dimanche 30 novembre 2008

Le feu !
























Jeudi soir. Il est quelques minutes avant 20 heures et j’ai toute la ville à traverser en vélo dans un froid hivernal humide et pénétrant pour rejoindre le Grrrnd Zero à Vaise. Qu’est ce que je n’aurais pas donné pour que le concert de ce soir se déroule juste à côté de l’endroit où je me trouve à cet instant précis, à Grrrnd Gerland, même si les conditions de ce second lieu sont limites et auraient rendu les choses ingérables pour l’organisation : cela avait déjà été assez chaotique lors de la venue en septembre des athlètes de The Locust alors je n’ose imaginer l’émeute pour un concert de Lightning Bolt. Du moins j’essaie d’imaginer car je n’ai encore jamais vu le duo de Providence en concert -lors de son précédent passage il y a quatre ans j’étais occupé bien loin de cette ville, beaucoup trop loin finalement pour avoir à regretter quoi que ce soit, des fois on ne choisit pas (mais heureusement cela n’arrive que très rarement). J’ai donc le verrou électrique encore vierge.
Je me dépêche car j’ai deux raisons de ne pas arriver en retard : SoCRaTeS et Chewbacca. Je ne sais pas quel groupe va jouer en premier mais je ne veux rater aucun des deux. Lorsque j’arrive finalement un peu en avance au Rail Théatre j’entends SoCRaTes qui termine ses balances, au moins j’ai ma réponse. Il y a déjà un petit attroupement qui attend l’ouverture des portes de la salle (c’est toujours bon signe) et pour passer le temps cela discute du Sonic qui a été cambriolé pendant la semaine -plus de table de mixage ni de micros, bar et fonds de caisse dévalisés, en résumé la grosse merde- et du projet d’organiser un concert de soutient à la salle. Après le refus de la mairie de lui allouer des subventions pour l’année 2008/2009, le Sonic est au plus mal, certains appellent cela la malédiction lyonnaise (l’Exit, le Pezner, le [kafé mysik]…
























Le concert d’Agathe Max qui a eu lieu la veille au même endroit (avec Marion d’Overmars à la batterie sur les deux derniers titres) constitue la dernière conversation avant le début de la soirée. C’était apparemment très bien, du coup je regrette un peu mon absence en ce mercredi mais j’espère que ces deux là renouvelleront l’expérience un jour prochain.
C’est devant une salle à moitié vide que SoCRaTeS commence à jouer. Le trio tient toujours à cette disposition triangulaire (à gauche la chanteuse, à droit le batteur et au fond le guitariste) qui permet aux trois de se regarder pendant qu’ils jouent sans pour autant exclure les personnes venues les voir et les entendre et qui surtout a l’avantage de ne mettre aucun des membres du groupes en avant, le genre de tentation trop facile pour un groupe lorsqu’il a une chanteuse. SoCRaTeS a déjà l’intelligence de ne pas jouer à ce petit jeu là.
Je découvre quelques nouveaux titres, du moins des titres qui ne figurent pas sur l’excellent EP More Vultures, Hyenas And Coyotes (encore une chronique pleine de naïveté) et ils sont de très bon augure pour l’album que le groupe se promet enfin d’enregistrer et de publier pour l’année 2009. La no wave est toujours très présente dans la musique de SoCRaTeS mais celle-ci a atteint un échelon supérieur question classe et finesse, de vraies mélodies qui dérouillent, des déflagrations de guitare, la batterie qui lui colle d’un peu trop près (dans mon souvenir le batteur était plus aventureux) -un bon concert pour une musique sèche, vibrante et racée. Des titres anciens sont intercalés, In Bed… In Bed me fait toujours autant d’effet, merci de l’avoir joué cette fois encore. Lorsque les lumières se rallument la salle s’est bien remplie. 
























C’est au tour de Chewbacca. Le duo batterie et voix avait été réellement impressionnant lors de son passage en juin dernier avant Melt Banana : folie, inventivité et concision étaient bien au rendez-vous -le problème de Chewbacca est que le groupe a parfois un peu tendance à trop jouer, à essouffler ses élans, à user ses (bonnes) idées jusqu’à la corde ; une certaine concision va mieux au duo qui ne sait pas toujours éviter cet écueil propre à beaucoup de formations qui laissent une grande part d’improvisation dans leur musique. Mais avant toutes choses, Damien (voix) lance un appel à soutient au Sonic, expliquant qu’il ne faut pas laisser la salle lyonnaise mourir après ses mésaventures et précise qu’il y a une caisse à côté du bar pour qui souhaite donner quelque chose.
L’effet de surprise a depuis longtemps disparu avec Chewbacca et je mets un peu de temps avant de pouvoir entrer complètement dans le concert. Pourtant le groupe fait bien ce qu’il sait faire, Damien bidouille sa voix pour élaborer une sorte de grind oral tandis que monsieur Duracell installe un beat volumineux, massif et hypnotique. Son jeu est très physique et je me demande toujours comment il arrive à tenir la cadence (infernale) sans hurler de douleur sous les assauts de crampes. A mi concert je crains que Chewbacca ne succombe au délayage mais la machine repart. Pendant ce temps une bande d’hurluberlus sans doute illuminés à la pensée d’assister après à un concert de Lightning Bolt se mettent à se rouler par terre devant la scène en hurlant le nom de leur groupe fétiche -l’un d’entre eux vient me faire un bisou en me demandant si je suis amour aujourd’hui, il comprend rapidement que non et retourne faire l’andouille avec ses amis.
Chewbacca annonce que c’est fini avant de se raviser et de jouer un dernier titre, violent et tendu. Ça exulte sévère dans le public, tout le monde est bien chaud pour les américains. Changement de plateau.
























Les deux premiers groupes de la soirée ont joué sur la scène. Fidèle à ses habitudes Lightning Bolt jouera par terre, coincé dans un angle du Rail Théâtre. Heureusement cette salle est dotée d’une mezzanine et de deux passerelles latérales. Les deux options offertes sont soit de rester au même niveau que le groupe pour danser la bourrée à même le sol soit de prendre un peu de hauteur pour profiter du spectacle. En bon pépère de famille je choisis de grimper sur la scène juste à côté des amplis du groupe pour regarder tout ça d’assez près. Lightning Bolt est rapidement cerné de toutes parts, la passerelle au dessus de la tête du duo est noire de monde. Les barrières de sécurité qui séparent le groupe du public sont enlevées. Les gens se rapprochent encore.
Le début du set est ultra chaotique. Le public est tellement proche des deux musiciens que cela les empêche de jouer. Le batteur (il s’appelle Brian) monte sur son tabouret pour invectiver la foule, demande aux personnes de reculer et finalement évacue derrière lui un pied de cymbale devenu inutile parce qu’il n’arrête pas de tomber, sa batterie devient encore plus minimale. Pour ne rien arranger le bassiste (lui aussi s’appelle Brian) a des problèmes de sons et le concert est interrompu, improvisation batterie et voix sans intérêt de la part du batteur, nouvelles demandes au public de se reculer -je souris à l’idée que ces deux là essaie d’éteindre un feu qu’ils ont eux même allumé et qu’ils ne savent pas maîtriser, Lightning Bolt a tout du groupe bidon qui n’a rien à offrir si ce n’est une attitude digne de poseurs. La suite va rapidement prouver que je me trompe.



















Les problèmes de basse définitivement réglés, le groupe repart et ne s’arrêtera plus. Le son prend enfin de l’ampleur et de l’épaisseur, les oreilles saignent. Le public se déchaîne et voir cette marée humaine bouger, onduler follement au son des rythmes et du groove de Lightning Bolt est un spectacle à lui tout seul. Un spectacle incroyable de liberté. J’ai beau chercher, je ne vois pas les agités qui s’illustraient pendant Chewbacca, même mon bisouilleur à disparu. La première mauvaise impression laissée par les deux Brian est vite effacée, la fosse devient un magma bouillonnant tandis que ceux qui ont choisi de regarder d’un peu plus loin sont tétanisés par toute la furie dégagée par le duo.
Le groupe alterne passages ultra rythmiques -quel batteur incroyable, il ne s’arrête jamais- arrosés de lignes de basses ultra saturées et passages disco punk qui donnent invariablement envie de se trémousser. Autant le batteur est une pile électrique, autant le bassiste reste concentré sur son jeu, la tête souvent baissée. Je m’aperçois qu’il joue de sa cinq cordes aux doigts, sans médiator, alors qu’il arrive à dégager une puissance de jeu incroyable de densité (non les amplis et les pédales d’effets ne font pas tout). Formidable duo, belle complémentarité, grosse et forte sensation. Pour finir, le batteur se permet une fois de plus quelques fantaisies en escaladant la passerelle au dessus de sa tête avant de disparaître dans le public.
Il revient quelques minutes plus tard et Lightning Bolt recommence à jouer pour atteindre un nouveau paroxysme de folie collective, grosse ruades dans le public, nouveaux mouvements de foule mais le groupe tient bon, continue à jouer et on dirait bien que les deux se nourrissent l’un de l’autre dans un moment de pure magie. C’est cette dernière impression qui restera d’un concert fabuleux il faut bien le dire, cette impression et des acouphènes persistants pendant toute la journée du lendemain. Lightning Bolt n’a pas failli à sa réputation : je suis reparti du Rail Théâtre la tête ailleurs et à moitié sourd.

jeudi 27 novembre 2008

Ils nous doivent plus que la lumière
























Très grosse hésitation cette semaine : c’est le Grrrnd Zero festival c'est-à-dire une semaine de concerts en novembre (du 24 au 26) puis une seconde au mois de décembre (en gros du 10 au 14). On verra plus tard pour la programmation de décembre, pour l’heure il me fallait choisir entre les Acid Mothers Temple de Kawabata Makoto le lundi, Agathe Max et Hrsta le mercredi et Lightning Bolt le jeudi. Si les fous furieux de Providence l’ont emporté haut la main c’est parce que ce soir joueront également deux de mes groupes lyonnais préférés : Chewbacca et SoCRaTeS (oui, la grande finale du Gafferthon 2008 c’est aujourd’hui). Quelque chose me dit que je vais être fatigué demain. Ou alors sourd. Peut être même les deux. Du moins je l’espère.

