.
C’est en trouvant un LP du trio Wally Shoup/Chris Corsano/Paul Flaherty -Blank Check paru chez Tyyfus, ce disque est la suite d’un premier volume, Bounced Check chez Records (oui c’est bien le nom du label), et avec ces deux LPs on est assuré d’avoir l’intégralité d’un concert de free fulgurant- que je me suis remémoré l’album de Chris Corsano enregistré avec Michael Flower et publié par Textile records, The Radiant Mirror. Un disque consciencieusement laissé de côté pour cause d’ennui, peut être un peu trop habitué que je suis aux duos Flaherty/Corsano, ces deux là jouent tellement ensemble qu’ils ont d’ailleurs un site en commun. Une association qui ne m’a que rarement déçu, de la freeture incandescente, tout dans l’instantané, pas forcément beaucoup d’innovation mais toujours une musique rafraîchissante et bien menée, le même genre de satisfaction que l’on peut éprouver avec un énième groupe punk qui ramone encore et encore : l’absence de prétention et le plaisir absolu.
C’était donc l’occasion de me replonger dans le soporifique Radiant Mirror, jugement qui je m’en rends compte maintenant était hâtif et trop tranché, encore un disque qu’il faut savoir laisser mûrir. Pas la peine de présenter Chris Corsano, jeune batteur pas si désinvolte que ça et que tout le monde s’arrache, un goût vestimentaire plutôt douteux et une force de frappe plus axée sur les peaux que sur les cymbales, le roi de la caisse claire et des roulements de toms c’est lui. Son petit camarade m’est beaucoup moins connu, mis à part le fait qu’il participe au Vibracathedral Orchestra. C’est plutôt l’instrument dont il joue sur The radiant Mirror qui m’a interpellé : au début je pensais avoir affaire à une guitare électrique toute trafiquée, puis je lis dans le livret qu’il s’agit de japan banjo -de quoi ? Les Instants Chavirés où ce concert a été enregistré parlaient eux de shahi baaja c'est-à-dire de guitare électrique indienne. Va pour le shahi baaja, un instrument qui ressemblerait à ceci.
Le son développé par Michael Flower est assez étonnant. Il passe par une amplification qui lui donne un velours saturé qui après plusieurs écoutes ne me laissait pas sans interrogations. Où avais-je déjà entendu de telles stridences acidulées, ces pépites granuleuses sortant de la masse et explosant sur la longueur ? Je crois bien qu’il y a certaines similitudes entre ce son là et celui de Laddio Bolocko, l’album Strange Warmings et pour être précis le titre Y Toros. Alors, too fortiche Michael Flower ? Evidemment que non, s’il y a un génie dans cette histoire, c’est plutôt Drew St. Ivany qui, lorsque Laddio Bolocko existait encore, arrivait à l’occasion à faire sonner sa guitare comme un instrument indien bouffé de saturation ou je ne sais quoi.
Mais revenons à The Radiant Mirror : le son, qui possède un effet de strates spatialisées devait être impressionnant en concert mais les motifs de shahi baaja ressemblent à ce que tout occidental inculte se fait comme idée de la musique indienne, même s’il a eu un jour la chance de voir au cinéma de Le Salon de Musique de Satyajit Ray et -pire- ils accumulent assez facilement tous les poncifs exportés chez nous depuis que Georges Harrisson et Brian Jones ont vu la lumière. Il y a un effet traînant comme ça, plaisant et décontractant au début mais qui peut se révéler irritant à la longue, les couches s’empilent et se chevauchent, tout ça me parait un peu facile, j’ai un mauvais karma. La grosse curiosité du disque est -on aurait pu s’en douter- le jeu de Chris Corsano qui tente de suivre les ondulations concentriques de son camarade et y arrive sacrément bien. Il ne s’énerve qu’à de rares reprises, évite de tout donner d’un seul coup d’un seul, développe son jeu de peaux par palliers et renvoie Michael Flower pisser dans le Gange. Au bout d’un moment, on finit par ne plus écouter que lui, ses roulements, ses coups, reléguant la sauce indienne au rôle d’arrière plan.