Avec Waking In The Reservoir, un premier et excellent album paru sur
ugEXPLODE en 2011, les WHITE SUNS
de Brooklyn avaient fait une très grosse impression. Impression directement et
inévitablement balayée par ce deuxième album, Sinews, encore plus implacable, perturbant et cauchemardesque.
Paradoxalement Sinews est peut-être
moins excessif et moins fou-foutraque que Waking
In The Reservoir mais il n’en est pas moins violent – je parle de violence
ressentie – et ce qui frappe avant tout c’est le côté terriblement froid,
méthodique et disons-le calculé de ce nouvel enregistrement.
Mais après tout, on n’en sait rien : peut
être que la cohésion destructrice qui parcourt Sinews du début jusqu’à la fin n’est pas si préméditée et planifiée
que cela, peut être qu’elle n’est que le fait du hasard et de trois musiciens se
trouvant juste pour cette fois au même moment, au même endroit, mus par les
mêmes obsessions et surtout déterminés à se les extirper du corps en employant
les mêmes moyens – amputation ou lavage de cerveau. Car dans le genre Sinews est un disque aussi complet et
cohérent que porteur de mal-être et d’anéantissement. Une parfaite définition
« musicale » de la folie claustrophobe. Imaginez-vous enfermés et
confinés sans pouvoir bouger ne serait-ce qu’un petit doigt dans un aquarium
rempli de n’importe quel liquide plus ou moins trouble ; en plus de ne pas
pouvoir vous en échapper vous ne pouvez pas respirer et vous êtes condamnés à
regarder au plus près un monde extérieur inaccessible et donc déformé. Sinews impose plus qu’il ne propose et
vous ne pouvez pas y échapper.
C’est ce qui fait le plus peur ici, ce sentiment
d’impuissance lié à celui que la normalité, celle que l’on se doit d’accepter,
est précisément celle du cauchemar auditif, dégueulant de saturation
incandescente et de rythmes malfaisants, que nous assènent les White Suns sur
les six titres de Sinews. Les êtres
difformes et déglingués c’est nous et si nous souffrons c’est parce que nous ne
pouvons rien faire d’autre. Le cauchemar tourne au labyrinthe, la douleur à
l’enfermement, la violence à la méthode appliquée et Sinews, catalyseur/récepteur de rêves bafoués et de vies laminées,
est aussi la seule porte de sortie et la seule échappatoire : une sortie
sur nulle-part. Sinews, l’album
nihiliste de l’année.
On peut écouter la musique de White Suns – il y a
des extraits de tous les enregistrements – en visitant les pages Bandcamp et Soundcloud du groupe. Sinews est publié en vinyle et en CD par
Load records.