[nota : ce flyer est en bonne position pour remporter haut la main la première place du grand concours du flyer le plus laid de l’année… il y a heureusement des organisateurs de concerts qui savent faire plus d'efforts]

mercredi 26 novembre 2008

Comme à la télé : A Place To Bury Strangers live @Paradiso Amsterdam






















 



Grâce à l’étonnant site Fabchannel (il faut fouiller un peu mais il regorge de trésors) il est maintenant possible de visionner l’intégralité d’un concert d’A Place To Bury Strangers donné au Paradiso d’Amsterdam le 26 mai 2008. Le son est potable, on entend suffisamment la voix pour se rendre contre qu’Oliver Ackermann de toutes façons chante comme une casserole, chose qui m’avait totalement échappée lors de la mélasse sonore du récent concert lyonnais. Cela se passe ici.


mardi 25 novembre 2008

Skull Defekts / Waving

Si on m’avait fait écouter ce single de Skull Defekts lors d’un blind test j’aurais été bien emmerdé. Je suis nul à ce petit jeu (pour le dernier auquel j’ai participé, celui concocté avec vice et sadisme par t-dt-b, je n’ai récolté que deux malheureux petits points, ex-aequo avec quelques nerds mélomanes parmi les plus doués de l’hémisphère nord) et j’aurais certainement bien eu du mal à reconnaître la patte des suédois. On sait pourtant que l’humeur du groupe peut être très changeante, Skull Defekts étant capable de pondre ce qui ressemble au mieux à des feuilletés de saturations enrobés de larsens destructeurs tout comme d’enregistrer un excellent Blood Spirits And Drums Are Singing chez Conspiracy. Lorsque je relis cette chronique je ne peux que sourire à l’allusion fugace faite aux Liars tant les deux groupes me semblent aujourd’hui éloignés : les suédois, eux, ne font pas semblant et se foutent complètement de sonner expérimental (et punk) alors qu’ils le sont réellement. La différence entre avoir la classe et opportunisme.


















Blood Spirits And Drums Are Singing dégueulait du krautrock avec une acidité et une aridité proche de la no-wave new-yorkaise. Sur Waving/Building Temples For New Gods le propos s’est musclé, on balance la choucroute mais on garde la bière, le chant abandonne la distance réglementaire qui sépare sujet et objet, adopte ce ton à la fois traînant et arrogant capable de faire mouiller dans toutes les culottes du monde et on se permet même un refrain qui reste dans la tête et qui suggère que l’on n’est pas très loin du hit (Waving). Un titre musclé, entraînant et bien charpenté. Un titre concis, mélodique et noisy, du genre à mettre en première position de sa compil perso que l’on écoute tous les matins. On retourne délicatement la galette pour écouter ce qui se passe de l’autre côté.
Pour différencier les deux faces de ce single il n’y a pas trente-six solutions : aucune indication sur les ronds centraux et il faut avoir de bons yeux pour déchiffrer le 7878101/A et le 7879102/A qui se retrouvent gravés directement dans le vinyl à chaque fin de face. Waving c’était 7878101/A. 7879102/A c’est pour Building Temples For New Gods, un titre instrumental donc forcément plus proche du Skull Defekts de Blood Spirits And Drums Are Singing, un titre avec guitares répétitives et batterie en mode plantage de clous dans la boite crânienne, le tout est lardé d’interventions électroniques sous-jacentes qui contrebalance parfaitement les tentatives chargées d’évidence de la deuxième guitare. Une passerelle serait on tenté de dire entre le psychédélisme robotique et froid de l’album précité et Waving. Un bon titre également.
Ce single est sorti chez Important records, est emballé dans le double carton très épais dont le label se sert habituellement pour la majorité de ses publications en vinyl et qui leur donne un aspect home made chaleureux. Waving/Building Temples For New Gods est limité à 300 exemplaires (mais est encore disponible à ce jour) et annonce la parution pour févier 2009 d’un long format, oui enfin un nouvel album de Skull Defekts qui s’intitulera The Temple. Les suédois quittent donc Conspiracy pour Important, un label qui leur va mieux au teint.
[A noter que Skull Defekts fait partie de la programmation 2008 du Sonic Protest, un festival qui propose également quelques groupes inratables tels que Brainbombs ou A.H. Kraken. Inutile de dire que malgré l’insistance de quelques connaissances fort aimables et très bien attentionnées je ne serai pas à Paris entre le 8 et le 14 décembre -FUCK et merci quand même]

lundi 24 novembre 2008

Pig Destroyer / Natasha























Déjà un nouvel album de Pig Destroyer. Natasha. Un artwork vraiment pas terrible, au rendu mollasson que ce soit sur la version vinyl ou sur le CD digipak, tous deux en édition limitée (combien ?). Et un seul titre surtout, avoisinant les trente huit minutes, un visage moins connu et moins évident de Pig Destroyer parait il. Attends un peu… Natasha ? ce morceau fleuve a été disponible une première fois sur un DVD bonus avec le version CD limitée de Terrifyer -je ne sais jamais s’il s’agit du deuxième ou troisième album du groupe. Un DVD parce que Natasha était originellement mixé en 5.1, la Rolls Royce du son pour les gens qui aiment avoir les oreilles propres et confondent gameboy et metal. Je n’ai jamais écouté ce DVD bonus pour la simple et bonne raison qu’à l’époque de la parution de Terrifyer (2004) je n’avais pas de lecteur adéquat, même sur l’ordinateur. Aussi cette pauvre Natasha est elle tombée dans l’oubli, abandonnée pour cause de technologie domestique insuffisante. C’est en procréant que je me suis aperçu de la nécessité absolue d’un tel équipement : il faut bien trouver quelque chose pour occuper les gosses le dimanche après midi pendant que papa et maman cuvent péniblement la semaine écoulée. Mais Natasha est quand même restée à pourrir sur son étagère, enfermée à l’étroit dans son cercueil de plastique de douze centimètres de côté. Quelle tristesse.
Pour une raison que j’ignore mais qui a peut être à voir avec la crise financière internationale, Relapse records a décidé de rééditer cet enregistrement, dans une version stéréo cela va de soit Après la relative déconvenue de l’album Phamtom Limb publié par Pig Destroyer l’année dernière, c’est avec une certaine curiosité que Natasha est enfin venue me caresser l’oreille interne dans le sens des poils. Et pour une fois le label n’a pas menti : cet enregistrement n’a rien de grind, il est lent, il est heavy, il est fastidieux parfois… Il raconte une histoire qui commence par ici : Been two lonesone years since she disappears et qui se termine pas là : I’m pulverized and devoured in the jaws of a girl seventeen. Entre les deux je n’ai rien compris si ce n’est que cela doit être terriblement horrible et triste mais c’est comme regarder Braindead en version originale non sous-titrée, pas besoin de tout comprendre exactement pour être mort de rire.
Sauf que l’on s’ennuie un peu à l’écoute du disque. Cela commence par un passage tellement ambient qu’il en est littéralement inaudible. Suit un riff qui évoque sans hésitations les Swans époque Cop et accompagné d’un chant mouliné au porte-voix, puis une touche tout ce qu’il y a de plus EyeHateGod/Buzzov-en and C° avec chant maléfique lorsque un fade out vient tout gâcher. Un autre passage ambient, des petites gouttes d’eau, de la guitare sombre et des claviers dignes de ceux de Fields Of The Nephilim et rebelote, du lourd mais cette fois ci un tantinet plus lyrique et cryptique, presque du Doom bon chic bon genre virant heureusement au sludge avec retour du chant maléfique, grrr. En guise de final, encore un truc atmosphérique (avec des oiseaux qui gazouillent ou des bruits de la mer je ne sais déjà plus). Donc, pas la moindre trace de grind -ce qui n’a rien de grave, même pour Pig Destroyer : le groupe a déjà prouvé, en particulier sur la face B de Prowler In The Yard, qu’il savait faire autre chose que dépecer des animaux vivants et transformer des êtres humains en potage instantané- mais si on compte bien on se rend compte qu’il ne se passe strictement rien pendant un bon tiers du disque. Facile dans ces conditions de prétendre avoir pondu un truc malsain à en perdre haleine. Reprends du sirop codeïné pour la gorge et calme ta joie. Dans exactement la même catégorie, Natasha ne saurait soutenir la comparaison avec le désormais incontournable Born Again d’Overmars qui est lui une indéniable réussite, alliant esprit imaginatif et totale oppression des sens dans un bouillonnement aussi pervers qu’extatique. En gros, tout ce qui manque à ce Natasha, disque anecdotique, plein de remplissages et beaucoup trop agréable.

