lundi 19 octobre 2009

Black Cobra / Chronomega























Le meilleur argumentaire pour sauver Black Cobra et Chronomega, le nouvel album du duo, c’est d’affirmer qu’ici il n’y a pas de place pour les poussées alambiquées et autres boursouflures progressives qui font tellement de ravages dans les pauvres petites cervelles meurtries et flasques de nos contemporains métallurgistes et/ou mélomanes - retourne donc écouter du jazz pauvre mec. Après, dans le détail, il est vrai que Chronomega est moins bon que Feather And Stone qui lui-même l’était moins que Bestial, premier album coup de poing de Black Cobra. C’est la gentille et relative dégringolade d’un groupe qui jusqu’ici proposait un hardcore brutal et épais, pas très loin d’un Buzzov-en joué pied au plancher et la bave aux lèvres avec des passages d’une lourdeur poisseuse et maniaque. Et oui, rappelons qu’il y a un ex Cavity dans Black Cobra (Jason Landrian, à la guitare et à la voix) même si celui-ci est arrivé tardivement dans le groupe - au moment du dernier album On The Lame - et n’y est donc absolument pour rien dans le petit chef d’œuvre buzzovenien de Cavity, le EP Laid Insignificant récemment réédité par Hydra Head.
A l’époque de Bestial Black Cobra n’apportait rien de bien original mais possédait une fraîcheur et un sens du rentre dedans plus que bienvenus. Chronomega (premier album du groupe pour Southern Lord) n’a plus cette fraîcheur. D’abord l’effet de surprise est largement passé - l’effet de surprise c’est cette illusion conceptuelle souvent confondue avec le phénomène de surenchère propre au metal et au hardcore, Black Flag ralentissant et s’alourdissant sur la deuxième face du LP My War en 1984, ça c’était une vraie surprise comme on n’en connaît plus guère aujourd’hui - et deuxièmement le son du groupe a quelque peu évolué. Billy Anderson était derrière la console et il a concocté pour Black Cobra une production un peu trop clean(ique) et lisse. Quelle drôle d’idée aussi.
En sourdine donc les guitares à la sursaturation grésillante et grasse, fini le chant d’écorché néanderthalien. Chronomega arrondit parfois trop dangereusement les angles, étouffe la saleté et écrête les niveaux alors que paradoxalement les titres sont plus speed qu’auparavant (il n’y a pas de vrai passage rampant et boueux) avec des relents disons plus, hum, rock’n’roll - on se rapproche même de High On Fire - et avec également quelques riffs bien désuets, comme des airs de thrash à la Slayer. Si on ajoute que le niveau de composition est également un peu plus faible qu’auparavant, on obtient un disque correct et gentiment efficace, qui glisse tout seul mais qui glisse surtout un peu trop facilement : idéal pour se vider la tête dès le matin mais qui donc ne restera pas en mémoire comme Bestial avait su le faire.