samedi 6 juin 2009

Troum / Aiws





















Il y a plus d’un point commun entre Nadja, duo canadien bien connu, et Troum, autre duo mais allemand celui là. Les deux formations multiplient les parutions, rééditions, réenregistrements à tel point qu’il est presque aussi difficile de s’y retrouver dans la discographie (souvent passionnante) de Troum que dans celle de Nadja. Comme Nadja, Troum aime également les beaux objets et les tirages confidentiels tels que Sen, réédition en deux LP de couleur et limitée à 147 exemplaires numérotés des sessions Mort Aux Vaches enregistrées pour Staalplaat. Alors que Tjukurrpa, l’exceptionnelle trilogie -pouvant être considérée comme l’acte fondateur de la musique du duo et originellement publiée entre 2001 et 2003- est à nouveau disponible et que Troum annonce la parution d’un nouveau double CD (Eald-Ge-Streon/Abhijna) sur l’excellent label Beta-lactam Ring, jetons une oreille sur Aiws, album de Troum paru en 2007 déjà mais très symptomatique de l’univers du groupe. Lequel n’est pas non plus sans avoir de nombreux points de comparaison avec celui de Nadja/Aidan Baker.
Mais là où Nadja enfonce le clou d’un metal atmosphérique profitant d’une rythmique écrasante pour s’envoler vers des états seconds où les lois de la gravitation universelle sont bafouées avec une candeur frisant l’innocence et la naïveté, Troum préfère aller voir ce qui se passe hors champ, sorte de prélude ou de postface à la musique de Nadja, sorte de contournement virtuel (et sûrement issu de mon imagination toujours en manque de parallèles foireux) aux accents très picturaux -on ne va pas dire cinématographiques pour deux raisons essentielles : la première c’est que c’est d’un banal et d’un convenu à faire mouiller tous les fans de post machintruc de la Terre et la seconde c’est qu’ici une lenteur globale et un flouté persistant déclassent toute notion de mouvement.
La musique de Troum est donc quasi immobile mais pleine de suspens, dramatique mais sans le moindre pathos, narrative mais sans avoir la moindre histoire à raconter. Tout en indiquant systématiquement sur ses notes de livret que jamais aucun laptop, séquenceur ou synthétiseur n’ont été ou ne seront utilisés pour élaborer leur musique (vive les pédales de delay et autres…), les allemands construisent de belles architectures si légères qu’un simple coup de vent semblerait pouvoir les balayer mais si solides également que l’on s’y installe volontiers et confortablement. Musicalement, on note des approches différentes selon les titres, différentes mais pas antinomiques : des relents cold wave (basse à la Cure) sur Spirare, du post rock nippon-montréalais sur Per Sonum et de vagues réminiscences à la Zoviet France sur Pantah tandis que [Ga]Plain rappelle tous les vieux groupes de musique industrielle planante du début des années 80. Aiws est un excellent album pour approcher la musique du duo sans risquer de s’y perdre ou de se lasser, la trilogie déjà mentionnée et thématiquement divisée en Harmonies, Drones et Rhythms And Pulsations (le meilleur des trois) nécessitant une concentration parfois mise à mal par la longueur des titres.
























Il n’y a pas de fumée sans feu pas plus qu’il n’y a de hasard sans calcul : Nadja rejoue ce soir au Sonic de Lyon à peine six mois après un premier passage très remarqué en novembre dernier et -ô bonheur- c’est fort judicieusement Troum qui assurera l’une des premières parties, cela nous changera des abominables Picsatro. Le troisième groupe n’est autre que This Quiet Army, one man band aussi prolifique que ses deux collègues d’un soir et venant tout juste de publier sur Killer Pimp A Picture Of A Picture, un album en collaboration avec Aidan Baker. Le monde est petit.