vendredi 11 janvier 2008

A Place To Bury Strangers

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Le voilà donc cet album d’A Place To Bury Strangers, groupe new-yorkais (Brooklyn) qui commence à faire couler beaucoup d’encre et met la bave aux lèvres de tout ce que peut compter la coolitude comme représentants distingués. En fait d’album, il s’agit plus précisément d’une compilation d’enregistrements effectués entre 2003 et 2007, déjà publiés en maxis -on trouve même encore très facilement les traces d’un mini LP sur lequel figure un Never Going Down qui lui n’est pas sur l’album- et c’est Important records (label qui en ce moment sait très bien se rendre indispensable) qui s’est chargé de l’édition en vinyl. La sauce monte, l’inévitable sticker d’autopromotion annonce en gros The Loudest Band In New York (dixit le journal New York Times) et ça continue dans le superlatif : buy earplugs (Pitchfork), exactement le genre de conneries que le premier binoclard venu pourrait écrire non sans prétention dans un webzine ou un blog.
Un dernier coup d’oeil sur la liste d'amis d’A Place To Bury Strangers avec des groupes dont pour rien au monde je ne voudrais écrire le nom ici et ma religion est faite : ces new-yorkais qui se lanceront à la mi-février dans leur première grande tournée nord-américaine feront bientôt l’objet des plus purs éloges de la part d’une presse aussi vide qu’Eliot Ness est triste au lit. Est-ce pour autant que je devrais détester ce disque ? Et bien non. Je suis même très content d’avoir un échantillon de noisy pop à me mettre sous la dent en ce moment et, chose plutôt rare, voilà un disque qui lorsque je l’écoute à fond dans mon petit salon confortable fait l’unanimité à la maison et ne risque pas de mettre davantage en péril un ménage déjà bien mis à mal par des expériences musicales autrement plus éprouvantes. En fait, tout le problème de ce disque est ailleurs.





















Oliver Ackerman, chanteur et guitariste d’A Place To Bury Strangers, est également un passionné de son et son job habituel c’est de fabriquer des pédales d’effets qu’il vend à des gens parfois très connus (dont pour rien au monde je ne voudrais écrire le nom ici, etc) et si tu veux acheter un peu de matos pour jouer/faire du bruit dans ta chambre c’est ici. Olive serait donc à la fois Roger Mayer et Jimi Hendrix, ce qui n’est pas totalement faux. Certains décollages de guitares sont proprement hallucinants : ça grésille, ça crépite à gros bouillon et ça construit des murs du son abrupts quasi instantanément -même si on s’y attend toujours un peu dès que le chant cesse et qu’il faut bien trouver un moyen de relancer l’attention de l’auditeur. Alors le problème c’est quoi ?
Et bien on parle souvent de Jesus & Mary Chain à propos d’A Place To Bury Strangers, My Bloody Valentine est également évoqué (mais moins fréquemment), Joy Division aussi -sauf que la voix d’Ackerman ne rappelle absolument pas celle de Ian Curtis, une comparaison avec New Order serait plus appropriée- et les Cure. Il n’y a pas un titre de cet album qui n’ait pas emprunté un plan ou un gimmick à l’un de ces quatre groupes, je ne vais pas en faire la liste (quoique : le break de Don’t Think Lover se retrouve sur un titre de Isn’t Anything, la rythmique de She Dies parait tout droit sortie de Pornography, etc) et à la longue c’est un peu énervant d’assister ainsi à une superbe collection de vieilleries remises au goût du jour. C’est énervant mais cela finit par fonctionner parfaitement : les vieux peuvent enfin la ramener un peu -oui il s’est passé quelque chose avant les Libertines, Strokes et autres Interpol, il y avait même de la vie avant Nirvana- et les jeunes ne débandent plus au son dévastateur de ces guitares palpitantes. Comme pour achever tout le monde A Place To Bury Strangers est arrivé à bien placer deux ou trois tubes dansants, I Know I'll See You ou To Fix The Gash In Your Head, qui ramèneront dans le cœur -et le corps- de tout à chacun cette irrépressible envie de trépigner des heures durant tel un robot lubrifié aux amphétamines : vivons heureux en attendant la mort.