vendredi 19 juin 2009

Une faim de loup























Le metal de la hype de la mort : après quelques hésitations, quelques incertitudes, Wolves In The Throne Room est bien annoncé en concert à Lyon. J’en ai les osselets qui s’entrechoquent de plaisir, voir ce groupe interprétant du black metal dans une version écologiquement correct/anorcho-crust/courrons tout nus au milieu des bois tant que le loup n’y est pas pouvant se révéler être une sacrée expérience (une expérience sacrée ?). Je dois bien être l’un des rares à avoir de telles pensées coupables parce que le hype metal ça n’existe pas à Lyon/en France et que c’est devant une audience clairsemée que la cérémonie va se dérouler. Les quelques fans hard core du groupe sont bien présents, fans auxquels se sont ajoutés quelques porteurs de t-shirts très tendance mais je sens que l’organisateur du concert ne va avoir que ses yeux pour pleurer et son amex de platine pour combler le gros déficit de la soirée. Merde alors.
Le programme a pourtant une sacrée gueule avec comme première tranche de vie les finlandais de Sink (dont le premier album -plutôt intéressant- est offert en téléchargement libre à qui veut bien l’écouter sur le site du groupe) et surtout les petits gars de Celeste, invités de luxe frais comme des gardons grâce à un nouvel album et parfaits dans le rôle de la tranche de jambon coincée au milieu. 























Sink sont six et ça je ne l’aurais jamais cru à l’écoute de cet album téléchargeable aussi gratuit que la loi Hadopi est non conforme à la Constitution Française -et tout simplement en complète opposition avec la plus basique notion de liberté de circulation de toutes sortes de données numériques car il ne faut pas se leurrer : la machinerie mis en place pour surveiller et contrôler le téléchargement pourra servir à terme d’observatoire de n’importe quel type de comportement sur internet, cet atroce et dangereux espace de liberté non canalisé, générateur de chaos et de subversion.
Il y a donc deux guitaristes dans ce groupe (dont un qui joue au sol devant la scène et dos au public, il passera son temps à donner des petits signes de tête à ses collègues genre je suis le chef alors fait gaffe), un bassiste, un batteur, un bidouilleur planqué sur le côté de la scène et un chanteur en gants de cuir noir et portant une paire de pompes rouges en peau plastifiée de crocodile anorexique à rendre jaloux le premier proxénète roumain venu.
Même s’il est assez étrange et incantatoire, le (pas très black) metal joué par Sink sur scène n’a pas grand chose à voir avec l’album qui privilégie le drone (brrrrrr), les grésillements à la Pan Sonic (kkkrrriiiii) et les mélopées d’outre-tombe (aaaaaaoooouuuuuuuummmm wwwwiiiiiiizzz) avec quelques interventions guitares/rythmique du genre processionnaire. C’est extrêmement décevant car l’idée de commencer la soirée avec un groupe plus ambient que burné était plaisante. Nos finlandais ne s’éternisent heureusement pas trop et retournent dehors pour picoler de plus belle. On doit vraiment s’emmerder là haut, dans le grand nord.


















Celeste on ne les présente plus -ils ont encore joué un mois plus tôt à la Marquise pour la release party de Misanthrope(s)- mais j’ai toujours pensé qu’il ne fallait pas les voir trop souvent au risque de se lasser de leurs shows très au point. Oui, je ne suis pas excessivement fan mais une dose de Celeste de temps à autres ne me fait pas de mal et une bonne période d’abstinence me permet toujours de revoir les étoiles au concert suivant. C’est aujourd’hui effectivement le cas, je ne saurais compter le nombre de mois depuis que je n’ai vu une prestation live de ces jeunes gens très doués dans leur genre.
Petit descriptif : Celeste joue par terre dans le noir mais à grand renfort de lumières stroboscopiques et de fumigènes. Chaque musicien porte une lampe frontale rouge et ça fait un peu peur, on peut réellement se demander si ces quatre cyclopes prométhéens (ils n’ont pas inventé le feu mais ils savent très bien s’en servir) ne vont pas se transformer en tripodes gluants avec tentacules venimeuses en guise de jeu de scène ultime.
La rythmique est parfaite, le chanteur/hurleur s’arrache les cordes vocales avec autant de conviction que -j’en suis sûr désormais- je vais être sourd le lendemain matin et le guitariste a ce son que d’aucun affirme détester et que moi j’adore avec ses relents sinistres qui partent en vrille. Le metal chaotique et ulcéré de Celeste est bien au point (non ce n’est pas si paradoxal que cela) et le groupe joue selon un timing parfait, ni trop court ni trop long, et donc idéal pour pouvoir apprécier la prestation à sa juste valeur -raw as fuck.


















