mercredi 22 octobre 2008

Moha! / One-way Ticket To Candyland




















Après quelques premières écoutes attentives, je ne pouvais pas m’empêcher d’être déçu par One-way Ticket To Candyland, le nouvel album de Moha!, publié comme ces prédécesseurs par le label très propre sur lui Rune Grammofon -un gage de qualité pour certains, de méfiance pour les autres, il est vrai que cette maison qui ne s’occupe qu’exclusivement d’artistes/musiciens norvégiens ratisse assez large donc forcément il y en a pour tous les goûts (Maja Ratkje, Spunk, Supersilent, Jazzkammer, Ultralyd…) et tous les dégoûts (Scorch Trio, Shining).
La contradiction avec One-way Ticket To Candyland c’est que voilà un album largement plus accessible que les deux premiers -il faut avoir une sacrée santé pour oser s’enfiler son prédécesseur Norwegianism d’une seule traite sans broncher ou alors être d’origine nancéenne- un album avec des titres plus carrés, aux structures plus lisibles (avec quelques longs passages calmes voire ambient), en un mot tout ceci est pensé, composé, schématisé et emballé, le foutoir impro/free et exubérant a laissé la place à un flux canalisé bien que foutraque, raboté sur les bords et dans les angles, non pas propre mais plus lisse, ach. Passé cette impression digne d’un pauvre junky en manque qui se rend compte trop tard qu’il s’est fait refiler de la merde trop coupée à la place de la bonne drée promise, il faut bien admettre que ce nouveau disque est très proche du concert donné par le groupe au Grrrnd Gerland en avril dernier, un excellent concert. Il n’y aurait donc pas de déception à avoir ?
J’ai enfin trouvé à ce quoi me fait désormais penser Moha! sur certaines des compositions de One-way Ticket To Candyland : Alboth!. Pas le Alboth! de Liebefeld ou de Leib mais plutôt celui de Ali, ce disque qui en avait surpris plus d’un lors de sa parution en 1995, un disque où les suisses mettaient justement un peu d’ordre dans leur free grind, reprenaient fugacement le Ich Bin’s d’Einsturzende Neubauten ce qui au passage avait valu au groupe et à cette petite mutation, peut être à tort, l’appellation non contrôlée de germanisation, hum. Le fait que les membres de Moha! se soient eux depuis quelques temps installés à Berlin n’est bien sûr qu’une pure coïncidence, même si elle a de quoi faire rire. Quelques titres de One-way Ticket To Candyland rappellent donc sans hésitation les glorieux faits d’armes des suisses : Karibcore, Sopp Pa Kugen ou Oh My God It’s Rave. Moha! y utilise la guitare d’une manière totalement non conventionnelle, abuse de plus en plus de synthétiseurs et surtout est doté d’un batteur à la fois incroyablement véloce et imaginatif. Cette ressemblance avec le passé, si elle a été gênante aux premières écoutes, a fini par s’estomper. Et puis comme comparaison il y a bien pire qu’Alboth!, non ? Le regret c’est la perte (relative) d’identité, de personnalité, au profit d’un gain considérable d’efficacité et de lisibilité.
L’autre reproche que l’on peut faire à One-way Ticket To Candyland c’est que les passages atmosphériques (il y en a deux ou trois) sont plus marqués tandis que les titres rythmiques sont eux plus balisés : l’album apparaît plus tranché, moins mélangé, le coq à l’âne c’est fini, maintenant jouons à saute moutons. Un disque qui risque de séduire tous les sceptiques de Moha! -et il y en a beaucoup- par son côté nettement plus direct et évident mais soyons honnêtes : les norvégiens sont quand même très loin d’avoir vendu leur âme au diable, One-way Ticket To Candyland reste un disque de musique décalée et folle, bruyante et atypique. Vivement le prochain concert (donc).