dimanche 23 novembre 2008

Aidan Baker / Letters


















Vous pensez que la discographie de Nadja est déjà suffisamment fournie et difficilement appréhendable comme ça ? Que le duo enregistre, (ré)enregistre, produit beaucoup trop de disques pour pouvoir suivre, même de loin ? Et bien penchez vous un peu sur la discographie solo d’Aidan Baker et vous vous rendrez compte que celle de Nadja n’est que l’arbre qui cache la forêt. Alors qu’Alien8 vient de faire paraître un Fantasma Parastasie dont on pouvait légitimement penser qu’il allait être la dernière parution solo de Baker en date au moins pour quelques semaines consécutives -les plus fous osant même imaginer un mois complet- Basses Frequences lâche un gros morceau : Letters.
Après avoir réédité au mois de septembre dernier l’incontournable I Fall Into You, cet excellent label (né -faut il le rappeler ?- des cendres de Salvation records) continue de piocher dans les premiers travaux d’Aidan Baker, l’année 2001 pour être plus précis, et publie ce qui semble encore être une autre pièce maîtresse de la part du canadien. Edition uniquement en vinyl bien lourd (180 grammes ou rien) et limitée à 400 exemplaires. L’édition originale en CDr était due à Arcolepsy records, label maison sortant uniquement les travaux de Arc (groupe initial d’Aidan Baker) et autres productions solo.
Logiquement, Letters se divise en deux longues plages -The Letters Of Your Name Are Still A Scar Upon My Ears et I Flay My Skin Upon Which To Write These Letters To You- plages qui présentent à peu près les mêmes caractéristiques et le même cahier des charges. C’est ce que l’on appelle de nos jours du drone (?), celui-ci est élaboré à base de guitare, d’un peu de basse, de bidouille, de légères percussions et de voix. Aidan Baker n’est pas un grand chanteur, cela se saurait, ici il se contente de murmurer des mots inintelligibles avec autant d’entrain qu’un Droopy sous valium (la ressemblance entre les deux est flagrante je trouve), un murmure qui colle parfaitement avec le paysage sonore qui parallèlement se développe derrière. Il faudra bien qu’un jour je jette un œil sur un bouquin de Baker puisque celui-ci se définit également comme écrivain (il avait emmené deux de ses recueils de poèmes/textes lors de la récente tournée européenne de Nadja) mais j’avoue que cela me fait un peu peur -j’en ai des frissons rien qu’en repensant au caractère naïvement romantique donné aux titres des morceaux de Letters.
La face A est absolument magnifique, débutant donc par ce chant de larve lyophilisée bientôt repris par des cris de sirènes enfermées dans un caisson à oxygène -c’est le summum dramatique de ce titre- avant un final apaisant avec grattements de cymbales (jamais pu résister à un tel gimmick), ligne de basse fantomatique et nappes sonores enveloppantes puis légèrement grésillantes. On nage en pleine contemplation, une contemplation mise en pièce par un dernier sursaut sonique en fin de piste. La face B est peut être moins immédiate mais en fait est encore plus belle. Pourtant les ingrédients sont identiques, il y a juste l’ordre qui change mais les intentions sont bien les mêmes. En 2001, Aidan Baker savait déjà parfaitement comment laisser sa guitare partir en roue libre et donner naissance à ce magma sonore qui est désormais sa marque de fabrique -on remarque cependant les notes suraigues qui constellent le premier tiers instrumental de I Flay My Skin Upon Which To Write These Letters To You et qui donc le gâche un peu, le genre de visibilité que le canadien a depuis laisser tomber. La dernière partie de cette face B avec retour du chant en forme de bruissements de feuilles, nouvelles interventions des cymbales et passages de bandes à l’envers, rattrape les notes de guitares, chatouille l’intérieur du corps et frise le merveilleux. Letters est bien une réédition essentielle.

samedi 22 novembre 2008

Neptune vs Reality























Deuxième concert de la semaine -non, que l’on se rassure, je ne vais pas ressortir mon éternel couplet sur le mauvais père de famille qui abandonne une fois de plus progéniture et cogénitrice à leur quotidien morne et plat, le mien n’est pas mieux de quotidien et j’ai décidé une fois de plus d’aller à l’essentiel pour que cela s’améliore fugitivement, on verra demain pour le reste. Tu voix la couleur des flyers torchés par les gars du Sonic depuis la rentrée de septembre ? Ce truc couleur caca d’oie/vomi de chien végétarien/cervelle de zombi écrasée ? Je suis à peu près dans le même état, le glamour de la lose en plus.
Deuxième concert donc et pas des moindres avec Neptune, le trio art punk (chouette étiquette, non ?) qui nous revient après ce qui est il faut bien le dire son meilleur album -un album publié sur Radium/Table Of The Elements, mon label de snobs favori. Il y a une première partie aussi, bien évidemment, un objet sonore intitulé 202. Project et dont je n’ai jamais rien entendu. J’arrive donc à l’heure, je ne fais pas partie des hipsters qui traînent dans les bars ou devant la double glace de leur armoire Conforama pour arriver suffisamment en retard à un concert et ne voir que la tête d’affiche. Bordel, que je hais cette expression, tête d’affiche.
Une fois de plus, sans manger la grenouille, le Sonic ne va pas réellement faire le plein, c’est à la fois désespérant pour eux (il est de plus en plus question que ce lieu ferme définitivement ses portes dans quelques semaines, maximum quelques mois) et c’est désespérant pour un groupe comme Neptune, moins de personnes venues les voir que lors de la fois précédente alors que leur disque le plus récent est d’un tel niveau…























202. Project. Comme d’habitude j’ai eu tort. J’aurais mieux fait d’arriver en retard moi aussi et de me bourrer la gueule ailleurs dès le début de la soirée pour torde le cou à ce foutu principe de réalité. Mais reprenons depuis le début. Je débarque au Sonic, l’un des Neptune est en train d’essayer de dormir sur la banquette tandis que devant la scène 202. Project finit ses balances. J’apprends que le type en question (202. Project est un one man band) vient de St Etienne et qu’il a un temps participé à Tamagawa (mais il ne faut pas le dire trop fort, paraîtrait il que maintenant ils sont très très fâchés), ce qui se laisse deviner sur les quelques bribes de musique que j’entends alors. Un ordinateur portable, un clavier, une guitare, quelques boites à effet, un micro, le tout est posé sur une petite table, ce sera un concert assis. J’allais oublier le gyrophare qui entre en action dès le début du concert et qui me nique les yeux, ce même gyrophare dont s’était servi Tamagawa lors d’un concert au même endroit -je reconnais enfin notre homme que j’ai donc déjà vu jouer avec cet autre groupe dont il ne fait plus partie. 
Autant j’aime Tamagawa, autant 202. Project est ennuyeux. Gratouillis indigents à la guitare, chant de pleureur passe partout, boite à rythmes ultra cheap qui fait des boom-tchics horripilants et surtout des sons de synthés ignobles et baveux, des sons de synthés comme s’il en pleuvait (normal lorsque on est stéphanois me direz vous) mais moi je préfère la guitare, je suis venu pour entendre de la guitare, pas pour me taper un énième geignard qui se prend pour un génie. Je bouille d’indignation et je vais éteindre la rage qui me consume au bar où je retrouve quelques hipsters -qu’est ce que je disais- de ma connaissance qui viennent enfin d’arriver. Fin de (première) partie.
























Neptune ce sera carrément autre chose. Cela fait plaisir de retrouver le bordel insensé dont le groupe se sert pour sa musique : les fameuses guitares en metal, les générateurs de son bidouillés avec des interrupteurs électriques volés dans le vieil appartement de tes grands-parents, des pianos à pouces amplifiés, le seul instrument qui conserve une forme classique reste la batterie. Et encore.
Je garde finalement une idée assez floue du précédent passage de Neptune à Lyon : mes quelques souvenirs concernent un groupe très bruitiste et presque indus par moments, avec des guitares évidemment mais surtout avec un sens du fracas perpétuel. Le côté mélodieux et harmonique du groupe (celui qui se respire tellement fort sur disques) m’était un peu passé au dessus de la tête. Je doit être un garçon beaucoup trop facilement impressionnable. Ou peut être que je suis tout simplement un gros naïf. La candeur de l’amateur. 

Hormis un début de concert plein de percussions, de bidouillages de boites à boutons magiques et de piano à pouces traficoté, la prestation de Neptune a été résolument rock (oui) et noise (encore oui : dans le sens des premiers Sonic Youth mais avec un vrai sens mélodique) à l’image du dernier album, Gong Lake, qui rappelons le une fois de plus le comporte son lot de pépites et de hits incandescents.


















