lundi 27 août 2007

Machine Gun



Avec sa série Unheard Music Series le label Atavistic a toujours fait du bon travail en rééditant de belle manière quelques trésors oubliés du free jazz et de la musique improvisée : redécouvrir les tous premiers enregistrements de Joe McPhee, déterrer ceux d’Andy Gühl et de Norbert Moslang (avant qu’ils ne prennent le nom de Voice Crack), remettre au goût du jour le seul et unique album de Mount Everest Trio, redonner leurs places aux disques de Haazz & Company, d’Alexander Von Schlippenbach ou de Manfred Schoof, etc. Et bien sûr rendre à nouveau disponible tout le back catalogue de Peter Brötzmann.
C’est avec ce dernier qu’il y a le plus de références : le bonhomme a toujours été très prolifique, ses disques sont souvent parus sur des labels à la durée de vie incertaine ou carrément en autoproduction et aussi mais surtout Brötzmann occupe le devant de la scène depuis quarante années, il est la figure emblématique du free jazz européen, une personnalité marquante, un musicien au parcours sans fautes et à l’apport tellement colossal qu’il en devient difficile à mesurer -qu’en plus il ne soit qu’un gauchiste de merde n’est pas non plus pour me déplaire.


















Le 21 août Atavistic a donc réédité l’un des piliers de l’oeuvre de Peter Brotzmann, à savoir Machine Gun, première parution en 1968. Le titre guerrier est très fonctionnel : ce jazz là ne peut que s’écouter très fort, c’est une façon de nous dire play loud ! Il y a bien évidemment aussi une dimension politique à ce titre mais surtout il s’agissait de l’un des surnoms de Peter Brötzmann, surnom qui lui avait été donné par le trompettiste Don Cherry, ce qui en dit long sur la nature du jeu de saxophone de l’allemand.
La formation qui joue sur Machine Gun est en fait la réunion de deux autres groupes de Brötzmann (son trio et son quartet habituels) augmentée de la venue de l’anglais Evan Parker et de celle de Willem Breuker. En plus de ces deux terroristes nous pouvons donc retrouver sur ces enregistrements aux côtés de Brötzmann : Fred Van Hove (piano), Peter Kowald et Buschi Niebergall (contrebasse), Han Bennink et Sven-Åke Johansson (batterie) -ce qui fait qu’il pourrait s’agir là d’une formation en double quartet telle que l’avait initiée Ornette Coleman dès 1959.
Machine Gun
est à l’origine paru à 300 exemplaires seulement sur le propre label de Peter Brötzmann mais a été maintes fois réédité dès 1972 grâce aux bons soins du label FMP et est toujours resté disponible depuis. La dernière version CD en date était déjà très complète avec quelques alternate takes, inévitables dans le (free) jazz, et la nouvelle publication chez Atavistic n'en diffère que par l’adjonction d’une version en concert du morceau titre, version enregistrée aux alentours de mars 1968. Le problème est que ce live est déjà disponible sur la réédition d’un autre (et excellent) disque de Peter Brötzmann, Fuck De Boere -autrement dit Atavistic réédite un disque toujours disponible et sans aucun inédit.
Cette déception mise à part -et en faisant abstraction du nouvel artwork qui n’apporte rien- cette publication 2007 de Machine Gun peut être l’occasion de se replonger dans le maelström de ce que l’on a plus tard appelé european free improvisation. Si ce disque n’en est pas sa première manifestation à proprement parlé, il en est très certainement la pierre angulaire, le manifeste indémodable. La violence incroyable des saxophones, la frénésie des rythmiques, le tintement martelé du piano, tous ces éléments ont contribué à délimiter une nouvelle friche musicale qui ne demandait plus alors qu’à être explorée. Vraiment incontournable.