lundi 19 novembre 2007

Du post punk et de la frustration

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J’ai eu un peu de mal à terminer ce bouquin de Simon Reynolds, Rip It Up And Start Again, aux Editions Allia. Ce ne sont pas les six cent cinquante et quelques pages qui m’ont épuisé mais l’objectif avoué -un panorama de toute la musique créée après l’explosion punk et les désillusions qui suivirent immédiatement- qui me semblait un peu louche. Qu’est ce que le post punk selon Reynolds ? Tout simplement une musique rejetant le primitivisme rock’n’roll et réactionnaire du punk originel et privilégiant le groove du funk ou du dub et donc la danse. Si certains groupes des débuts rentrant dans cette catégorie -A Certain Ratio, PiL, The Pop Group, Gang Of Four- font partie de mes préférés, les longues pages consacrées à la New Pop m’ont elles paru bien fastidieuses.
Il s’agissait avec ce livre de décrire le désenchantement de toute une génération de musiciens et leur conversion au Dieu Argent, tout ce qui a rendu ces années 80 aussi détestables. Ainsi on peut suivre les aventures d’un requin de studio spécialisé dans le rock progressif réussir un premier gros coup avec les Buggles (Video Kills The Radio Star), lancer Art Of Noise puis fonder un label abritant Frankie Goes To Hollywood ou Propaganda. En lisant ces pages, il apparaît clairement qu’à l’époque Simon Reynolds, alors jeune adulte en quête de divertissements festifs, avait à fond marché là dedans. Il en profite donc pour minimiser la musique industrielle (et la réduire à son ersatz Electronic Body Music), tailler un short au gothique, quasiment ignorer la scène new-yorkaise du milieu des années 80 (Sonic Youth, Swans, Live Skull…) en l’accusant de ne resservir que les mêmes vieux plats no wave datant de la décennie précédente.
Aller en Angleterre pendant ces années là revenait à être terrorisé par la musique qui dominait alors les charts (en plus des groupes déjà cités : Duran Duran, Eurythmics, etc) tout en évitant soigneusement les hordes de skins nationalistes et violents écoutant de la Oï, rejeton ultra caricatural du punk. Le livre de Simon Reynolds ne s’éternise jamais sur ces deux impasses stylistiques, se contentant d’affirmer que le vrai post punk est mort en même temps que Ian Curtis et justifiant ses goûts par le formidable succès populaire rencontré par les groupes qu’il aimait alors -sa fascination répond toujours au même critère : un passage réussi à Top Of The Pops suivi d’une entrée fracassante dans le top ten suffisait amplement au bonheur de l’auteur. Aux alentours de 1983, je me rappelle de mon désarrois de pauvre gamin face aux chevelures multicolores de crétins comme les Thompson Twins et à l’absence de toute optique arty (même si je ne l’appelais pas encore de cette façon là) dans la musique de l’époque -une impression bien évidemment fausse, il fallait juste aller chercher ailleurs. Ainsi, ce livre m’a juste rappelé quelques très mauvais souvenirs tout comme il m’a permis de comprendre par où j’avais pu passer pour tenter d’éviter tout cet immonde gâchis.


Frustration. Au début je n’y croyais pas à ce groupe, je n’avais même pas envie d’écouter (ne serait-ce que par curiosité) quelques extraits de sa musique et j’avais l’impression d’avoir affaire à un exercice de style de plus -et en fait c’est tout à fait ça. La biographie sommaire trouvée sur internet et que tout le monde reprend faute d’informations complémentaires stipule que les membres de Frustration font partie d’un collectif dont je n’ai jamais entendu parlé et qu’ils ont tous joué dans des groupes qui me sont totalement inconnus -ah si, il y a Warum Joe, les psychorigides du rock alternatif français dont les titres d’albums (Allah Mode, Les Dents De L’Amer) me faisaient bien rire des années en arrière. L’autre info capitale c’est que les cinq membres de Frustration sont des vieux, peut être même plus que moi. Disons beaucoup plus, ça me rassure.
Le groupe a quelques disques à son actif dont un mini LP 5 titres publié par Born Bad, c’est celui là (Full Of Sorrow, en 2006) qui a fini par atterrir sur ma platine et peut répondre à la catégorisation du post punk selon Simon Reynolds (une musique donnant invariablement envie de danser) mais la contredit également puisque Frustration dépense tout autant une énergie salement rock’n’rollienne pour donner corps à ses chansons. Full Of Sorrow est un pure disque de revival qui s’assume parfaitement. Le groupe chante en anglais, la voix n’est pas vraiment distanciée puisqu’elle n’hésite pas à brailler, la rythmique est robotique mais flexible, la guitare incisive et un clavier pas très tempéré apporte la touche finale en soulignant toute la fervente froideur de la musique. No Trouble (que l’on peut écouter ici avec quelques autres chansons grâce à Rupert Murdock) est un titre parfait pour mettre un peu d’ambiance pendant les booms du dimanche après-midi -encore une bonne définition du post punk.