jeudi 7 juin 2012

Report : Extra Life au Sonic - 03/06/2012





Pour commencer, quelques bonnes nouvelles en provenance du Sonic : la salle dont l’existence était clairement menacée suite à des décisions absurdes (concernant notamment l’annulation sans motif très clair de son autorisation de fermeture tardive) a soudainement assisté au réveil bienveillant des élus locaux – normal c’est le printemps et la gauche libérale, ayant déjà remporté l’élection présidentielle et s’apprêtant à faire de même pour les prochaines élections législatives, se sent pousser des ailes, redevient magnanime et se préoccupe à nouveau des modes de diffusion culturelle à la marge. Merci beaucoup.
Résultat, en plus de l’assurance du soutien indéfectible et sincère des élus locaux (mais pour combien de temps ? et quid de Grrrnd Zero ?), le Sonic a récupéré toutes ses autorisations ce qui a permis à la salle de fêter enfin son sixième anniversaire en organisant le samedi 2 juin une grosse fête/soirée, laquelle s’est éternisée jusqu’à 4 heures du matin, ce qui a engendré une fatigue notoire chez le petit personnel du Sonic – moi je n’y étais pas, je suis beaucoup trop vieux pour toutes ces conneries. Plus sérieusement on espère malgré tout que les promesses données seront enfin tenues et que le Sonic pourra continuer à vivre et à programmer de bons et beaux concerts. On croise les doigts mais rendez-vous est donc pris pour une réouverture en septembre, après la trêve estivale…




Coproduit par Génération Spontanée au Sonic, l’affiche du jour réunit les extraordinaires Extra Life et Happy Church. Happy Church c’est quatre filles et un garçon (déjà aperçu sous le nom de Ludivine Cypher ou avec les Blondette’s). De gauche à droite on compte une flutiste, une violoniste, une violoncelliste, un guitariste et une joueuse de synthétiseur – sans compter que tout ce petit monde chante dans le groupe.
Passé le constat admiratif du niveau de jeu des violoniste et violoncelliste, je dois avouer que la musique d’Happy Church me laisse totalement froid. Pire : mon caractère naturel de vieux grincheux me pousse à honnir une musique aussi positive, gentiment lunée et bienveillante bien que revendiquant un certain sens du rebrousse-poil. Je pars bouder dans mon coin car je ne comprends pas grand-chose à un groupe qui ne m’interpelle pas plus qu’il ne me séduit.




Par contre, s’il y a quelqu’un dans la salle qui semble avoir réellement apprécié Happy Church, c’est Charlie Looker, le chanteur/guitariste/synthé d’EXTRA LIFE. Il ne manquera pas avant de commencer de jouer avec son propre groupe de réclamer une ovation pour celui de première partie. Il recommencera à nouveau vers la fin du concert, rebelote les applaudissements sur commande, évoquant également le souvenir du festival Africantape et le fait que Lyon a toujours réussi à Extra Life (c’est le troisième passage du groupe ici, le deuxième au Sonic).
Ce concert d’Extra Life pour l’Africantape, je l’avais au contraire moyennement apprécié. Sans doute regretterai-je pendant encore longtemps l’ancien line-up du groupe (vu lors du premier concert au Sonic), avec une vraie section rythmique puisque incluant un bassiste parti depuis mais aussi avec Caley Monahon-Ward au violon alors que désormais il joue uniquement de la guitare et de multiples effets et s’occupe de toutes les textures bruyantes (il est également aux côtés de l’omniprésent Ben Greenberg l’un des principaux artisans de l’enregistrement de Dream Seeds, dernier album en date d’Extra Life).




Oui Extra Life c’est toujours le même groupe, sensiblement la même musique mais pas tout à fait non plus – car si Charlie Looker chante et chantera éternellement sur ce mode si particulier, il joue beaucoup plus de synthétiseur qu’auparavant et se contente d’une guitare acoustique sur environ un titre sur deux. Cette façon toute différente de procéder, extraordinairement magnifiée sur Dream Seeds, pour l’instant et sans contestation possible le plus bel album de cette année 2012, le plus lumineux et le plus ensorcelant aussi, j’avais peur de ne pas en retrouver toute la magie en live, comme ce fut malheureusement le cas lors de l’Africantape.
Pourtant, dès les premières notes de No Dreams Tonight, mes doutes se sont envolés en même temps que Charlie Looker vocalisait, entre chant maniéré très 80’s et inspiration baroque, et que Caley Monahon-Ward distillait avec finesse ses textures aériennes. Le batteur Nick Podgurski est lui resté prostré derrière sa batterie. Mais lorsqu’il est enfin entré en action, il est devenu à la fois l’un des principaux pôles d’intérêt d’Extra Life en live mais surtout le pivot mécanique et sensoriel du groupe – tel le géant Atlas soulevant un monde inconnu fait de monts et merveilles.
Des bons batteurs qui tiennent la route on en croise souvent mais un batteur comme celui-ci, à la fois doté d’une frappe colossale mais aussi gracieux qu’un ange illuminé, cela tient de la bénédiction. Le regarder jouer était un véritable plaisir, ne pas trop le mitrailler en photos était une chose difficile à tenir.




La setlist du concert a logiquement été basée sur les compositions les plus récentes du groupe c'est-à-dire principalement celles tirées de Dream Seeds mais aussi du EP 12’ Ripped Heart. Extra Life a définitivement tourné une page pour en ouvrir une nouvelle et l’utilisation soutenue des synthétiseurs – en dehors du fait que ces synthétiseurs permettent également d’assurer dans les basses des lignes rythmiques plutôt tonitruantes – donne un côté toujours plus kitsch à la musique d’Extra Life. Sur nombre de titres Charlie Looker ne fait donc que ça, il enluminure sa musique et lui donne un côté toujours plus baroque, ce côté que certains détestent cordialement.
Pourtant tout le talent de Charlie Looker et d’Extra Life c’est précisément de ne pas tomber dans la citation pure et simple ni d’insuffler un vent douteux de nostalgie (ici il s’agirait de la nostalgie des 80’s). Extra Life, que l’on déteste ou que l’on adule sa musique, est aujourd’hui le seul groupe qui arrive à proposer quelque chose d’enfin créatif, une musique qui ne soit pas une redite stricto-sensu ni une posture revivaliste. Sans affirmer qu’Extra Life joue la musique de demain – ce qui serait aussi stupide que parfaitement inopportun – on peut par contre affirmer le trio joue une musique d’aujourd’hui : pas besoin d’une ou plusieurs vies supplémentaires pour y prendre plaisir car après il sera trop tard.




Juste avant le dernier titre Charlie Looker prévient : nous allons jouer un morceau très long et ce sera le dernier. L’intro du magnifique Blinded Beast, chef-d’œuvre de Dream Seeds, retentit alors. Un titre exalté, luxuriant, presque labyrinthique et pourtant d’un éclat aveuglant. Le batteur Nick Podgurski fait à nouveau des merveilles (ce n’est qu’à ce moment là que je remarque que sa grosse caisse est attachée de chaque côté à son tabouret pour éliminer tout effet de recul) et Extra Life nous emmène très loin, vraiment très loin. Ce concert est bien parti lui aussi pour mériter la palme du plus beau concert de cette année.

[et effectivement il n’y aura pas de rappel]