Will Guthrie
est un batteur étourdissant. Pas le genre de bonhomme à vous ennuyer avec sa
technique irréprochable et ses démonstrations de force, non. Mais un batteur
qui est peut-être le seul actuellement à réussir l’alliance entre flots de
puissance et poésie percussive. Ecouter et surtout voir Will Guthrie jouer en
solo est une expérience proche de l’étourdissement, de la catharsis, presque un
moment de vérité, en tous les cas une révélation. Faire preuve d’autant
d’abnégation dans la persistance – la résistance ? – tout en touchant du
doigt au plus profond de la signification secrète et résonnante des sons est
une chose bien rare.
Depuis une bonne dizaine d’années maintenant cet
australien n’a eu de cesse de développer un style très personnel et
reconnaissable entre mille et l’album Sticks,
Stones and Breaking Bones est ainsi une excellente façon de se familiariser
avec la musique de Will Guthrie d’autant plus que d’après les notes de l’insert
le batteur/percusionniste a voulu présenter ici des techniques et savoir-faire
qu’il a mis des années à trouver et élaborer et qu’il appelle lui-même
« mirror image rhythms ». Il utilise surtout une batterie ultra
minimale et limite les accessoires annexes.
On reconnait que la tentative de capter ce travail
sur disque est osée car un concert de ce batteur hors-normes est un tel choc
émotionnel que vouloir le retranscrire peut paraitre une gageure voire une
tentative complètement vouée à l’échec. Mais le pari est réussi. Réussi parce
que si d’une manière générale un disque de batterie/percussions solo peut par-dessus
tout sembler une démarche saugrenue et vaine Sticks, Stones and Breaking Bones est au contraire un disque
magique et passionnant de bout en bout, un disque de musique vivante. Un délire
d’une maitrise absolue bien au delà de la simple performance. Une approche très
sensorielle bien que très aride et exigeante. De purs moments de beauté comme
ce passage uniquement sur cymbales, gongs et autres objets à forte résonnance.
De purs moments d’abstraction rejoignant presque les programmations polyrythmiques
et entrelacées d’un Autechre en pleine recherche d’irréalité.
Will Guthrie est à sa manière un grand poète des
sons. Son intransigeance et son engagement sont le gage de son absence totale
de posture – il y a une volonté indéfectible et inébranlable derrière
sa musique. Comme un appel de vie. Le titre unique occupant toute la deuxième
face de Sticks, Stones and Breaking Bones
est le plus fou de tous. C’est une composition que Will Guthrie a souvent joué
en concert ces dernières années, c’est en quelque sorte sa signature. La
réécouter sur disque après l’avoir entendu en
live est une belle expérience. Une sorte de course effrénée de pulsations
libres et de transe chamanique. L’effort d’un corps et la générosité d’un cœur illuminant
toujours plus la préscience d’un esprit.
Sticks,
Stones and Breaking Bones a été publié en CD et en LP grâce aux efforts
conjoints de quatre labels avec par ordre alphabétique : Antboy music, Electric Junk records, Gaffer records et enfin Les Pourricords.