Ce qui m’a marqué également, c’est à quel point le batteur est droit. Et complètement fou. Ce qui n’est absolument pas incompatible. C’est une lapalissade que d’affirmer qu’un bon groupe de rock c’est d’abord un bon batteur (merde alors, on se croirait dans Guitare & Claviers) et celui de Neptune est l’épine dorsale du groupe sans aucun doute possible. Enlevez ce type et le trio ne sera qu’un pourvoyeur de chaos aux formes aléatoires -ce qui au passage ne signifie pas qu’il en deviendrait mauvais pour autant. La puissance de Neptune, son assise mélodique, tout cela est rendu possible grâce à lui, faut toujours se méfier des garçons un peu rondouillards, en général ils cachent bien leur jeu.
Je n’avais jamais fait attention non plus à quel point le chanteur/guitariste aux cheveux grisonnants (celui qui était allongé à mon arrivée) avait l’air triste lorsqu’il chante, presque ailleurs. En opposition complète avec l’autre guitariste/percussionniste/chanteur/bidouilleur qui lui s’agite comme un mongolien et qui rigole tout seul pour des raisons complètement inconnues de tous. C’est comme si on assistait à une représentation d’un spectacle de clowns -le blanc à gauche et le rouge à droite. 

Neptune en rajoute avec des titres ouvertement noise rock aux accroches presque irrésistibles, deux guitares en piqué et une batterie qui taille la route en défonçant systématiquement les bas-côtés. Le trio s’arrête, chacun décroche son instrument (ces foutus guitares en métal doivent peser des tonnes) mais devant les réclamations d’une partie du public, le clown rouge demande au homeboy du Sonic qui ce soir assure le son s’ils peuvent encore jouer deux autres titres. La réponse étant affirmative, Neptune lâche les gaz avec le titre le plus ouvertement rock -et speed- de la soirée, on croirait presque entendre une reprise d’un vieux truc obscur (peut être que oui, après tout). Le groupe retrouve un second souffle et ce sera la seule fois où le guitariste/clown blanc sortira de sa réserve tristounette et fera même une grimace indéchiffrable, comme rattrapé par une quelconque réalité. A moins qu’il n’ait justement réussi à lui échapper. Va savoir.

mercredi 19 novembre 2008

Gafferthon, troisième épisode : Lewis Karloff + Ahleuchatistas
























Honte sur moi. Après un premier épisode des plus convaincants, j’ai lâchement fait l’impasse sur la suite du Gafferthon (avec Sheik Anorak, Magic Barbecue et Ane & Bateaux), tout ça pour des histoires chiantes d’ordre professionnel et je me devais donc de me rattraper en ne ratant surtout pas l’affiche de ce 17 novembre : Lewis Karloff comme groupe maison et Ahleuchatistas, des fous furieux de Caroline du Nord dont on a déjà un peu parlé par ici. Pour être honnête la soirée de ce lundi comprend deux autres groupes, les lyonnais de 12XU et les américains de Des Ark (également de Caroline du Nord). L’explication de cette affiche hétéroclite est très simple, c’est l’éternelle histoire de deux concerts qui tombent le même soir et de deux organisateurs pas cons qui se mettent d’accord pour n’en proposer qu’un seul.
Toujours pour être honnête (c’est déjà la deuxième fois mais promis juré craché ce sera la dernière pour aujourd’hui) mon cœur bondit de joie dans ma maigre poitrine comprimée par un hiver déjà rigoureux lorsque à l’entrée je lis ce bout de papier griffonné qui précise l’ordre des groupes à venir : Lewis Karloff, Ahleuchatistas, 12XU et enfin Des Ark. Ma décision est immédiatement prise, je me casserai au milieu de la soirée puisque les deux groupes que je suis venu voir ont le bon goût de jouer en premier, tant pis pour 12XU dont je ne suis pas client et surtout pour Des Ark que je n’aime pas non plus mais que j’aurais bien aimé goûter en concert. La flemme et la fatigue d’un gros lundi ont fait le reste. Je me mets en mode automatique gros connard.
Avant le concert je jette un coup d’œil sur les distros qui s’étalent au fond de la salle et je fais bien puisque j’y trouve un excellent disque à un prix défiant toute concurrence (comment ils déjà les bouffeurs de shitburgers ? Thanks bro !), un disque que j’embarque ni une ni deux, vive le consumérisme.



















La première fois que Franck Gaffer m’a parlé de ce nouveau projet nommé Lewis Karloff il m’avait dit : j’ai un autre groupe avec deux types qui eux savent vraiment jouer, c’est pas tous les jours facile. Le monospace de Lewis Karloff indique lui de manière très réductrice des appellations telles que jazz et progressif ce qui pour un trio guitare/basse/batterie me fait logiquement froid dans le dos -je suis toujours en mode gros connard. 
Premier titre interprété et premières inquiétudes : le bassiste se lance dans une rythmique funky (mais alors là funky pour de vrai) avec des slaps (cette joyeuse technique que je déteste par-dessus tout, à de très rares exceptions près) et est secondé dans cette sombre besogne par un batteur qui fait des trucs impairs sans jamais avoir l’air de compter et ce avec une décontraction impressionnante. Effectivement il y a des musiciens dans la salle. Je m’apprête déjà et en toute mauvaise foi à soupirer d’ennui lorsque je prête enfin attention à la guitare, une guitare avec un son à la fois aigrelet et tranchant, un son comme je les aime. Le contraste entre la rythmique aux circonvolutions ultra carrées et la guitare qui ferraille sévère est la principale qualité de Lewis Karloff, j’y trouve quelques similitude avec le trio d’Arto Lindsay (pas DNA, l’autre, celui qui a enregistré le monstrueux Aggregates 1-26 pour le label Knitting Factory Works avec justement une rythmique on ne peut plus souple -Melvin Gibbs à la basse et Dougie Bowne à la batterie).
















Plus le concert avance et plus le moteur du trio semble tout simplement être la symbiose, cette spécialité végétale avec un champignon et une algue qui profitent l’un de l’autre dans une entente parfaite pour donner du lichen. Voilà pour la métaphore biologique. Les trois Lewis Karloff ne se contentent pas d’être complémentaires, ils se déteignent dessus : la guitare ose l’alambiqué tandis que la rythmique caresse le fantasme grind sans jamais oser rentrer complètement dedans. La musique du groupe varie donc d’un Guapo sans prétention à un Flying Luttenbachers jazzy et ce avec une bonne dose de funk. Dès qu’un détail me choque les oreilles, un autre vient le contrebalancer. L’adhésion est totale sur le dernier titre interprété et drivé par une ligne de basse sourde et disco (oui c’est facile mais lorsque c’est si bien fait on ne peut pas s’empêcher de remuer les fesses en souriant bêtement), un titre radicalement jouissif qui s’achève sur un beau bordel de n’importe quoi. On applaudit bien fort Lewis Karloff dont les membres semblent un peu surpris par tant d’enthousiasme, et oui les gars, encore bravo. 



















Place à Ahleuchatistas. Pendant longtemps j’ai eu du mal à avoir la confirmation ou non de la bonne tenue de ce concert. L’une des éminences de Grrrnd Zero avait même écarquillé les yeux lorsque je lui avais parlé du groupe -Atchoum Vasistas ? nan je connais pas. Pourtant sur internet le groupe continuait d’annoncer une date lyonnaise pour le 17 novembre, à confirmer. C’est énervant quand même. Ahleuchatistas est également un trio, avec une discographie déjà bien fournie (quatre albums en cinq années c’est vraiment pas mal), et surtout un nouveau batteur depuis cet été. Celui-ci va jouer sur la batterie de Lewis karloff mais il met un temps impensable à la régler à son goût, que je te monte une cymbale par ici, que je te déplace un tom par là, que te dérègle ce que je viens juste de régler et puis que je recommence tout à zéro. Le guitariste et le bassiste du groupe le regarde d’abord d’un air amusé avant que monsieur Gaffer n’intervienne pour expliquer que l’heure tourne et qu’il y a encore deux autres groupes après eux. Tout le monde est enfin en place, ce nouveau batteur (qui joue en chaussettes) ne va pas tarder à démontrer qu’il sait ce qu’il fait -le seul indice tangible de sa présence récente dans le groupe sera lorsque le bassiste lui chantonnera des lalala lala pour lui indiquer le titre suivant à jouer : le trio a énormément de morceaux à son actif, des titres tout compliqués avec plein de chausse-trappes et de tiroirs à double fond, en avoir mémoriser l’essentiel a du être une sacré tache pour le nouveau venu.
















Ça ne rigole pas avec Ahleuchatistas. Ou plus exactement on dépasse tellement les bornes question technique, maîtrise de l’instrument, empilement de breaks improbables, riffs qui déchirent, basse qui bulldoze avec élégance, batterie qui mitraille, que l’on est rapidement au-delà de toute démonstration, de toute notion de fun clinquant, de tout piédestal regarde moi comme je suis beau quand je joue. Le groupe n’a pas besoin de plus d’un titre pour être à l’aise (juste une dernier réglage de la part du batteur, décidément). Ça joue vite et fort, ça joue très bien et surtout ça joue punk. Cette incroyable sensation lorsque on écoute les disques et qui fait dire qu’ Ahleuchatistas est un groupe d’extra-terrestres, un groupe hors catégorie en matière de rock instrumental qui réussit à allier urgence et architecture soignée de sa musique, cette sensation ressort encore avec plus d’éclat en concert.
Le guitariste tente la pointe d’humour en affirmant que puisqu’ils n’ont pas beaucoup de temps pour jour ce soir ils vont faire un maximum de morceaux, très vite. La suite lui donne évidemment raison, le groupe se donne à peine le temps de souffler entre chaque titre, juste ce qu’il faut pour décider de ce qui va être jouer dans la foulée -et donc le fameux lalala lala. Le plus impressionnant des trois est le bassiste, avec ses doigts énormes, un touché puissant et précis, un bûcheron doté de l’élasticité d’un poulpe, arrivant à conjuguer un groove certain avec un débit de notes ahurissant. Je deviens définitivement fan de groupe et après le concert je me dirige vers son stand de marchandising histoire de marquer le coup avec une nouvelle poussée de fièvre consumériste : je ne peux pas acheter un des disques puisque je les ai tous (au passage Ahleuchatistas les vendaient quinze euros, c’est pas donné) et je renonce au t-shirt parce qu’ils sont moches, alors tant pis. Comme prévu je renonce sans aucun remord également aux deux derniers groupes de la soirée, ce sera peut être pour une autre fois. 


