On vit malgré tout une époque formidable :
alors que cette saloperie d’internet permet d’écouter et/ou de télécharger
toutes les musiques ayant existé, semant ainsi la confusion totale sous couvert
d’un savoir aussi facile qu’instantané et alors que blogs et autres webzines en
rajoutent allègrement une couche dans l’omniscience conquérante, il y a encore
des malades qui sortent des disques en vrai et en dur et d’autres, beaucoup plus
inconscients encore, qui se lancent dans la réédition de vieux disques
(presque) oubliés.
Les héros du jour s’appellent Poutre Apparente, label qui vient de
rééditer le tout premier single jamais enregistré par CIRCLE X, en 1979. A
cette lointaine époque Circle X était encore de l’autre côté de l’Atlantique, à
New-York plus précisément et n’avait pas encore atterri de manière complètement
surréaliste du
côté de Dijon. On retrouve pourtant en face B de ce single la version
studio de Look At The People (qui
donc figure en live sur Dijon ’79),
un titre complètement dans l’air du temps et de la Grosse Pomme, de la no wave
pure et dure. Si on a pu écrire à propos des guitares dans Circle X qu’elles
étaient complexes, le terme est de fait sûrement mal choisi : on voulait
plutôt exprimer l’idée de difficulté en ce sens que se prendre du Circle X
était et reste toujours une expérience voire un supplice. Mais un supplice que
l’on accepte pleinement.
Ce 45 tours est ainsi la démonstration parfaite de
l’amateurisme d’un groupe – guitariste débutant, batteur qui perd le rythme, chant
tremblotant y compris dans le registre du cri, etc –, un groupe qui a des idées
claires et se débrouille avec ses maigres moyens pour les concrétiser. Pour en
revenir à internet et aux saloperies technologiques toutes prêtes à consommer,
c’est l’envie et le besoin qui ont donné naissance, même imparfaitement, à cette
musique, à l’encontre exacte des possibilités sans limites théoriques et donc
complètement submergeantes de notre chère époque actuelle et parait-il si moderne.
La musique ultra nihiliste et destructrice de Circle X avait tout pour elle
puisqu’elle répondait à des pulsions et des idées alors nouvelles qui
précisément ne prétendaient répondre à rien et surtout ne se voyaient pas comme
un écho rassurant et/ou balisé. Détruire pouvait encore être considéré comme un
acte créateur – aujourd’hui « créer » ce serait plutôt piller le
passé mais rassurer pour séduire – et la meilleure preuve c’est la face A de ce
single, une reprise aussi jouissivement lamentable qu’assassine du Heartbreaker des Rolling Stones. Que ces
derniers fassent encore en 2012 la tournée des plus grands stades du monde est
une autre démonstration que beaucoup d’entre nous sommes morts depuis fort
longtemps.