vendredi 18 juin 2010

Aki Onda soulève les coeurs























C’est le dernier concert du Sonic avant la pose estivale mais pas le dernier concert de la saison 2009/2010 pour autant – la semaine prochaine il y a du bon gros heavy metal et du doom néanderthalien du côté de Grrrnd Zero – et l’affiche est très attrayante avec Hama Yoko et Aki Onda. Deux artistes japonais pour presque terminer en douceur et se reposer les oreilles.
Cela fait une bonne semaine que je n’ai pas travaillé, je solde un restant de jours de congés payés datant de 2009 avant de me les faire sucrer par mon patron. Je n’ai rien foutu de ma vie pendant tout ce temps libre – de toutes façons je n’avais rien envie d’en faire –, je n’ai même pas tenté de siffler la moindre bouteille de vodka (merde, le supermarché d’à côté est fermé et est en train d’être déboulonné, où est ce que je vais aller me ravitailler maintenant ?). J’ai passé mes journées au rythme d’allers et retours quasiment incessants entre l’appartement trop petit et l’école d’à côté, en évitant soigneusement les mères de famille qui s’agitaient pour organiser la sacro sainte fête de fin d’année à l’école.
Le vélo me semble lourd, difficile à faire avancer et les pédales impossible à actionner. Je me traîne comme une grosse larve, j’ai le dos en marmelade, des arriérés de la CPAM qui causeraient même quelques tracas au fils céramiste de Roselyne Bachelot et j’ai eu le grand tort de regarder Wayne’s World et sa pré séquence sur fond de Bohemian Rapsody : je rêve plus que jamais d’une vie facile et insouciante bien que la stupidité en soit le prix à payer. Je suis à la fois Bandini et son chien stupide. Mais j’ai bien peur aussi d’en être qu’au premier chapitre.























Une vingtaine de personnes se sont déplacées pour Aki Onda. Mais certaines sont aussi venues pour Hama Yoko. De son vrai nom Yôko Higashi celle-ci est une très jolie japonaise gentiment délurée que je n’avais encore jamais vue en concert – pourtant ce ne sont pas les occasions qui ont manqué, notamment l’année dernière au même endroit pour la première partie des babas gériatriques de Legendary Pink Dots. Hama Yoko est habillée d’un beau kimono traditionnel et son concert commence par une chanson typique de la variété nippone dégoulinante, avec mimiques exagérées et bande-son cradingue en arrière plan. Tout cela est parodique bien sûr et la jeune fille rejoindra ensuite tout son matériel installé derrière elle, non sans esquisser un sourire espiègle.
Tout son matériel, c'est-à-dire deux ou trois micros (sa voix change selon celui qu’elle utilise), un synthé, une table de mixage, des pads, des pédales d’effet, un micro contact, je dois en oublier quelques uns, bref tout l’attirail du petit expérimentateur lambda. Hama Yoko travaille sur des textures ténues pour une musique électronique pointilliste et tactile – au propre comme au figuré : ses doigts sautent d’un instrument à l’autre, d’un bouton à l’autre avec moult virevoltes pleines de grâce – qui sait à l’occasion se faire bruyante (mais pas trop) et surtout pleine d’à-coups, de rebondissements et de micro cassures. Le chant est exclusivement en japonais ce qui ne m’empêche pas de reconnaitre Summertime, cette bonne vieille scie signée George Gershwin, dans une version très belle et particulièrement émouvante. Je suis resté sous le charme de Yoko et de sa musique un bon moment après la fin de son concert. Je ne pense pas être le seul au vu des applaudissements nourris et mérités qu’elle a récoltés en fin de set. Pourtant, répétons-le, il n’y a avait pas grand monde au Sonic ce soir là.























Aki Onda est un musicien aussi discret qu’inestimable. Il travaille à base de sources collectées qu’il a enregistrées sur ces bonnes vieilles cassettes audio et qu’il rejoue ensuite avec un walkman fabriqué par Sony Inc. au siècle dernier. Yuko Nexus6 lui avait plus ou moins piqué son concept pour son Journal De Tokyo publié en 2002 par le label Sonore de Franck Strofer mais, à la différence de cette dernière, Aki Onda est un vrai alchimiste des sons qu’il manipule avec soin, élégance et un sens aigu de l’espace. Pour cela il se sert lui aussi d’effets, de pads, de trucs et de machins pour lesquels je ne vois pas l’intérêt de m’intéresser d’avantage – si j’étais musicien je ne saurais imiter une telle installation pour la simple et bonne raison que c’est impossible or, qui plus est, je ne suis pas musicien ; en tant que simple auditeur la magie des sons me suffit amplement, pas besoin de plus d’explications.
Ako Onda est en effet un réel magicien, créant en direct une musique ambient qui n’a rien à voir avec les poncifs et attendus du genre : pour les drones on repassera, le japonais n’a même pas l’air de savoir ce que bourdonner signifie ; pour les descentes en apnée/montée jusqu’à la stratosphère le verdict est le même, la musique d’Aki Onda est ailleurs, définitivement et dès le départ, l’idée de progression en est absolument bannie ; pour le trip cinématographique/illustratif/narratif on repassera également, Aki Onda ne raconte pas d’histoires, ne sait pas/ne veut peut être pas en raconter. Le musicien japonais est le catalyseur d’émotions et de sensations qu’il manipule au même titre que ses sons, les ordonnant et les mettant en place selon des règles qui nous semblent incompréhensibles. Incompréhensibles mais éminemment touchantes et aux conséquences émotionnelles incroyables. Je n’avais pas été aussi ému depuis le premier passage au Sonic de Dan Burke/Illusion Of Safety il y a deux ou trois ans. Ce concert était tout simplement un grand moment de toute beauté.