lundi 10 juin 2013

One Lick Less / Spirits of Marine Terrace


Il y a indubitablement une marque de fabrique ONE LICK LESS. Une marque de fabrique ? Oui : au delà de cette formulation un rien barbare car trop restrictive on veut signifier par là que One Lick Less s’est rapidement forgé une identité propre, toute personnelle, reconnaissable entre mille et, qui plus est, aussi inimitable que passionnante. & We Could Be Quiet, le premier album du duo, est un disque qui est régulièrement revenu sur la platine, un disque fourmillant d’idées brillantes, de nouvelles (re)découvertes à chaque écoute, un disque pour lequel on a eu un réel coup de cœur. Et ça dure encore.
Il s’agissait donc pour One Lick Less de donner une suite à ce premier essai impressionnant. Malgré un mauvais caractère généralisé et de type fortement égocentré, je ne pense absolument pas – et ne penserai sans doute jamais – qu’un groupe me doive quelque chose sous prétexte que j’ai adoré l’un de ses précédents disques (ou concerts). Il ne manquerait plus que ça. Alors oui, il arrive que le miracle se reproduise tout comme on a le droit d’être éventuellement déçu. Et puis après ? Aimer un disque tel que & We Could Be Quiet est déjà une expérience aussi riche que possible. Le reste n’est qu’une question de personne (toute chronique de disque reflète un avis et tout avis est par essence subjectif), de moment (celui de l’écoute) et de temps (celui qui s’écoule avant que l’on se décide à réécouter – ou non – tel ou tel disque). Et ouais.




Pourquoi prendre autant de précautions avant de parler réellement de Spirits Of Marine Terrace ? Et bien… Uniquement pour faire durer le plaisir. Car ce deuxième album de One Lick Less est tout simplement en train de se frayer son petit chemin à lui et de se trouver une place bien au chaud dans mon cœur d’artichaut, juste à côté de son prédécesseur (ce qui donc n’est pas peu dire). En un mot comme en cent, je savoure. Je savoure et j’ai un peu peur, c’est vrai, de ne pas trouver les mots justes pour décrire Spirits Of Marine Terrace et pour décrire ce que je ressens à chacune de ses écoutes.
Puisque on parlait de « marque de fabrique », précisons que One Lick Less développe toujours les quelques mêmes éléments essentiels : du lapsteel et du chant (Julien Bancilhon) et de la batterie en mode balayage vibratoire (Basile Ferriot). L’alchimie entre les deux musiciens est de plus en plus formelle et complète, chacun procédant par petites touches qui se répondent mutuellement. La musique de One Lick Less est extrêmement sensitive c’est-à-dire qu’elle se traduit – en plus des encoches cardio-affectives – par une multitude de prises directes et de fourmillements crochus, voilà bien un disque attachant et ensorcelant à plus d’un titre.
On remarque cependant deux choses sur Spirits Of Marine Terrace : l’utilisation semble-t-il un peu plus intensive d’une guitare électrique classique (et non pas lapsteel) et, également, davantage de chant. Il y a toujours de longs passages instrumentaux dans la musique de One Lick Less mais le chant prend ici plus d’importance et surtout une toute autre ampleur, devenant plus aguerri et, conséquemment, davantage porteur d’émotions – à tel point que One Lick Less ose même reprendre Robert Wyatt (le superbement ténu Alifib – un titre du mythique Rock Bottom). Les chansons et compositions du duo gagnent donc en épaisseur et en intensité, jouant un tout petit peu moins avec le funambulisme pour convoquer la fée électricité à une fête dominée par des contrastes et des clairs-obscurs saisissants.
On peut penser à beaucoup de choses en écoutant Spirits Of Marine Terrace, des choses telles que David Grubbs/Gastr Del Sol (la partie introductive du superbe Unkind Folk Tale par exemple) et sans doute qu’au sujet de ce disque un amateur éclairé de blues du delta et des bayous pourrait également étaler sa science en matière de vieux bluesmen aveugles et maudits mais qu’importe… Ce qui reste, ce qui est réellement important, c’est ce qu’arrivent à faire les deux One Lick Less de ces références/influences supposées : une musique d’une subtilité inouïe, d’une richesse inépuisable et, plus que tout, une musique dont on sait d’ores et déjà qu’elle va nous accompagner longtemps, très longtemps. Lorsque votre petit cœur et votre esprit ratatiné se mettent au diapason à l’écoute d’un disque, c’est que tout simplement que vous tenez là un disque aussi essentiel qu’irremplaçable.

Spirits Of Marine Terrace est publié sous la forme d’un combo LP + CD par Les Disques De Plomb, Whosbrain Records et VLA Records c’est à dire la division rondelles pour tous d’En Veux Tu ? En V’la !, les stakhanovistes de l’organisation de concerts sur Paris. L’artwork est absolument superbe (même si il est difficile de s’en rendre compte sur l’image ci-dessus) et la pochette est une sérigraphie réalisée par les petites mains expertes de Brian Cougar.