lundi 10 décembre 2007

Jazzwerkstatt


Le label Jazzwerkstatt (basé à Berlin et à ne pas confondre avec son homologue viennois, également très intéressant) poursuit son petit bonhomme de chemin, c'est-à-dire organise des concerts de free jazz et de musique improvisée à Berlin ou Postdam et publie sporadiquement des disques : Peter Brötzmann, Rudi Mahall, Last Exit, Charles Gayle ou Steve Lacy figurent au catalogue. Il y a une homogénéité semble t-il parfaitement revendiquée en ce qui concerne la présentation des disques et le design des pochettes. Si on ajoute à cela le mode de fonctionnement de ce workshop jazzophile, on obtient une maison dans les caractéristiques et la couleur du crépi (mais pas encore la taille des pièces ni la superficie au sol, patience…) font indéniablement penser à un autre label berlinois : Free Music Productions, alias FMP, grand et prestigieux label s’il en est et qui abrite également la plupart des musiciens que l’on retrouve sur Jazzwerkstatt.
A noter la référence jw024, Touchin’ On Trane, par le trio composé de Charles Gayle, William Parker et Rashied Ali : je me demande si celle-ci correspond au même disque que celui publié en 1993 par FMP ou s’il s’agit d’une nouvelle version (en concert ?). Au passage, la référence FMP est peut être l’un des meilleurs enregistrements de Charles Gayle et c’est également le plus beau (à défaut d’être le meilleur ?) disque enregistré en hommage à John Coltrane que je connaisse et ce sans la moindre reprise issue du répertoire du saxophoniste aux pas de géant. Il va donc falloir que j’écoute la version Jazzwerkstatt pour en avoir le coeur net. Pour information, on peut trouver ici le descriptif technique des références du label mais malheureusement pour l’instant il n’y a que les seize premières.




















Ecouter les disques de Jazzwerkstatt est un peu problématique : ce label est très mal distribué mais les gens qui s’en occupent ont eu la bonne idée de le faire également par eux même (il suffit de leur envoyer un petit mail) et à des prix raisonnables. Ce n’est pas la quête du Graal mais presque, une quête dont les efforts sont toutefois justement récompensés. Ceci dit, c’est tout de même préférable à une distribution française via Orkhêstra, distributeur soi-disant spécialisé dans les labels difficiles (Tzadik, ReR Megacorp, Sub Rosa… ) dont la politique de prix -tellement élevés qu’ils en deviennent prohibitifs- est d’autant plus scandaleuse qu’Orkhêstra exige l’exclusivité de la part des labels qu’il distribue. Ainsi, Metamkine a par le passé été plusieurs fois obligé de renoncer à vendre par correspondance les références de certains labels pour devoir respecter cette clause d’exclusivité -ce qui est fort dommage lorsqu’on sait qu’un disque vendu par Metamkine est en moyenne 50 % moins cher qu’un disque vendu par Orkhêstra…

Les deux dernières références Jazzwerkstatt sur lesquelles j’ai pu mettre les oreilles sont Sonore, Only The Devils Has No Dreams (jw013) et Rudy Mahall Quartett (jw019). La première présente en fait un trio composé de Peter Brötzmann, Mats Gustafsson et Ken Vandermark enregistré lors d’un concert organisé par le label à Berlin (bien sur) le 27 septembre 2006. Le second est un enregistrement studio du quartet conduit par Rudi Mahall (clarinette basse) accompagné de Aki Takase (piano), Johannes Bauer (trombone) et Tony Buck (batterie, connu des rockeux amateurs de sensations fortes parce qu’ayant participé à Kletka Red au côté d’Andy Ex ou à Peril avec Otomo Yoshihide). J’avais tendance à trouver Only The Devils Has No Dreams plus hermétique que le Rudi Mahall mais j’ai fini par me raviser : un trio de saxophones, sur le papier, ça ne fait pas forcément envie à tout le monde mais celui-ci (grâce notamment au toujours très mélodieux Ken Vandermark) privilégie les notes et non pas les bruits de tuyaux, le chromatique au mat de l’acier poli. Le quartet de Rudi Mahall lui ne s’éloigne jamais de certaines caractéristiques d’un free jazz typiquement européen et pratique l’improvisation sur un mode qui désormais peut paraître daté voire éculé. Vieille de quarante années en ce qui concerne ses premiers participants, cette scène européenne rabâche un peu, se mord la queue mais il n’empêche que Jazzwerkstatt prouve qu’il se passe encore de bonnes choses de ce côté là. Après, c’est juste une question de goût.