jeudi 22 novembre 2007

Liars, les nouveaux technocrates du rock

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Je m’attendais à une grosse affluence pour la venue des Liars au Grrrnd Zero mais, surprise, lorsque j’arrive devant la salle il y a personne qui attend dehors et une fois à l’intérieur ce n’est pas la folie ordinaire d’un concert de musique de jeunes. Ça tire un peu la tronche du côté de l’organisation et c’est normal, j’imagine qu’une prestation des Liars doit engendrer pas mal de dépenses et le prix attractif de la place (8 euros contre 20 à Paris par exemple) n’a visiblement pas été suffisant pour faire le plein. Heureusement la salle finira par se remplir -disons que l’on atteindra quatre cent entrées, ce qui est un joli score dont je pense qu’il aurait pu être largement plus élevé, même pour un concert en semaine. L’arrivée tardive de pas mal de gens s’explique peut être par le nombre de premières parties (trois au total) et cette habitude bien locale qui consiste à débarquer sous le coup de 10 heures du soir quoiqu’il arrive. Ce qui en l’occurrence est fort dommage car, à une exception près, les trois premiers groupes valaient vraiment le coup d’oeil et d’oreille.
Je ne suis absolument pas client de la musique que joue Kickball, une sorte de pop gentiment épileptique et saccadée (j’imagine Pavement ou un groupe de cette trempe qui essayerait de faire une reprise de US Maple sans y arriver) et en plus je déteste les batteuses en santiags et les chanteurs avec bonnet péruvien. Passées ces considérations esthétiques, je suis bien obligé de constater que la voix du chanteur est beaucoup plus supportable en concert que sur disque, que la batteuse me botterait le cul aussi âprement qu’elle tape sur sa batterie si elle savait ce que je viens de dire sur ses groles, que le côté nounours herborisé du bassiste me plait bien et que globalement ce que j’entends me pousse vers un certain sentiment de satisfaction. Surtout, j’admire attentivement le guitariste/chanteur qui se dresse sur la pointe des pieds constamment, se cambrant puis se tordant légèrement, dans une parfaite imitation de la danse du poulet. Je laisse Kickball poursuivre son set parce que je suis soudain hélé par une main amie : je quitte le coin de la scène contre lequel je m’étais appuyé (le groupe joue devant et à même le sol, c’est trop à la mode) pour me livrer aux mondanités et autres célébrations d’usage, ce soir il va même y avoir de quoi.
L’affiche du concert annonçait que le concert était pour Clara Clara l’occasion de fêter la sortie de son album (sur SK records) mais l’album n’est pas là, il a pris un peu de retard en même temps que l’ensemble du fret transporté ces derniers jours par les chemins de fer français, tant pis, j’espère tout de même pouvoir parler de ce disque très bientôt. Tant pis aussi pour le concert car malheureusement, les nombreux fanatiques de ce jeune groupe talentueux se sont amassés autour de lui (Clara Clara aussi joue au sol) ce qui fait que pour voir et entendre quoi que ce soit cela va être un peu difficile pour moi. Je réussis à m’approcher un peu pour goûter à leur noise synthétique et rageuse mais toujours ludique (au programme : basse, batterie et synthé acidulé genre bontempi) mais je finis par renoncer pour retourner aux mondanités et autres célébrations mentionnées un tout petit peu plus haut. Sur le chemin du bar je croise un vieux de la vieille des concerts sur Lyon qui maugrée qu’avec les groupes qui jouent par terre on y voit rien et qu’en plus ça fait un son de merde. Je n’arrive pas à lui donner tort.






















