jeudi 15 novembre 2007

La république des sauvages

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C’est une reformation bien curieuse que celle de Savage Republic, pour tout dire j’avais d’abord cru à une mauvaise blague. Ce groupe -qui bénéficie du statut très galvaudé et pas toujours enviable de culte- n’a publié pendant les années 80 qu’une poignée d’albums pas faciles du tout à trouver, même les rééditions CD datant du début du troisième millénaire se négocient à des prix ridiculement élevés pour des disques pressés aussi récemment et sur un tel support. Alors une reformation ?
C’était pourtant vrai, nombre de vidéos live (comme cette version pas très bonne du classique Jamahiriya) et datant de 2007 tournent sur internet et un mini album limité à cinq cents copies (Siam) a été publié par Neurot recordings, il faut dire que Steve Kelly -grand sachem du label et de Neurosis- a semble t-il toujours été un gros fan de Savage Republic. Des débuts plutôt agités (l’album Tragic Figures d’ailleurs enregistré sous le nom d’Africa Corps) il n’est par la suite resté que le principal, en gros le tranchant des guitares, et après les inévitables changements de line-up, la musique du groupe s’est stabilisée autour d’un post punk atmosphérique curieusement tribal et influencé par Can ou par des apports extérieurs aussi ethniques que variés -ce qui ne veut rien dire, je l’admet aisément. L’album Jamahiriya Démocratique Et Populaire De Sauvage (1988) est sans hésitation possible ce que Savage Republic a fait de mieux.























Est-ce que l’histoire va se répéter en 2007 ? 1938 est le titre du premier album de Savage Republic depuis 18 ans. Dessus on retrouve quatre des cinq titres déjà présents sur Siam -le groupe n’a pas jugé bon d’inclure le cinquième, une reprise d’Echo & The Bunnymen, peut être se sont ils finalement rendus compte que reprendre un tel groupe n’était pas forcément une preuve de bon goût. Dès les premières écoutes, il est un peu désarmant d’être obligé de constater que les meilleurs titres sont ceux qui ne sont pas réellement inédits. Le reste se partage entre le bon et l’anecdotique avec par exemple, en septième position, Song For Rikki et son post rock tellement banal et plan-plan qu’il en ferait passer la doublette Mogwai/Mono pour de dangereux terroristes. A l’avant-dernière place, Zelo n’est pas mal aussi dans le genre. L’utilisation du violon paraît également trop conventionnelle, il eût sans doute été préférable que cet instrument soit moins mis en avant ou -beaucoup mieux- qu’il ne se contente pas de diriger avec opportunisme des mélodies franchement attrape-couillon (White Ginger faisant partie des exceptions remarquables).
Cela semble faire beaucoup de bémols pour un seul disque mais globalement, et malgré les longueurs -Caravan qui s’éternise au delà des dix sept minutes, ce sont les chiens qui trépassent- 1938 est un bon album, honorable, même si malheureusement et par la force des choses il est le plus facile à trouver de tous les disques de Savage Republic. C’est que pour aimer ce groupe comme il se doit il ne faudrait pas commencer par 1938. Disons simplement -amis sophistes bonjour- que le principal défaut de ce disque est qu’il ne s’appréciera qu’à la lumière des précédents. J’y retrouve les guitares inventives, la basse qui mène la danse, les percussions tribales (ah ces roulements), les influences extérieures (Europe de l’est, Moyen-Orient ou Asie), le côté sombre, la tension palpable avant l’explosion, le chant (rare) ressemblant plutôt à une invocation (l’excellent Torpedo) mais cela ne suffit pas, il manque quelque chose, le côté brut peut être -la production me parait bien trop lissée pour être du Savage Republic- ou le côté primal, celui qui exorcise. Mais je suis bien content quand même d’avoir eu des nouvelles de cette musique là.