Reste la tête d’affiche, le groupe qui finalement n’aura pas attiré tant de monde que ça. Wolves In The Throne Room démarre dans le vif, taille un grand coup et arrose la plaie de jets d’acide avant qu’elle ne se referme et ne refroidisse. Des bougies ont consciencieusement été installées sur la scène devant le batteur et autour des trois autres qui s’agitent au sol. Le black metal joué par le groupe lorgne du côté du symphonique avec toute la joliesse et la beauté triste que cela suppose, une musique d’adolescent éternellement trop malheureux mais qui a judicieusement choisi le côté obscur de la force (sinon il écouterait Indochine dans sa chambre en se shootant aux miel pops).
La prestation est à la hauteur des enregistrements -sauf le batteur dont la frappe assez faible dès qu’il atteint des vitesses supersoniques est facilement recouverte par le ras de marée qui sort des amplis- et franchement impeccable, tout à fond, pas de temps morts entre les (longs) titres. Une perfection et une endurance à la limite de l’exploit sportif ou d’un débat parlementaire daubé d’avance sur les plus essentielles libertés individuelles -critère (sportif) que l’on pardonne aisément à un groupe de metal parce que le metal ça a quelque chose à voir avec les super pouvoirs que tu n’auras jamais parce dans la vraie vie tu n’es qu’une loque voire une merde mais un critère que l’on ne saurait par contre tolérer chez un groupe de sauterelles cocaïnées et plein open spazzz. 























J’admire le chanteur/guitariste qui me fait invariablement penser à José Maria, le métallurgiste allumé du Jour De La Bête d’Alex De La Iglesia : petit, gros, cheveux hirsutes et l’air passablement ailleurs, le spécialiste en apocalypse et en petits culs rebondis.
Wolves In The Throne Room ne faiblit pas, débitant principalement les meilleures tranches de l’album Two Hunters, et si on peut faire un reproche au groupe c’est qu’il répète toujours les mêmes plans, recourant aux mêmes stratagèmes et développant les mêmes riffs dans sa musique. On finit par s’habituer à tout. La preuve en images et en toute mauvaise foi avec celle ci (début du concert), celle ci (milieu du concert) et enfin celle là (fin de concert). Pas beaucoup de variations et de changements d’atmosphère -au contraire des disques- et finalement l’impression de s’être pris dans la gueule un gros bloc de granit torpillé à la vitesse folle d’un interprète de chanson française lancé à la poursuite de ses royalties perdues dans un océan numérique. Juste un léger regret au sujet de l’absence des passages calmes et aériens qui d’habitude donnent un petit goût de reviens-y crusty-goth à Wolves In The Throne Room. On ne peut pas tout avoir non plus.
La musique s’arrête comme elle avait commencé : brutalement. Pas de rappel, pas de rab et des applaudissements et des cris pas si insistants que cela -l’effet torgnole qui laisse l’auditeur groggy mais heureux ? Je n’en doute pas une seule seconde mais je reste un peu sur ma faim… Malgré le côté répétitif de la prestation j’aurais préféré un titre supplémentaire. De là à dire que Wolves In The Throne Room est un plaisir coupable il n’y a qu’un pas.