Pour leur tournée, les Liars se font accompagner par HTRK. A ma droite un guitariste qui ne sourira et n’enlèvera jamais sa capuche de tout le concert. Au centre une belle brune habillée d’une curieuse combinaison près du corps (seule faute de goût : elle porte des escarpins blancs vernis à talons hauts alors que moi j’aurais plutôt opté pour des bottes en plastique avec des fleurs multicolores). A ma gauche un bassiste avec des bras magnifiques et finement musclés -j’ai passé une bonne partie du concert à tenter d’imaginer ses épaules et son dos. La boite à rythmes se met en marche, la guitare déchire l’espace avec un son qui n’est pas sans me rappeler le Jesus And Mary Chain de Psychocandy, la basse reste inflexible et ronde tandis que la chanteuse tape à intervalles réguliers sur un tom basse à l’aide d’une maracas. Parlons en de la chanteuse, elle n’élèvera jamais la voix, se contentant de réciter ses paroles d’une voix atrocement monocorde et ouvertement sans passion. Je sais bien que c’est fait exprès mais pendant tout le concert de HTRK je vais attendre qu’elle se mette à dérailler comme pourrait le faire une Lydia Lunch (qui s’y connaît en voix traînante et monocorde) mais non. Musicalement ce que j’entends me fait penser à de la cold wave robotique sur fond de guitares à la My Bloody Valentine et consorts. Je m’ennuie et je m’aperçois rapidement que j’ai oublié quelque chose au bar donc j’y retourne. Je tombe en plein milieu d’une discussion à propos de ces sujets typiquement masculins que sont les couches pour bébé et les biberons nocturnes et je ne manque pas d’y prendre part activement.
J’attends patiemment que les Liars montent sur scène. Ces derniers jours j’ai réécouté leur dernier album en date (le sans titre) et une fois de plus je ne l’ai pas du tout aimé. Un disque indigne de ce dont ce groupe est réellement capable. Avec le batteur et le guitariste/percussionniste/homme à tout faire débarque un guitariste de scène, au milieu un micro attend l’arrivée du chanteur et je comprends que ce musicien additionnel est là pour laisser plus de liberté de mouvements au chef. Bien. Les premiers échos retentissent, malgré le son un peu faible sur les guitares je suis irrésistiblement attiré vers la scène, cela sonne presque comme du vieux Sonic Youth, le riff me fait même carrément penser à Brother James. Le grand Angus débaroule enfin, en anorak (c’est la mode) et torchon/bonnet rouge sur la tête. Il bouge beaucoup, se dévêt de façon ostensible, parle le french, calcule ses effets, ses attitudes, ses enchaînements -c’est bien préparé et ça se prétend comme tel, un vrai show démagogique. Il est évident aussi que sans l’homme orchestre Aaron Hemphill les Liars ne seraient vraiment pas grand-chose : c’est lui qui fait tout le travail, assure le côté étrange de la musique ainsi que sa cohésion alors qu’Angus Andrew n’est là que pour la façade d’un spectacle trop bien rodé (sauf peut être au moment où il se vomit un peu dessus).
En ce qui me concerne les morceaux les plus récents passent mal la rampe alors que ceux de Drums Not Dead (avec ce supplément de transe percussive) m’emmènent un peu plus loin. Je décroche sur Freak Out, un morceau entièrement pompé sur Jesus And Mary Chain (oui, encore eux) puis remonte la pente. En fait je vais passer mon temps à faire des montagnes russes, m’efforçant de ne pas trop regarder le chanteur faire le singe. J’abandonne définitivement sur Plaster Casts Of Everything que je n’imaginais même pas aussi putassier en concert. Conformément à leur réputation les Liars n’auront pas joué plus d’une heure. Par contre ils se sont particulièrement bien appliqués pour tenter de remporter le titre du groupe le plus intelligemment populaire et je pense qu’ils vont finir par y arriver. Ils peuvent parfois engendrer quelques chefs d’oeuvres de bizarrerie mais l’optique actuelle semble plus près de la communication (communion ?) à tout prix et quoi qu’il arrive. Il faudra uniquement à l’avenir penser à enregistrer de bonnes chansons et publier un album digne de ce nom pour continuer justement à avoir des choses à dire.