 [prochain et dernier rendez-vous de ce Gafferthon 2008 : ce sera le 27 novembre au Rail Théâtre avec Lightning Bolt, Chewbacca et SoCRaTeS, yummy! ]

lundi 17 novembre 2008

ARC / Arkhangelsk























A force de lire des présentations d’Aidan Baker/Nadja précisant systématiquement que notre homme était (est toujours) membre d’un groupe portant le nom de ARC, il a bien fallu que j’aille écouter cela de plus près. ARC a publié des enregistrements dès le début des années 2000 avec toutefois nettement moins de frénésie que Baker en solo ou que Nadja. La plupart de ces disques ont paru sur Arcolepsy (le jeu de mot n’a échappé à personne, si ?), label d’Aidan Baker, les autres étaient disponibles généralement en CDr sur des labels tous plus obscurs les uns que les autres -en d’autres termes : choper un de ces enregistrements autrement qu’en format mp3 relève de l’impossible. Fort heureusement, ARC a publié un nouvel album en 2008 via le label tchèque Epidemie records : Arkhangelsk.
Le groupe est un trio, composé de Baker à la guitare et aux sons d’origines diverses et parfois inconnues ainsi que de deux batteurs/percussionnistes, Christopher Kukiel et Richard Baker (le frère du premier). Le fait que l’un des deux percussionnistes soit un joueur émérite de djembé ne joue pas en la faveur du groupe, tout comme certaines de ses influences musicales revendiquées : ARC aime citer Pink Floyd, ce groupe psychédélique anglais des années 60 qui s’est peu à peu transformé en grosse bouse progressive et stadière en même temps que son premier chanteur/guitariste sombrait dans la folie, mais passons.
Arkhangelsk
se divise en quatre partie dépassant toutes le quart d’heure et enregistrées en deux sessions distinctes ce qui ne s’entend pas du tout à l’écoute du disque. On a même l’impression qu’il s’agit d’une unique séance improvisée et coupée en quatre. Il parait que non, qu’il y a eu un travail de post production machin. Musicalement on oscille entre passages atmosphériques menés par des sons de synthés (?) pas toujours très heureux -le début du disque est un peu difficile à supporter, sa fin également- puis rapidement supplantés par une guitare facilement identifiable en tant que telle (lorsque Baker se décide à jouer de vraies notes, il devient vite exécrable, jouant d’un son outrageusement acide) et des passages ou les rythmiques tribales prédominent. Arkhangelsk fait ainsi quelques allez et retours, ou si on préfère des montagnes russes, devenant assez prévisible mais réussissant à plusieurs endroits à capter l’attention en lorgnant vers un kraut rock au psychédélisme ventru.
C’est tout de même nettement moins passionnant que la totalité des enregistrements de Nadja multipliés par ceux d’Aidan Baker en solo et le tout à la racine carrée (cela s’appelle une moyenne géométrique, faut pas chercher) mais ARC pose un grand mystère : comment le canadien a-t-il eu l’idée de son groupe de metal shoegaze en jouant une musique aussi différemment marquée et si éloignée ? ARC n’est pas l’origine du monde de Nadja pas plus qu’il en est la tour de Babel -Arkhangelsk a l’expérimentation ampoulée et redondante, des fois il vaut mieux ne pas se poser la question du comment du pourquoi du parce que de la poule et de l’œuf.

dimanche 16 novembre 2008

Aidan Baker & Tim Hecker / Fantasma Parastasie






















Lorsqu’on commande directement au label Fantasma Parastasie, le nouveau disque (jusqu’à quand ?) qu’a publié Aidan Baker cette fois ci en compagnie de Tim Hecker, Alien8 vous propose en même temps et pour le même prix l’album entier en mp3, album par ailleurs écoutable intégralement en streaming sur le net. Sur le moment j’ai trouvé que c’était une très bonne idée, avant de frémir : demain sera le jour où les labels ne proposeront plus que des fichiers compressés, l’objet disque aura disparu, peut être restera t-il quelques rares éditions en tirage limité (Fantasma Parastasie est déjà restreint au niveau de cinq cents exemplaires en CD, deux cents pour le LP, ce qui ne semble vraiment pas beaucoup pour un disque réunissant Hecker et Baker). Se taper à l’avenir uniquement des mp3, cela n’est pas une perspective très réjouissante. Il faut faire l’effort d’écoutez la différence.
Voilà pour la petite note technico-nostalgique et ringarde. Pour le reste, Aidan Baker prouve une nouvelle fois que ce n’est pas demain que sa proverbiale prolixité sera démentie. Il s’est fait aider pour l’occasion par Tim Hecker, icône de la musique électronique agréablement expérimentale et dont la discographie que ce soit sous son propre nom ou sous l’appellation contrôlée de Jetone (version techno minimale) est bien fournie -labels incriminés : Mille Plateaux, Alien8, Force Inc., Staalplaat, etc. A moins que ce ne soit l’inverse : rien ne dit qu’en fait ce n’est pas Hecker qui n’est pas allé chercher Baker pour l’emmener dans son studio à Montréal et se rouler ensemble sous la table de mixage. Rien ne dit non plus que ces deux là n’ont pas vraiment rigoler en composant, produisant, fabriquant ce Fantasma Parastasie brumeux et ténébreux, ils ont peut être d’autres points communs avec Heckel et Jeckel que celui de faire de la musique de corbeaux pour apprentis fantômes neurasthéniques.
Les fans d’Aidan Baker comme ceux de Tim Hecker ne seront pas déçus par ce disque (si ce n’est par sa durée limitée : trente-cinq petites minutes !) qui fait une bonne synthèse des travaux personnels des deux musiciens. D’un côté des nappes de guitare remixées avec une machine à glace, de l’autre des atmosphères ambient et atmosphériques un brin majestueuses voire cérémonieuses mais sobres. Le résultat de cette association dont on peut légitimement s’étonner qu’elle n’ait pas eu lieu avant c’est un énième disque contemplatif, à la poésie mortuaire et à l’univers recroquevillé et fœtal. Pour faire la fête ou célébrer le mariage de la petite sœur il faudra repasser mais pour regarder les cadavres des mouches prisonniers des toiles d’araignées suspendues au plafond c’est plus que parfait. Merci Alien8.

samedi 15 novembre 2008

Aidan Baker & Jakob Thiesen / A Bout De Souffle


Aidan Baker passe sa vie à jouer de la musique. Pire : il passe également sa vie à enregistrer. Pas un mois sans qu’un nouveau disque de lui ne soit publié, sous son nom ou sous l’appellation de son groupe Nadja. Cela ressemble presque à une hygiène de vie, un mode de fonctionnement indissociable d’une nécessité à la fois consentie, acceptée mais dont j’aime à penser qu’elle est également désordonnée et spontanée. Sinon où serait le plaisir ? Dans son numéro 76 du mois de juin 2008, Revue Et Corrigée avait publié ce dossier intitulé Pourquoi Faites Vous Des Disques ? Cette question a été posée à de multiples musiciens et autres acteurs de la vie musicale dite expérimentale (beaucoup de gens de la sphère des musiques improvisées). Dans la liste il n’y a pas Aidan Baker mais il y a cette réponse d’Otomo Yoshihide, une réponse que j’aime beaucoup :
 

Si je continue à faire des disques, c’est sans doute par besoin, semblable à celui consistant à devoir manger quotidiennement, quoique je ne sois pas certain du bien fondé d’une telle similitude puisque, bien sûr, je ne réfléchis pas vraiment au fait de manger.
Si qui m’est par contre essentiel est que le fait d’enregistrer n’a rien à voir avec celui de vouloir documenter quelque chose ayant eu lieu, non pas du tout, c’est l’enregistrement en soi qui m’intéresse
[page 26]. 















