vendredi 20 février 2009

Full Blast / Black Hole
























En 2006 Peter Brötzmann, Marino Pliakas et Michael Wertmüller publiaient un premier album de leur trio sur le label Jazzwerkstatt : Full Blast était même la première référence de ce tout nouveau label entièrement dédié à ce bon vieux free jazz libertaire européen, un peu poussiéreux il faut bien le dire et très largement inspiré par les dernières œuvres de Coltrane et surtout (en ce qui concerne Brötzmann) par ce génie de l’incandescence qu’était Albert Ayler. Full Blast était surtout une sorte de renouveau pour le saxophoniste allemand, accompagné pour l’occasion de Pliakas, un bassiste (électrique) jusqu’ici inconnu de nos services et de Wertmüller l’ex batteur fou d’Alboth!. Ce dernier avait déjà une bonne expérience du free puisque ayant auparavant joué aux côtés de Werner Lüdi. Mais rien ne préparait aux séismes infligés par Full Blast, album imposant sur lequel Peter Brötzmann retrouvait enfin cette ivresse rock et cette furie qu’il nous avait déjà fait goûter avec Last Exit (son quartet en compagnie de Sonny Sharrock, Bill Laswell et Shannon Jackson) dont l’album Köln a également été réédité par Jazzwerkstatt. Ivresse et furie peut être mais sans le même sens du groove, plutôt un cyclone que le grindeux moyen n’aurait pas rejeté trop catégoriquement.
Aujourd’hui Full Blast est devenu le nom à proprement parler du trio Brötzmann/Pliakas/Wertmüller qui publie un nouvel enregistrement sur Atavistic, Black Hole. Ce disque prend d’abord la forme d’une déception. Le son y est petit, essentiellement celui de la basse électrique qui en plus se fait bien trop discrète, bien trop fluide et coulante. Le jeu de batterie de Wertmüller délaisse de plus en plus les bourrasques grind pour se concentrer sur les mesures bancales du jaaââââzzzzz et utiliser beaucoup trop souvent les cymbales. La petitesse du son ne lui rend également pas vraiment service. Reste Brötzmann, un chouïa moins terroriste qu’à l’accoutumée, cherchant l’atmosphère plus que le choc. Full Blast a donc décidé de modifier son propos, s’écoute un peu trop en train de jouer, a perdu le sens de l’urgence délirante mais aussi de la rudesse du vocabulaire -mais là, un peu moins- hérités de Last Exit. Dommage. On finit par s’habituer à ces nouvelles compositions bien plus domestiquées et sages que précédemment mais par contre jamais on ne peut se faire à ce son triste et sans vie de l’enregistrement studio (on ne félicitera pas l’ingénieur du son, il a été stagiaire auprès de Manfred Eicher ou quoi ?).
Par contre, Black Hole est disponible sur son tirage de tête (mille exemplaires) avec un CD bonus comprenant un enregistrement en concert datant de 2005. Le trio y est en très grande forme, le son y est fatalement plus grossier (quoique de très bonne qualité) et surtout l’énergie est bien présente. On n’échappe pas au solo de saxophone ni à celui de batterie -qui s’apparente plus à un déluge qu’à une démonstration- mais ce n’est pas très grave puisque le trio, Brötzmann en tête, fonce tout droit dans le mur, l’explose, passe à travers et continue sa course effrénée vers encore plus de folie furieuse et de freeture en ébullition. Malgré leur longueur, les sept titres présents ici renouent avec une hystérie salutaire et inspirée. Un excellent live qui vient donc tempérer la déconvenue relative de Black Hole. Reste à voir Full Blast un jour en concert parce que franchement, dans le genre, le groupe semble plus que tenir ses promesses…