entrepris par Zorn dans la première moitié des 90’s avec le tandem Naked City/Painkiller. Le John Zorn énervé qui brasse plus de bruit que de vent.
Sur The Crucible le saxophoniste est très présent en tant qu’instrumentiste et c’est l’une des principales qualités du disque : enfin un enregistrement où Zorn fait autre chose que composer et produire, où il lève le cul de son fauteuil et où il se fatigue un peu. Almadel a l’air tout droit sorti du répertoire de Masada et n’est pas une très bonne entrée en matière. Patton y déclame le thème principal en doublé avec Zorn et le résultat façon modern jazz est un peu pénible. Au début de Shapeshifting on jurerait que Patton se met à hurler et que ça bourre! et effectivement il s’agit de l’un des meilleurs titres de disque. Maleficia fait lui partie des titres pendant lesquels il faut impérativement fermer les yeux pour ne pas voir Mickey. Trevor Dunn et sa basse y font les trois quarts du boulot. 9 x 9 est basé sur un riff stupidement vieillot de Marc Ribbot, on passe. Hobgoblin est de loin le titre qui rappelle le plus la furie et la méthode switch de Naked City. Incubi se perd dans trop de circonvolutions -mais encore une fois quelle basse- tandis que Witchfinder rallume trop timidement le feu, l’intro ressemble à s’y méprendre à du NoMeansNo. The Initiate termine fort honorablement un album correctement désaxé et proprement débridé dont on ne peut tout de même pas d’empêcher de dire qu’il demeure trop raisonnable et trop pensé.