vendredi 10 octobre 2008

Video Hysterie: 1978 - 2006
























Merde alors. Un DVD musical. Pas l’un de ces vulgaires enregistrements marketés d’un concert/spectacle -on peut d’ailleurs souvent supposer que le dit concert a uniquement été organisé en vue d’être filmé et d’être ensuite vendu comme tel- mais un témoignage en images de la carrière de Lydia Lunch, des débuts de Teenage Jesus aux spoken words d’aujourd’hui. Video Hysterie reprend le nom de la fameuse compilation double vinyle Hysterie qui couvrait la période 1976/1986. Là, en regardant tranquillement ces vidéos -confortablement allongé sur le lit, les jambes écartées et l’air un peu idiot du type qui se croit moins con parce qu’il est devant un écran- on est encore plus saisi par le chemin parcouru par cette grande Dame. Ce n’est pas seulement parce que Video Hysterie ressemble à un programme d’avertissement de Weight Watchers -regardez braves gens ce que vous allez devenir si vous continuez à faire des excès- heureusement pour nous Lydia Lunch n’a jamais rien arrêté. Le rapport qu’entretient la chanteuse/performer avec son corps sur une scène a changé du tout au tout en l’espace d’une petite trentaine d’années. Outre l’intérêt purement musical de ce DVD, cette mutation est absolument fascinante.
Le chapitre Teenage Jesus -la principale raison m’ayant conduit à regarder Video Hysterie- commence sur une déception : Orphans est accompagné d’images de guerre (certaines ultra connues), la version que l’on entend de ce titre n’est pas en concert mais est une version studio totalement rabâchée elle aussi. Heureusement, pour les cinq titres suivants, c’est bien à un concert datant de 1978 de Teenage Jesus And The Jerks auquel nous assistons. Batterie minimale (un tom, une cymbale et c’est tout), absence totale de jeu de scène de la part du bassiste et de la chanteuse/guitariste. Les capacités d’instrumentistes du trio sont visiblement limitées mais ce ne doit pas être pris comme un facteur explicatif de cet état statique. Il y a une profonde violence dans cette retenue corporelle, ajouter un jeu de scène de clown n’aurait rien apporté à une musique ultra perturbante et primale : tout tient du cri.
Changement de décors, c’est 1980 et c’est 8 Eyed Spy. Deux guitaristes très à l’aise, une section rythmique bien carré et une Lydia Lunch au chant, camouflée dans une liquette et décollant à peine son corps du pied de micro. Musicalement, ça oscille entre des guitares nerveusement dissonantes et des solos ampoulés de ta mère qui donnent envie d’appuyer sur la touche d’avance rapide. Lydia Lunch est encore une fois incroyable dans son attitude, tout dans son flot acide et hystérique, tout dans ses paroles. Jim Sclavunos qui tient la batterie et qui n’a pas encore rejoint Sonic Youth fait preuve d’une extrême rigueur et d’une puissance bienvenue. A noter une bonne reprise du Run Through The Jungle de Creedence Clearwater Revival.
On se retrouve directement dans les années 90 pour Shotgun Wedding c'est-à-dire l’excellent groupe de Lydia Lunch avec l’ex Birthday Party Rowland S. Howard. Deux titres au programme, dont le toujours prenant Cisco Sunset, lancinant et rampant. Lydia Lunch est comme métamorphosée, elle a l’allure que la plupart des gens de nos jours retiennent d’elle : décolleté vertigineux, robette au ras des fesses, cheveux coupés mi long avec une frange, bustier à paillettes. Elle sort le grand jeu, se déhanche insidieusement au rythme (lent) de la musique, roule des épaules, parcours la scène. Une vamp en colère. Il en est de même pour la prestation en compagnie de Die Haut (1994), nous avons droit à un excellent et puissant Doggin’ interprété par un groupe racé et élégant -costard pour tous- un peu comme les Bad Seeds de Nick Cave à une lointaine période préhistorique et c’est bien normal puisque Thomas Wydler était alors le batteur de Die Haut.
Toute la fin de Video Hystérie est consacrée aux performances et aux spoken words de Lydia Lunch. Ça commence par un Solo Mystico enregistré à Lyon en 1997 (merde… mais c’est le Pezner !). D’autres extraits suivent, à Barcelone (2005), Londres (2004) ou Orlando (Floride, 1998). La chanteuse se met littéralement en scène, joue avec elle-même, tape sur son gros cul, apostrophe le public, se touche l’entrejambe et demande qui veut la lécher, etc. Musicalement c’est la partie la moins intéressante du DVD mais vocalement et scéniquement, c’est la meilleure. Lydia Lunch y excelle dans l’art de donner corps à ses mots, elle ne fait pas semblant, elle interprète bien davantage que lorsque elle ne faisait que chanter. On est bien loin de l’adolescente colérique collée derrière son pied de micro.
Les thématiques abordées ne concernent pas que l’annihilation (sous toutes ses formes) de la femme dans nos sociétés contemporaines : enregistré à Barcelone en 2006, Violence Is The Sport Of God est un pamphlet violement anti-religion et anti-guerre avec son leitmotiv juste un festin de tripes et de sang. La force d’exécution déployée à ce moment là par Lydia Lunch me fait encore plus regretter la performance tiédasse qu’elle a donnée à Lyon cette année. On ne peut pas toujours être le/la meilleur(e)…