dimanche 25 novembre 2007

Keep your eyes open

.
J’écoute Slow Speed : Deep Owls, le dernier album en date de Bear Claw tout en feuilletant Keep Your Eyes Open, le livre de photographies de Glen E. Friedman sur Fugazi et ce n’est peut être pas une très bonne idée. Les deux sont vraiment très bien -surtout le premier- mais agir ainsi m’incite encore plus à trouver quelques ressemblances, pourtant absolument pas volées, entre le groupe de Chicago et celui de Washington DC.
Le bouquin de Friedman débute par un texte écrit par un mec autorisé par l’Histoire de la musique indépendante américaine -donc pas un pauvre idiot comme moi- en l’occurrence Ian Folke Svenonius, ex Nation Of Ulysses et ex Make-Up. Cela nous parle de la naissance du hard core du côté de Washington, du mouvement straight edge et de ses dérives, de l’impasse où s’est rapidement retrouvée toute cette scène et de l’obligation de mutation pour grandir et survivre, ce qui a signé l’acte de naissance d’un groupe comme Fugazi. Je résume et je simplifie forcément car lire quatorze pages consécutives en américain dans le texte est largement au dessus de mes forces et de mes compétences. Inutile de dire que je suis tout de même persuadé que ce texte prouve par A + B que Fugazi est le plus grand groupe du monde de rock’n’roll militant.
Chaque page de ce livre est nommée d’un titre d’une chanson de Fugazi au lieu d’être bêtement numérotée. Par exemple à la page Birthday Pony on peut voir Guy Picciotto cambré en arrière sur les retours devant la scène, dos au public, en train de tutoyer son micro comme lui seul savait le faire. Des photos comme cela il y en a des tonnes dans ce livre, rappelant quel groupe extraordinaire en live était Fugazi mais malheureusement la mise en page rate le coche : de trop nombreuses petites photos en médaillon parasitent les photos pleines pages et il y a des redondances, comme si un maximum de clichés avaient été inclus, offrant parfois peu de différence les uns par rapport aux autres et devenant donc inutiles. Un peu moins de photos plus sévèrement sélectionnées auraient donné beaucoup plus de force à ce témoignage unique et en images.













L’album de Bear Claw mentionné un peu plus haut est archétypal d’un certain noise rock 90’s -spécialité de Chicago- tout en rythmique à la fois élastique et tendue (il y a deux basses dans ce groupe mais pas de guitare) et a été enregistré par ce vieux cochon de Steve Albini qui s’y connaît toujours autant pour bander et faire claquer le son d’un disque. Là où ça se complique mais où cela devient également très intéressant c’est lorsque Bear Claw arrive à accoucher de mélodies accrocheuses mais un peu bancales, à capter l’attention avec un chant maladroit mais émouvant, à célébrer l’intensité sans s’encombrer de surenchère. De manière assez surprenante, Slow Speed : Deep Owls arrive à établir la jonction entre Chicago et Washington DC, s’appropriant le meilleur de Shellac comme le plus mystérieux de Fugazi. Je suis tout simplement bluffé par ce disque qui aux premières écoutes me paraissait un peu trop calme et un peu trop sage mais se révèle très rapidement impressionnant de maîtrise et devient tout simplement addictif. Car cette maîtrise s’écoule avec une facilité et une simplicité déconcertantes qui donnent à la musique de Bear Claw un caractère profondément naturel et sincère. Pour un peu, j’oserais même affirmer que Slow Speed : Deep Owls est un pur moment de vérité mais comme j’ai déjà dit quelque part (et même vraisemblablement plusieurs fois) que la vérité ça ne peut pas exister, je ne vais me risquer à me fourvoyer ainsi dans une nouvelle contradiction sans nom. Mais quand même.