Cela fait longtemps maintenant que DEATHSPELL OMEGA
fait bonne figure dans le paysage mondial du black metal : depuis 1998 le
groupe a accumulé une discographie aussi mystérieuse que pléthorique*,
dessinant plusieurs périodes distinctes et recourant même à la notion de
« cycles ». Chaque amateur de Deathspell Omega aime à désigner son
album préféré et sa période favorite du trio français – français à cette
exception près que le chanteur est finlandais, il s’agit de Mikko Aspa,
également batteur dans Fleshpress, membre unique de Clandestine Blaze et qui a
intégré le groupe en 2003 après la défection du chanteur originel.
En gros il y a les débuts de Deathspell Omega
(entre 1998 et 2002) marqués par un son très old school et hargneux, on n’est
pas très loin du true black ; puis est venue une période intermédiaire
dominée par le génial album Si Monumentum
Requires, Circumspice (2004), une période sur laquelle la musique du groupe
est devenue de plus en plus complexe tout en restant très directe ; enfin
Deathspell Omega s’est fait une spécialité de titres longs et particulièrement
tordus voire même progressifs, publiés la plupart du temps sous la forme de EPs
monotitre mais pas seulement (tel l’album Fas
– Ite, Maledicti, in Ignem Aeternum en 2007, un summum de schizophrénie
arithmétique). L’album Paracletus en
2010 a lui marqué un certain désir d’accessibilité – tout est bien sûr relatif
– avec à la fois la continuité des parties tordues, le recours à davantage de
mélodies et un certain retour à plus d’énergie et d’action directe**.
Accessible, Drought
l’est également. Deathspell Omega y convie de moins en moins son black metal
d’antan, polissant ses sonorités et son langage vers quelque chose d’indéniablement
plus hardcore tendance chaotique et matheux mais de finalement très propre et
mélodique. Seule la voix rappelle encore d’où vient réellement Deathspell
Omega. Pour le reste, il semble que non seulement le groupe ait momentanément
abandonné sa noirceur d’avant mais qu’en plus il s’ingénie à séduire à tout
prix.
Drought
n’est pas un mauvais disque pour autant mais il laisse un peu perplexe. En
introduction Salowe Vision frise
l’horreur post hardcore/happy doom*** et, en compagnie du final et tout aussi
instrumental The Crackled Book Of Life,
est le titre vraiment dispensable du disque. Les furieux Fiery Serpents et Scorpions
And Drought rivalisent question chaos et changements de plans toutes les
deux mesures et demi avec en prime des parties de blasts qui frisent
l’apocalypse. Sand est un titre lent
et très dense mais malheureusement bien trop court puis vient Abrasive Swirling Murk, le grand frère
de Fiery Serpents et Scorpions And Drought mais doté d’un
surcroît de pestilence et de noirceur qui font enfin vraiment plaisir à
entendre – cette partie finale sadiquement reptilienne et lente est un pur
joyaux.
Drought
est donc surtout un disque bancal et désordonné comprenant d’excellentes choses
en son sein. Il donne l’impression que Deatspell Omega en a désormais fini avec
un certain stade de son évolution mais que le groupe n’ose pas encore mettre un
pied dans le suivant. Pour certains, Paracletus,
trop policé, marquait déjà une fin… fin qui a visiblement tendance à
s’éterniser. On attend donc la suite avec une certaine impatience, tout
simplement parce que l’on n’aime pas rester dans le doute.
[Drought
est publié en vinyle 12’ et en CD par Norma
Evangelium Diaboli, label sur lequel on retrouve tous les disques de
Deathspell Omega depuis Si Monumentum
Requires, Circumspice]
* le mystère c’est bien mais fort heureusement Deathspell
Omega a réalisé d’incontournables rééditions : les excellentes
compilations de splits et raretés Manifestations
2000 - 2001 et Manifestations 2002
ainsi que les deux premiers albums, Infernal
Battles (2000) et Inquisitors of
Satan (2002) – le tout est dispo chez End
All Life Productions, label du guitariste de Deathspell Omega qui s’occupe
également en grande partie de Norma Evangelium Diaboli
** les esprits amateurs de raccourcis ont même
évoqué un « Converge jouant du black metal » mais il y a réellement
du vrai dans ce descriptif concentrationnaire
*** oui, oui : « happy doom », ça
vient juste de sortir