mardi 26 juin 2012

Les Pelvis Enragés / Artaud A Tort





J’ai bien réfléchi avant d’écouter ce disque des Pelvis Enragés. Voyons, voyons : Un titre Artaud A Tort en forme de contrepèterie, un artwork d’un goût délicieusement douteux, une référence à ce grand malade d’Antonin Artaud (donc), un groupe qui comprend un synthétiseur très envahissant dans son line-up, du chant (parlé) omniprésent et en français, un invité à l’accordéon sur deux titres, de vagues relents expé/prog dans les coins, une bio inutile qui énumère les autres groupes avec lesquels les Pelvis Enragés ont partagé la scène – c’est pas bien brillant dans l’ensemble – plus les éventuels passages (web)radio de seconde zone ainsi que quelques citations de vieilles chroniques publiées dans d’obscurs webzines et toutes plus mal écrites les unes que les autres… ça fait quand même beaucoup de handicaps à surmonter tout ça. Sans compter que le chroniqueur (moyen) de 666rpm est lui du genre ronchon et moustachu, qu’en matière de musique il lui faut du sang, de la sueur, des poils et de la violence gratuite pour assouvir ses quelques besoins élémentaires.
Alors ? Alors et de toute évidence Les Pelvis Enragés ne sont absolument pas un banal groupe de punk rock mais cela ne les empêche pas d’être largement plus barrés (malades ?) et détraqués que la moyenne. Allez, on reprend l’inventaire.




C’est vrai qu’il y a beaucoup de synthétiseur ici bas, que cet instrument est à toutes les sauces – comprenez utilisé aussi bien en base rythmique puisqu’il n’y a pas de basse dans les Pelvis Enragés mais également en première ligne – et qu’il se marie très bien avec la guitare certes beaucoup moins bavarde, plus sèche et éventuellement noisy. On peut parler de musique progressive à propos des Pelvis Enragés en ce sens que les idées virevoltent, s’accumulent, tirant parfois sur le free jazz mais également du côté d’un pseudo math rock énervé mais ce terme de progressif ne convient pas non plus tout à fait car Les Pelvis Enragés ne jouent à aucun moment la carte de la surcharge, de la boursouflure (et donc de l’écœurement) ou du scintillement et s’il y a outrance elle n’est jamais synonyme d’excès gratuit. En fait, tout ici semble avoir une place pensée et réfléchie, un sens bien précis mais tout coule de source, comme le chant qui tient plus du flow/slam que de la performance vocale.
Ce chant on ne peut vraiment pas passer à côté. Tout d’abord il occupe les deux tiers (les trois quarts ?) de la surface enregistrée d’Artaud A Tort et il est toujours distinct et compréhensible. Même sans avoir les « paroles » sous les yeux on comprend parfaitement ce que raconte ce garçon, on saisit tout l’univers d’Antonin Artaud (qui d’autre ?) et on se rappelle comment on a transpiré en classe de Première en étudiant ce putain de Suicidé De Société. Là aussi tout semble couler de source : tout ceci est logiquement – et fort heureusement – très écrit mais évite toute pédanterie tout comme les pièges de la littérature savante mise en musique. Ce chant qui n’en est pas vraiment un, on pourrait pour faire simple le situer entre un Pete Simonelli mariné à l’absinthe et un Arnaud Michniak sous acide mais question virulence il y a aussi du Léo Ferré là dedans, quand il se prenait pour un prédicateur engagé.
Pour finir, n’ayez pas peur de l’accordéon que l’on entend sur les deux premiers titres d’Artaud A Tort. Vous, vous ne savez peut-être pas ce que cela signifie de partager son toit avec quelqu’un qui joue de l’accordéon au minimum une demi-heure par jour mais moi je sais et je peux vous dire que celui qui intervient dans Artaud A Tort est à prendre comme un complément très réussi des lignes de synthétiseur et de la guitare décrites un peu plus haut.