vendredi 3 août 2012

Fire! with Oren Ambarchi / In The Mouth – A Hand




Mats Gustafsson a sans doute plusieurs vies. Et visiblement il bénéficie aussi de tout le temps dont il a besoin pour toutes les mener de front. Fire! est ainsi l’un de ses très nombreux projets, un trio fondé aux côtés de Johan Berthling (principalement à la basse) et de Andreas Werliin (à la batterie). FIRE!* se veut un groupe (disons) plus rock que jazz et principalement axé sur un psychédélisme répétitif et bruyant. La profession de foi du trio parle même de musique contemporaine distordue… ce qui ne veut pas dire grand-chose, avouons-le. Surtout que dans les faits, après écoute de ce In The Mouth – A Hand, la principale étiquette/tarte à la crème qui vient à l’esprit est celle de kraut rock – on rajoutera aussi un peu de jazz électrique tel que Miles Davis avait commencé à la définir sur le séminal In A Silent Way.
In The Mouth – A Hand** est donc le troisième album du groupe après You Liked Me Five Minutes Ago en 2009 et un Unreleased ? publié en 2011 sous le nom de Fire! with Jim O’Rourke. Si ce nouvel album est de loin le disque de Fire! le plus intéressant du lot c’est surtout grâce à la présence d’un autre invité de marque, en l’occurrence l’australien Oren Ambarchi, ici à la guitare électrique. Toutes les conditions sont alors réunies : un guitariste passionnant et inventif jouant plus sur les textures qu’avec des notes***, une section rythmique performante et endurante et, enfin, un Mats Gustafsson dans le rôle du trublion en chef et qui ne joue pas que du saxophone (ténor exclusivement pour ce disque) mais aussi de l’orgue et du Fender Rhodes. Une palette sonore qui recoupe parfaitement les principales aspirations musicales de Fire! et en particulier ce travail au long court sur l’électricité.
In The Mouth – A Hand est composé de trois titres comme autant de longues jams de hippies. Le caractère hypnotique de l’ensemble est certain même si on y perçoit une franche application – une autre façon de dire que ce sont des musiciens de jazz ou des musiciens qui aiment un peu trop s’écouter jouer qui sont ici associés et que cela s’entend : la folie est maitrisée, parfois un peu convenue et surtout elle ne laisse aucune place à une certaine violence extatique, celle dont sait si bien abuser un groupe tel que The Psychic Parmount, par exemple. In The Mouth – A Hand peut donc à la longue paraitre ennuyeux et un peu vain. C’est bien le cas du troisième titre He Wants To Sleep In A Dream (He Keeps In His Head) et ses égarements au Fender Rhodes. Par contre A Man Who Might Have Been Screaming et son attaque en sous-marin avant le déluge électrique puis And The Stories Will Flood Your Satisfaction (With Terror) valent largement le détour, en particulier le premier qui est un modèle du genre et ne souffre pas du syndrome du titre à rallonge qui dure et dure encore dans l’espoir que quelque chose se passe enfin. Il s’agit aussi du titre le plus free jazz de In The Mouth – A Hand, le ténor de Gustafsson y explose d’une beauté hallucinante et ça, ça n’a vraiment pas de prix.

* notez bien au passage tout l’humour contenu dans cette adresse réticulaire : « earthwindand.com »
** In The Mouth – A Hand  est publié en LP et en CD (avec un court titre supplémentaire pas réellement intéressant) par RuneGrammofon
*** de fait ce que joue Oren Ambarchi sur In The Mouth – A Hand est bien plus intéressant que ce que proposait Jim O’Rourke sur Unreleased ?