Le très soigné label allemand Waterscape a publié A Bout De Souffle, une collaboration entre Aidan Baker et le batteur Jakob Thiesen. Jakob Thiesen c’est ce batteur qui a participé à l’enregistrement de l’album Desire In Uneasiness de Nadja (une première pour le groupe !) et publié au printemps par Crucial Blast. A Bout De Souffle semble avoir été conçu lors de plusieurs occasions, tout au long de l’année 2007, c’est Thiesen lui-même qui s’est chargé de l’enregistrement puisque le bonhomme a plus d’une corde à son arc, bidouilleur de sons et bricoleur de fréquences pour faire vite. Sur A Bout De Souffle il est sobrement crédité dans la rubrique drumkit, percussions and processing et je ne doute pas un seul instant qu’il est pour beaucoup dans la forme et le son inhabituels -inhabituels de la part d’Aidan Baker en tout cas- de ce disque.
Ici, pas de longues plages à évolution lente façon tectonique des plaques et dérives des continents, pas de longs drones qui tournent au fracas industriel, pas de rythmiques lourdes et dépressives, pas d’ensevelissement des sens sous une épaisse couche de neige carbonique. A Bout De Souffle relève de l’improvisation au long court, d’un long voyage à en perdre haleine (haha) mais les influences éventuelles et surtout les tournures de la musique proposée tiennent surtout d’un certain psychédélisme et d’un hypnotisme marqué par le krautrock… un disque nettement moins urbain que d’habitude donc, moins viscéral et étonnamment tripant. Quelques saletés numériques viennent de ci de là saloper un peu l’ensemble histoire de bien rappeler à qui on a réellement affaire mais c’est entendu : A Bout De Souffle a le goût des champignons hallucinogènes, ceux que l’on trouve sur les bouses de vaches au début de l’automne. Le seul (très gros) problème de ce CDr édité à 150 exemplaires c’est qu’il a été gravé n’importe comment : il y a des blancs de quelques secondes entre chaque titre alors que tout est censé s’enchaîner, le voyage est donc régulièrement et brutalement interrompu, c’est vraiment dommage et frustrant.

vendredi 14 novembre 2008

Aidan Baker / Scalpel


















Scalpel, petit disque d’Aidan Baker édité à cinq cents exemplaires numérotés par The Kora records ne ressemble à aucun autre des enregistrements du canadien : il s’agit d’un disque de chansons sur lequel le musicien s’accompagne tout simplement à la guitare -comprenez par là qu’il fait des notes, qu’il n’y a pas le moindre drone à l’horizon. Un peu de cordes de temps à autres, de la bidouille très légère et une voix éteinte qui susurre des mots que je ne comprends pas (et il n’y a pas les paroles dans le livret puisque de toutes façons il n’y a pas de livret). Un disque dont la seule raison de vivre est de faire un vol plané sans parachute dans le vide-ordures de l’immeuble. Une horreur, la nouvelle chanson française (c'est-à-dire guitare sèche, voix d’asthmatique prétentieux et textes nombrilistes et édifiants) mais dans une version réfrigérée, sans anglicisme à la Gainsbourg -et pour cause- mais avec des cristaux de glace en guise de ponctuation et de souffle court.
Le premier titre, K, est un instrumental qui laisse entrevoir le pire, autrement dit un vide intersidéral en matière de musique : David Grubbs faisant une reprise de Labradford avec Rachel’s en guest. Quelques grésillements plus tard et ça repart, Aidan Baker donne enfin de la voix, murmure improbable dont je ne le pensais pas capable. Il ne manque que le crépitement d’un faux feu de cheminée anglais (des flammes électriques dans un cadre de pierres en plastique, je m’en souviendrai toute ma vie). Ça, c’était le morceau titre, Scalpel. Le reste est à l’avenant avec comme point d’orgue Drawn Like A Moth, Slip Like A Snail, morceau le plus dynamique de l’album et dont la principale mélodie est complètement pompée sur une vielle chanson de Leonard Cohen période Songs Of Love And Hate (c’est dire le dynamisme), la noirceur lyrique en moins et dont je ne veux pas me rappeler du titre.
S’il fallait trouver un intérêt quelconque à ce disque il serait purement domestique : Scalpel a des vertus apaisantes sur les enfants surexcités et/ou malades -testé et approuvé sur un petit modèle un soir de fièvre aigue et galopante. Merci Aidan pour cette nuit passée dans la quiétude d’une sérénité familiale enfin retrouvée.

jeudi 13 novembre 2008

La maréchaussée pour S'étant Chaussée























Dans cette longue suite de procès autour de l’affichage libre à Lyon, c’est maintenant le tour de Stéphane et de son association S'étant chaussée -encore un activiste très dangereux, vous pensez bien. Pour le soutenir, rendez-vous comme d’habitude au palais de justice à partir de 8h30 (l’audience proprement dite commence à 9h00).

mercredi 12 novembre 2008

Agathe Max / This Silver String






















D’abord annoncé pour le mois de juillet 2008, Table Of The Elements a publié This Silver String en octobre. Un CD tout sobre avec un joufflu décoratif en guise d’illustration et le nom de l’artiste : Agathe Max. En y repensant, c’est assez incroyable qu’un label aussi prestigieux et abritant des musiciens aussi essentiels que Tony Conrad, John Fahey, Rhys Chatham, Oren Ambarchi, San Agustin, Eliane Radigues, Neptune, Zeena Parkins, Arnold Dreyblatt, Faust, Keiji Haino, Pauline Oliveros, ou Gate (j’arrête là l’énumération sinon cela va devenir fatigant) accueille à son tour la jeune musicienne. C’est à l’une des nombreuses signatures prestigieuses du label, Jonathan Kane -premier batteur des Swans, il a joué avec le gang new-yorkais jusqu’à l’album Filth mais a également été batteur pour Chatham ou La Monte Young avant de se lancer dans une carrière de bluesman grassy et minimaliste- que l’on doit les quelques mots imprimés sur l’autocollant apposé sur le disque par Table Of The Elements, pratique à l’usage de celles et ceux qui aiment acheter leurs disques sur la seule foi d’un nom de label et/ou d’une recommandation de la part de quelqu’un de déjà connu. Il est écrit : Agathe Max delivers a drone to keep the earth turning on its axis, with a keen and romantic sense of swing. Everything you need to have a good time. C’est bien gentil tout ça mais aussi terriblement impersonnel. Cela veut dire quoi passer un bon moment en écoutant un disque ? Jonathan je crois que tu ne t’es pas trop foulé sur ce coup là.
On jette l’autocollant à la poubelle en même temps que le blister. Et on écoute ce disque qui devient très rapidement addictif. Le descriptif technique de la musique d’Agathe Max est étonnamment simple : un violon, des boucles, du delay et de la distorsion. Le résultat est autrement plus sophistiqué et surtout il est captivant de bout en bout. J’ai d’abord été surpris par la richesse mélodique (sur le morceau titre, This Silver String, mais également sur le dernier, Black Needle, et finalement à force d’écoutes sur l’ensemble du disque, qui n’en finit pas de dévoiler ses secrets) parce qu’en concert j’ai toujours eu l’impression qu’Agathe Max jouait davantage sur les chocs, les stridences, les confrontations de boucles pas réellement mélodiques, que son travail était davantage axé sur la dualité répétitions/cassures, souvent proche du tremblement de terre avec toujours un côté poignant -sûrement l’effet violon, l’un des rares instruments avec le violoncelle ou le saxophone ténor qui bien joués peuvent instantanément me donner envie de chialer de bonheur. Le côté poignant. C’est celui là qui ressort en premier de cet enregistrement studio qui met en avant toutes les qualités harmoniques de la musique d’Agathe Max, son inclinaison à accompagner l’auditeur vers quelques rêveries secrètes.
On l’aura compris, ce disque est d’une beauté indescriptible, mystérieuse en ce sens qu’elle touche sans crier gare, au fur et à mesure, sans être systématique bien qu’attendue. Les titres s’étirent, pourraient donner l’impression qu’ils vont s’éteindre telle une bougie en fin de vie, mais se relancent d’eux même, fragile équilibre mélodique et répétitif où les stridences du violon s’habillent d’une grâce infinie. En écoutant This Silver Sting, on passe beaucoup plus qu’un bon moment.

mardi 11 novembre 2008

Le sourire niais de l'éternel gamin
























Après un bon dimanche passé à ne rien faire du tout dans un état d’insouciance proche de l’ivresse apéritive, il est grand temps pour moi de me déplacer jusqu’au Sonic pour le concert du mois à ne rater sous aucun prétexte -ce n’est pas moi qui le dit, comme le prouve cette assertion lue sur Awesome Board : Ostrobotnie et Sonic présentent le groupe le plus hype du moment pour nous et quelques potes. Tu l’as dit mon gars. Mais on connaît la chanson : lorsque on en attend trop d’un groupe il y a 90 % de chances d’être déçu et lorsque en plus le groupe tant désiré n’est autre que Nadja, groupe qui je dois bien l’avouer et ce malgré tout l’amour que je porte pour lui, a une réputation désastreuse en concert (confère celui de la veille à Metz, une ville de losers qui n’en demandait pas tant pour s’enfoncer un peu plus dans le marasme), on frise les 99.9 % de chances de se faire moins chier en choisissant plutôt de rester chez soi pour regarder une énième fois Cyd Charisse draguer une armada de boxeurs en rut en chantant Baby You Knock Me Out (qu’est ce que ça peut être kitsch quand même).
J’appuie tellement fort sur les pédales de mon vélo que je bats mon record personnel du kilomètre lancé et ce à tel point qu’à peine arrivé l’un des tauliers du Sonic me lance un tu es bien en avance que je devine légèrement moqueur. Je rougis quelque peu de m’être fait ainsi démasqué avec autant de facilité.

























