vendredi 24 août 2012

Deathspell Omega / Drought




Cela fait longtemps maintenant que DEATHSPELL OMEGA fait bonne figure dans le paysage mondial du black metal : depuis 1998 le groupe a accumulé une discographie aussi mystérieuse que pléthorique*, dessinant plusieurs périodes distinctes et recourant même à la notion de « cycles ». Chaque amateur de Deathspell Omega aime à désigner son album préféré et sa période favorite du trio français – français à cette exception près que le chanteur est finlandais, il s’agit de Mikko Aspa, également batteur dans Fleshpress, membre unique de Clandestine Blaze et qui a intégré le groupe en 2003 après la défection du chanteur originel.
En gros il y a les débuts de Deathspell Omega (entre 1998 et 2002) marqués par un son très old school et hargneux, on n’est pas très loin du true black ; puis est venue une période intermédiaire dominée par le génial album Si Monumentum Requires, Circumspice (2004), une période sur laquelle la musique du groupe est devenue de plus en plus complexe tout en restant très directe ; enfin Deathspell Omega s’est fait une spécialité de titres longs et particulièrement tordus voire même progressifs, publiés la plupart du temps sous la forme de EPs monotitre mais pas seulement (tel l’album Fas – Ite, Maledicti, in Ignem Aeternum en 2007, un summum de schizophrénie arithmétique). L’album Paracletus en 2010 a lui marqué un certain désir d’accessibilité – tout est bien sûr relatif – avec à la fois la continuité des parties tordues, le recours à davantage de mélodies et un certain retour à plus d’énergie et d’action directe**.
Accessible, Drought l’est également. Deathspell Omega y convie de moins en moins son black metal d’antan, polissant ses sonorités et son langage vers quelque chose d’indéniablement plus hardcore tendance chaotique et matheux mais de finalement très propre et mélodique. Seule la voix rappelle encore d’où vient réellement Deathspell Omega. Pour le reste, il semble que non seulement le groupe ait momentanément abandonné sa noirceur d’avant mais qu’en plus il s’ingénie à séduire à tout prix.
Drought n’est pas un mauvais disque pour autant mais il laisse un peu perplexe. En introduction Salowe Vision frise l’horreur post hardcore/happy doom*** et, en compagnie du final et tout aussi instrumental The Crackled Book Of Life, est le titre vraiment dispensable du disque. Les furieux Fiery Serpents et Scorpions And Drought rivalisent question chaos et changements de plans toutes les deux mesures et demi avec en prime des parties de blasts qui frisent l’apocalypse. Sand est un titre lent et très dense mais malheureusement bien trop court puis vient Abrasive Swirling Murk, le grand frère de Fiery Serpents et Scorpions And Drought mais doté d’un surcroît de pestilence et de noirceur qui font enfin vraiment plaisir à entendre – cette partie finale sadiquement reptilienne et lente est un pur joyaux.
Drought est donc surtout un disque bancal et désordonné comprenant d’excellentes choses en son sein. Il donne l’impression que Deatspell Omega en a désormais fini avec un certain stade de son évolution mais que le groupe n’ose pas encore mettre un pied dans le suivant. Pour certains, Paracletus, trop policé, marquait déjà une fin… fin qui a visiblement tendance à s’éterniser. On attend donc la suite avec une certaine impatience, tout simplement parce que l’on n’aime pas rester dans le doute.

[Drought est publié en vinyle 12’ et en CD par Norma Evangelium Diaboli, label sur lequel on retrouve tous les disques de Deathspell Omega depuis Si Monumentum Requires, Circumspice]

* le mystère c’est bien mais fort heureusement Deathspell Omega a réalisé d’incontournables rééditions : les excellentes compilations de splits et raretés Manifestations 2000 - 2001 et Manifestations 2002 ainsi que les deux premiers albums, Infernal Battles (2000) et Inquisitors of Satan (2002) – le tout est dispo chez End All Life Productions, label du guitariste de Deathspell Omega qui s’occupe également en grande partie de Norma Evangelium Diaboli
** les esprits amateurs de raccourcis ont même évoqué un « Converge jouant du black metal » mais il y a réellement du vrai dans ce descriptif concentrationnaire
*** oui, oui : « happy doom », ça vient juste de sortir