samedi 15 mars 2008

L'aile ou la cuisse


La frustration intense née d’un ordinateur défectueux et d’une connexion internet intermittente est le gage d’un regain de délire en forme de trop-plein, en résumé faut que ça sorte. Je n’ai rien de particulièrement méchant à dire sur James Murphy, son label (plus disco que punk) DFA records, sa machine à tubes pour danser LCD Soundsystem, ses converses, son épi dilettante stratifié avec Vivel et les drogues aphrodisiaques et/ou hypnotiques. Quoique : en fait je n’ai rien à dire du tout sur tout ça ou presque, ce n’est pas mon rayon mais comme beaucoup d’introvertis je ne danse que lorsque je suis complètement défoncé, je ne vois pas comment on peut faire autrement et c’est ça qui est bien.
Il ne faut pas enlever le mérite à James Murphy et DFA d’avoir réédité l’intégralité des enregistrements studio des obscurs Pylon, trois coquelets en polos rouges et une poulette écorchée vive donnant dans un post punk acide et rachitique, froidement groovy et mécaniquement indansable, abrasif et tranchant, violent et captivant, primal et austère. Du vrai post punk d’époque (1978/1980), possédant un certain esprit en commun avec Gang Of Four, les leçons de choses marxistes en moins. Du garanti sans gras ni hormones de croissance, de la musique incandescente par le dessous, de la rage frustrée qui pète à la gueule de la part d’une bande de jeunes bouseux originaires d’Athens en Georgie, la même ville qu’un Michael Stipe pas avare en compliments dans les pages du livret ou qu’un Fred Schneider encore tout ému d’un concert de Pylon dans une cave quelque part en 1978 (toujours dans le même livret).























Gyrate Plus débute par le premier single du groupe, Cool/Dub et ce qui se remarque le plus c’est la basse -imposante, massive, entraînante, irrésistible- qui avec une économie de moyens et d’effets porte toute l’ossature, la pureté de l’âme, d’une musique qui va droit au but. Suivent les onze titres de l’album Gyrate, l’ouverture parfaite d’un Volume, l’inquiétant puis frénétique Driving School. Passons rapidement sur l’instrumental passablement faiblard Weather Radio et sa guitare aigrelette mais un peu trop primesautière qui jure un peu aux côtés du très concis et très punk Feast On My Heart, du martial et rigide Gravity, du rythmé et arrondi Danger, de l’hallucinant Stop It sur lequel la chanteuse Vanessa se lâche rapidement dans un crescendo d’arrachage de cordes vocales dans les règles de l’art.
On peut dire tout le bien que l’on veut du trio guitare/basse/batterie et l’épure musicale qui en découle, Pylon était avant toute autre chose doté d’une chanteuse tellement écorchée vive que celle-ci, quasiment incapable de la moindre modulation, joue subtilement en force -non il n’y a rien de paradoxal là dedans- de ses limites vocales, parfaite dès qu’il s’agit d’éructer, non moins parfaite lorsqu’elle sait se faire faussement calme. La tension est toujours là et, pas très loin, le cri est juste derrière : Don’t rock and roll, no/Now rock and roll, now.
Gyrate Plus
s’achève avec un titre extrait d’un 10 pouces (les trois autres titres de celui-ci se retrouvant sur le single ainsi que sur l’album), Danger !!, qui est de loin le titre le plus funky de cette rétrospective, un funk déstabilisant parce que parfaitement inorganique et inhumain. Functionality est la dernière plage du CD et est extrait d’une cassette démo, bien que pauvre le son garde l’aspect simplement rugueux et proprement efficace de la musique de Pylon. Il aurait quand même été dommage de passer à côté de tout ça mais, honnêtement, doit on quand même remercier James Murphy ?