A l’intérieur, le premier groupe en est encore à faire ses balances. Sur le fly du concert on pouvait lire un mystérieux guest mais rien n’avait encore été confirmé jusqu’ici. Le groupe en question est une nouvelle zozzalerie (après la séparation de Llorah) qui, renseignements pris auprès du batteur, s’appelle Carne. Il s’agit donc d’un duo guitare/batterie. Pierre zozzal -également organisateur du concert- à la guitare et un beau gosse élancé mais athlétique à la batterie, du genre que je soupçonne à la grande différence de son collègue guitariste d’aller au moins tous les quinze jours chez le coiffeur. C’est leur première apparition en public avec tout ce que cela peut comporter dans ces cas là d’approximations, d’hésitations, de manquements, de regards interrogateurs. Le duo s’en sort plutôt bien, quelques bons passages surnagent, le guitariste qui la plupart du temps a joué accroupi se lève et en profite pour faire un lâché de dreds dont il a le secret, ce qui rend toujours un concert avantageusement spectaculaire.
En fin de soirée il me sera expliqué que Carne n’a pas encore beaucoup de morceaux réellement prêts, que le groupe encore tout jeune a donc préféré emprunter pour ce soir le chemin difficile de l’improvisation -ce qu’il fait régulièrement lors de ses répétitions pour s’échauffer, comme la plupart des groupes j’imagine- afin d’assurer cette première partie. Rendez vous est donc pris pour un prochain et véritable concert je l’espère, car malgré quelques problèmes techniques (une prise électrique défaillante, c’est con), les sons tirées de la guitare étaient plutôt alléchants.


















Il y avait sans doute une raison à l’adjonction de Carne au programme de la soirée -déjà le fait que Nadja voyage les mains dans les poches, sans amplis ni rien- mais surtout le deuxième groupe, Picastro, souhaitant bénéficier d’une batterie. En langage technique cela s’appelle l’exploitation éhontée des petits groupes locaux et de leur matériel providentiel. Picastro est comme Nadja un groupe de Toronto, les deux tournent ensemble en Europe et d’ailleurs Aidan Baker assure l’habillage et les textures sonores de la musique de cette formation amie lors de leur voyage commun en Europe.
Mauvais signe
, la chanteuse/guitariste est assise sur une chaise. Le batteur est ridiculement absent et monsieur Baker rend service sans avoir l’air de trop y croire. Les chansons vaguement tristounettes de Picastro ne m’intéressent pas, la voix de la chanteuse est aussi palpable et étoffé qu’une motion de politique générale défendue à un congrès du parti socialiste français, c’est d’une platitude larvesque que ne démentiraient pas toutes celles et ceux qui pensent que le mot folk désigne une attitude artistiquement amorphe et résolument larmoyante. Je fuis le devant de la scène pour me réfugier en bonne compagnie du côté du bar avec quelques vieux camarades qui ce n’est sûrement pas un hasard pensent exactement la même chose que moi. Nous votons à l’unanimité (plus une voix) notre motion à nous, la démocratie participative ce n’est pourtant pas si compliqué que ça : bière pour tout le monde.
























On enlève la batterie, on déplace la table sur laquelle Aidan Baker a installé tout son attirail à son, on débranche des trucs par là, on en rebranche par ici : Nadja est prêt à jouer. Le premier titre est complètement catastrophique, sorte de pop song noisy dans les chaussettes, du sous My Bloody Valentine pour gogolgoths. Le son ressemble a pas grand chose si ce n’est à une immense déception, le chant est insignifiant, les mélodies nulles et l’enrobage consternant. Un début de set qui fait vraiment peur mais qui heureusement ne dure pas longtemps. Une petite mise en jambe ?
Aidan Baker annonce alors un titre beaucoup plus long avec un petit sourire en coin et le duo se lance dans un lent tourbillon de guitares au ralenti soutenues par des lignes de basse qui flirtent avec des infrasons à vous faire ressentir dans le ventre de drôles de soubresauts -je ne peux alors pas m’empêcher de penser au gros Tad dont la légende voulait qu’il avait trouvé le moyen avec sa guitare de reproduire la fréquence qui donnait instantanément aux gens du public l’envie de se chier dessus mais devant l’incongruité d’une telle image scatologique et dégueulasse je reprends vite mes esprits : Nadja est la majesté même, impossible de comparer ce brouillard d’émotions à la géniale ordurerie du groupe de Seattle.


















 Tandis que ces basses continuent de prendre littéralement par les tripes, la guitare évolue dans un registre aérien et sibyllin -Aidan Baker donne souvent l’impression ne de faire qu’effleurer sa guitare du bout des doigts- avec une boite à rythmes lente et lourde en arrière plan. Le morceau joué par Nadja (qui ce soir semble vouloir négliger le côté le plus metal de sa musique) s’élève dans des développements quasiment infinis. La musique de Nadja devient paradoxalement complètement immatérielle et terriblement prenante. Les deux membres du groupe ne bougent pas ou presque, restent d’une impassibilité mystérieuse et reposante -Leah Buckareff passant même l’intégralité du concert de dos. Très étrange contraste que celui d’une musique zen mais violemment massive comme interprétée par dans le cadre d’un théâtre d’effigies sans que l’on puisse apercevoir le moindre indice reliant aussi bien fin et moyen que sujet et objet.
Alors que, sitôt leur prestation terminée, les deux Nadja commencent à ranger promptement leurs instruments dans leurs housses respectives, le public en réclame encore. Aidan Baker demande poliment aux organisateurs s’ils ont encore le temps pour un autre titre et Nadja se lance dans l’interprétation de Long Dark Twenties -une version incroyable, rallongée par rapport à celle gravée sur le single, alourdi également, lui donnant une profondeur et une force toute nouvelles. Un vrai rêve. Cette fois ci le concert est réellement terminé et personne ne songe à en redemander. Je dois avoir mon air niais des grands jours parce qu’en quittant la salle je croise un jeune moqueur qui me demande d’effacer ce sourire béat de mon visage -je ne peux que lui répondre que je ne suis qu’un éternel gamin et que ce genre de concert n’est pas fait pour arranger les choses.

dimanche 9 novembre 2008

Nadja / Trembled





















Le Nadja du mois est un disque live, Trembled, publié par Utech records mais étant en réalité une réédition d’un CDr datant de 2006 (décidément…) et augmenté de deux titres enregistrés eux en juin 2008. Il s’agit donc -du moins partiellement- d’un témoignage récent du niveau de maturation actuelle de la musique de Nadja. Quant au terme live, il faut tout de même relativiser, la première session a été enregistrée lors d’un concert privée du groupe chez lui à Toronto en 2006 (c’est que les hivers sont rudes au Canada et qu’il faut bien trouver de quoi s’occuper entre amis pour se réchauffer un peu) alors que pour la seconde on peine également à déceler la présence d’un éventuel public -pourtant il est bien écrit : recorded by Scott Slimm at Johnny Brenda’s, Philadelphia, june 2008 (Scott Slimm est le proprio de l’excellent label Archive records, une interview en anglais du bonhomme ici). La pochette du disque n’est a priori par très avenante, à moins que l’on soit un gros fan de James Cameron, d’Abyss et des extra-terrestres aquatiques, une illustration réalisée par Justin Bartlett.
Après un premier titre tonitruant et bien heavy (Breakpoint) la grosse curiosité de Trembled consiste en une reprise des Swans, No Cure For The Lonely, le titre clôturant l’album Love Of Life de 1992 du groupe de Michael Gira, oui c’est ça, le disque sur la pochette duquel on peut voir deux petits lapins duettistes, la tête en train de cramer. Ce n’est pas mon album préféré des Swans, ni ma période préférée du groupe non plus d’ailleurs (tant qu’à faire autant se jeter sur The Great Annihilator de 1995) et autant dire tout de suite que cette reprise de No Cure For The Lonely ne dépasse pas le stade de l’anecdotique, une version honnête mais c’est tout. Le disque décolle après, lors des deux derniers titres de la session 2006, deux titres en forme de déambulation atmosphérique dont un Tremble qui élabore une sorte d’ascension à reculons -la tension qui monte imperceptiblement alors que le rythme ne change pas, que les textures s’épaississent à peine et qu’il semble ne rien y avoir au bout du chemin, à peine un final qui part en s’étiolant.
La deuxième session, celle de 2008, propose donc deux titres très récents, Stays Demons et une nouvelle version de Tremble. Bien qu’ayant enregistré en studio avec un batteur Nadja reste un duo (et un couple). Aidan Baker et Leah Buckareff à la maison je ne sais pas ce que cela donne, d’ailleurs je ne veux pas le savoir, mais sur une scène cela sent la symbiose à plein nez. Sur Stays Demons on peut juste regretter cette guitare pour une fois un peu trop lisible -c’est quoi ces notes que tu nous fais Aidan ? tu as écouté Van Halen avant de jouer ?- mais la seconde interprétation de Tremble rattrape cette mauvaise impression -une version plus courte, plus ramassée mais tout aussi inquiétante.

