Le mercredi c’est schizophrénie. Les lyonnais de One Second Riot qui sont deux à eux tout seuls rejouent pour la première fois depuis très longtemps dans leur ville et en profitent pour fêter (du moins annoncer) la sortie de leur premier véritable album, chouette. La question du soir c’est bien évidemment de savoir ce que va donner Guapo, la tête d’affiche, en concert. Je ne me fais pas trop d’illusions -pour être honnête je pars avec un fort mauvais a priori, dédaigneux et hautain que je suis- mais je croise quelques bonnes têtes qui me font part de leur enthousiasme délirant à propos des britanniques : quoi tu n’aimes pas Guapo ?!!! rhaââââ l’album Black Oni c’est quand même une tuerie sans nom ! Je dégaine aussitôt pour Luger pour dégommer ces quelques arguments dignes d’une fan de Tokio Hotel en chaleur grâce à ma sentence favorite à propos des musiciens qui jouent beaucoup trop de notes avec beaucoup trop de doigts. Oui, j’ai déjà vu Guapo (la première fois il y avait même Pid, l’ancien bassiste de Headcleaner, qui jouait encore dans le groupe et il y a fort à parier que j’étais allé à ce concert uniquement pour cette raison là) et régulièrement j’ai fui chaque concert de Guapo en moyenne au bout d’un quart d’heure. Mais n’anticipons pas.
Place donc aux régionaux de l’étape, One Second Riot. Une basse, une batterie, un chant et de la bidouille. J’ai déjà expliqué tout le bien que je pense du disque de ces deux jeunes gens mais je vais recommencer quand même à propos de ce concert. Lorsque j’arrive à la salle, le duo en est encore à faire ses balances, Guapo a mis un temps infini à faire les siennes, mais surtout je vois nos deux garçons serrés comme des sardines sur la scène du Sonic qui c’est vrai n’est pas très grande mais qui est surtout encombrée par une masse de bordel impressionnante. Le matériel de Guapo prend toute la place et si je comprends bien les négociations pour que les stars de la soirée daignent pousser un peu leur installation ont été rudes, sacrés rosbifs qui nous refont le coup de l’insularité inexpugnable.
La salle se remplit peu à peu, elle se remplit même beaucoup, et les One Second Riot démarrent leur set devant un parterre de personnes visiblement venues pour eux. Personne ne sera déçu. Le duo enchaîne ses titres avec une décontraction certaine, décontraction que ne dément pourtant pas le côté tendu et parfois rude de la musique. One Second Riot arrive très bien à occuper l’espace -l’espace sonore je veux dire- et c’était déjà l’une des qualités essentielles de leur disque, cette capacité à faire gonfler la bulle, à la remplir de choses fortes et belles jusqu’à ce qu’elle éclate. Même Brautigan, titre qui dans le meilleur des cas me laisse perplexe et qui au pire m’exaspère, passe très bien, cette chanson gagne indéniablement en live un surplus de vitalité bienvenue. Opération marketing de rigueur à la fin du concert, échange de blagues et on rallume les lumières.
Quand je dis qu’il y a du monde ce soir, ce n’est pas une vue de l’esprit : on frise les 130 personnes et franchement cela fait plaisir à voir. Quelques conversations encore sur les mérites de Guapo , je demande toujours à voir et surtout à entendre. Voir, ce sera très facile puisque les quatre membres du groupe sont tous habillés de pantalon moule burnes et de saillants sous-pulls rehaussés de paillettes au niveau des manches et du col, le tout en noir. On dirait un peu un backing band pour le nouveau spectacle gothique de Philippe Candéloro avec un petit côté hard rock/prog/fusion en prime. Je m’attends une fois de plus au pire. Le bassiste toise tout le monde d’un air dédaigneux et méprisant, il dirige les autres musiciens et donc le bon déroulement des opérations avec des petits hochements de tête, c’est lui le chef. Côté grimaces le clavier et le batteur rivalisent de mimiques mi-torturées mi-passionnées, toute la jouissance du musicien en train de faire dans son froc. Le guitariste est plus discret, un peu trop caché par son chef de bassiste, il faut dire aussi qu’il est une recrue récente alors il ne faut pas déconner quand même.
Premier titre joué par Guapo et mon voisin de gauche me glisse à l’oreille que c’est justement LE titre qu’il voulait entendre. Je reste calme, poli et pausé, finalement bien disposé à écouter ce groupe. Mais le clavier, ces horribles sons de synthétiseurs, ces mélodies qui n’en finissent pas de tourbillonner telles un kaléidoscope tridimensionnel géant me donnent la nausée. Les quatre musiciens jouent d’une manière tellement apprêtée et ostentatoire que pendant un long moment je ne peux pas m’empêcher de penser qu’ils ne le font que pour se moquer, qu’ils sont en train de se tordre de rire au plus profond d’eux même. Mais non, c’est bien l’extase qui semble les gagner et qui semble également gagner une partie du public (du moins les gens qui ne partent pas en courant), une extase grandiloquente et insensée alors qu’il n’y a vraiment pas de quoi : musicalement Guapo est en dessous de tout, on assiste à un concert très gentillet et propre, à peine débridé et sûrement pas farfelu. Un groupe de poseurs prétentieux et méprisants et une musique d’ascenseur pour snobs.
Je laisse tomber le devant de la scène, j’en ai un peu marre de ce chef scout de bassiste et de ses visées dictatoriales, en ce qui me concerne l’ennui a été plus fort que la curiosité. Même du fond de la salle et enfin rasséréné par une bonne bière, la soupe prog de Guapo réussit l’exploit d’être à la fois insipide et indigeste. Ce n’est plus un Luger qu’il me faudrait pour en finir avec cette pantalonnade fastidieuse qui rappelle le pire de King Crimson et de Popol Vuh réunis -en fait cela voudrait dire quoi exactement le meilleur pour des groupes pareils ?- mais un lance roquettes anti-chars. Je choisis l’option retour à la maison de bonne heure, dingue comme cette musique de vieux cons arrive à me transformer en papy casanier.