[Et rappelons que Nadja est en concert ce soir au Sonic de Lyon en compagnie de Picastro. Autre date française : le Molodoï de Strasbourg le 16 novembre.]

samedi 8 novembre 2008

Chaos épileptique



















Mon sang n’a fait qu’un tour lorsque j’ai appris qu’A Place To Bury Strangers allait donner un concert dans cette ville car, malgré quelques réticences, il faut bien admettre que sur la saison 2007/2008 le premier album des new-yorkais a défoncé la tronche de tous les prétendants au titre de nouveau groupe ultime de la bronchouillardise cool attitude même qu’il faut absolument tout de suite maintenant aimer sinon après ce sera trop tard. La surprise c’est qu’A Place To Bury Strangers est même censé jouer une deuxième fois pendant ce mois de novembre. Malheureusement, dans les deux cas, le groupe n’est qu’en support band d’une tête d’affiche. En résumé : un concert le 6 novembre avec un affreux groupe de post rockeux/folkeux canadiens qui chantent autour d’un feu de joie des complaintes hippies (un groupe dont pour rien au monde je ne souhaiterais citer le nom ici) et un concert le 25 -dont la rumeur voudrait qu’il ait finalement été annulé alors qu’en fait il est juste complet- avec un autre groupe d’attardés qui a remporté cette année la palme de la pochette de disque qui donne irrépressiblement envie de se pisser dessus (et dont je ne souhaite pas parler non plus). Des deux options, c’est sans hésiter que j’ai choisi la première, ne serait ce que parce que le concert se déroule au C.C.O. mais surtout parce que mes chéris de One Second Riot sont également de la partie. Un concert organisé dans les règles avec videurs, billetterie, mise à l’écart en extérieur et derrière des barrières de sécurité des fumeurs qui ne peuvent pas s’empêcher de se suicider, un concert à 17 euros la place -prix que je n’ai pas payé (j’aime bien faire mon malin), encore merci pour l’invitation.
J’entre donc dans la salle, récupère mon billet exonéré, un truc tout informatisé qui fait regretter les bonnes vieilles billetteries imprimées à l’ancienne, ce machin ressemble à un ticket de parking souterrain et je me demande depuis combien de temps je n’en ai pas eu un comme ça entre les mains, d’habitude je garde un fly ou deux pour avoir un souvenir d’un concert, là j’ai droit au luxe de la technologie, cela change du Grrrnd Zero.























On m’avait bien prévenu : le concert commence à 20h00 pétantes. Et logiquement il n’y a encore personne à cette heure là -mis à part quelques clampins qui se dépêchent de manger un sandwich aux frites tout le monde en est encore à l’apéritif. C’est donc devant un public on ne peut plus clairsemé que les deux One Second Riot (faudrait voir à mettre ce site à jour les gars) commencent leur set. La scène du C.C.O. est une grande scène, même des équipes de footballeurs comme Godspeed You! Black Emperor ont réussi à y tenir et à y jouer à la passe à dix sans se marcher dessus, aussi c’est assez étrange de voir le duo lyonnais dans une telle configuration, avec en plus un light show qui clignote de toutes ses couleurs. Le batteur est installé au bord et légèrement de côté, façon on est un vrai groupe où chacun à sa place, et il en profite pour demander une première fois aux personnes présentes de se rapprocher un peu de la scène, un peu de convivialité quoi.
Après un début de concert dans la pénombre, One Second Riot se défoule sur les principaux titres de son premier album, fait un petit retour en arrière sur le premier mini LP (le split avec Neptune) tout ça devant un public grandissant -les gens commencent enfin à arriver- et réagissant positivement. Quelques remarques d’après concert entendues de la part de personnes ne connaissant visiblement pas le groupe et n’étant même pas au courant qu’il était au programme : c’était vraiment pas mal ou tu crois qu’il y a un disque d’eux à la F**c ?. Oui, c’était effectivement vraiment pas mal.
Alors que le batteur demande une deuxième fois au public de se rapprocher, le bassiste/chanteur prend ses aises sur la scène, adopte des poses dignes d’un hard rocker 80’s à coupe permanenté (sauf qu’il n’a pas de frisouilles), jambes écartés et torse arrogant ce qui a le don de me faire rire -et donc de me plaire. Une nouvelle fois je trouve que Brautigan est une chanson bien meilleure sur scène que sur disque, dont la théâtralité ressort de façon plus convaincante en live.

























Un petit tour au marchandising des new-yorkais histoire de regarder la série de singles (à chaque fois un titre de l’album couplé avec un remix en face B), la nouvelle version de l’album qui comprend cinq titres en plus et qu’A Place To Bury Strangers vend quand même vingt cinq euros (!) pour l’édition vinyle, des t-shirts, tout ce qui doit contenter le fan de base. Je constate aussi que tenir un stand de marchandising doit être l’un des boulots les plus chiants au monde, le gars qui s’en occupe ce soir est calé derrière un ordinateur portable, sa collègue qui tient boutique pour le dernier groupe de la soirée fait exactement la même chose -mais en fait ils font quoi ? ils envoient des emails ? ils surveillent les cours de la bourse ? ils jouent en réseau dans un gunfight ? ils regardent une milf en train de se faire empapaouter par un doberman ? C’est énervant d’avoir devant soi deux légumes cuits à l’informatique. Retour dans la salle, il n’y a plus qu’à attendre le groupe que je suis exprès venu voir. Je ne suis pas le seul. Derrière moi, à côté aussi, se pressent déjà nombre d’amateurs bien décidés à ne pas lâcher le devant de la scène - depuis le temps que j’attends ça je ne vais pas bouger d’ici.
Oliver Ackermann (guitare/chant) ne paie pas vraiment de mine, il installe d’un air dégagé toute une série de pédales d'effet (qu’il fabrique lui-même) bien cabossées, ses deux guitares -une Fender Jaguar blanche et sa petite sœur en rouge- n’ont pas l’air d’être en meilleur état. A Place To Bury Strangers est un groupe originaire de Brooklyn, quartier qui on le sait a abrité et abrite encore nombre de groupes aussi bruyants qu’incroyables (des groupes merdiques aussi, mais je refuse de dire lesquels) et en regardant le bassiste et le batteur, bien balèzes et tatoués, je me dis qu’ils font bien couleur locale, je m’attendrais presque à voir Vinnie Signorelli monter sur scène.
























Pendant toute la première partie du concert A Place To Bury Strangers joue sans light show, devant un écran sur lequel est projeté des films aux motifs d’abord printaniers puis virant à la répétition géométrique emboîtée, façon Vasarely relooké au Tetris. L’absence de lumière fait dire à quelqu’un derrière moi que nous avons visiblement affaire à un pauvre groupe de loosers. Attends un peu et tu verras.
Pour l’instant c’est vrai que le son est limite (mais parait il meilleur au milieu de la salle, comme d’habitude), on entend très mal le chant, c’est uniquement parce que je connais les chansons de l’album par cœur que j’arrive à les reconnaître. C’est lorsque Ackermann appuie sur ses pédales de la mort et déclenche une marée de fuzz et de reverb que je frissonne pour la première fois. Comme il le fait sur chaque titre de façon systématique, je calme peu à peu mes ardeurs en attendant que le son s’améliore, ce qui tarde un peu. Quelques titres inédits -ou que je ne connais pas : les cinq fameux inédits de l’album nouvelle version ? des compositions en rodage pour le prochain ?- perturbent un peu la rêverie sonique dans laquelle je me suis de bonne grâce laisser tomber. Le son est toujours un peu cafouilleux mais il a tendance a devenir de plus en plus fort (ou alors ce sont mes oreilles qui défaillent), il prend une tournure de plus en plus captivante, complexe, labyrinthique, énergisante. Le groupe de losers est en train de se transformer en hachoir à tympans. Au fur et à mesure que la musique d’A Place To Bury Strangers gagne de l’envergure (dommage, la voix restera trop souvent inaudible), les projections sur l’écran deviennent de plus en plus répétitives.
























Jusqu’à l’arrivée du stroboscope et du final dantesque de ce concert -tu voulais des lumières ? en voilà !- stroboscope qui transforme la scène en un vaste chaos épileptique, Ackermann se la joue Shiva, s’énerve sur ses pédales, joue au toréador avec sa guitare, A Place To Bury Strangers ne démérite pas de ce slogan pompeux qui qualifie le groupe de loudest band in New York. Un mur du son noisy comme pas entendu depuis les derniers soubresauts héroïques de Sonic Youth sur une scène (l’album Dirty en 1992, soit il y a un bon millénaire), et enterrant haut la main ces faignants de My Bloody Valentine -groupe auquel on compare trop A Place To Bury Strangers, je garde encore en mémoire le souvenir d’un concert des anglais datant lui aussi des années 90 et qui avait frisé le foutage de gueule intégral, comme quoi réussir à faire du bruit n’est pas à la portée de n’importe qui.
Cette fin de concert des new-yorkais est absolument incroyable d’intensité et de perversion sonore, la musique c’est aussi distordre le temps, mais tout s’arrête (trop) brutalement, A Place To Bury Strangers en a fini de nous vriller les neurones, provoquant comme un effet de grand vide après la débauche -white light/white.
Les lumières se sont rallumées dans la salle, ma voisine qui a l’air aussi estomaquée que moi se jure qu’elle va se dégoter une place pour le 25 novembre (bon courage ma grande) et me demande si je connais le groupe d’après. Je lui réponds hypocritement que non et que d’ailleurs je m’en vais, ce que je lui conseille aussi de faire. Je quitte donc la salle avec peut être un seul regret, celui de ne pas avoir attendu l’arrivée sur scène du groupe d’Efrim and C° pour me mettre à hurler des Fly Pan Am ! -tradition héritée de l’époque de la défunte asso Sonotone (qui la première avait fait jouer ce groupe dans cette ville), une tradition née de l’inanité d’un mauvais concert et qui avait fait rétorquer un fuck them ! à un Efrim passablement énervé par la provocation. C’est qu’il y a les bons groupes Constellation et puis il y a aussi les mauvais.