jeudi 26 juillet 2007

Viande froide

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Khanate s’est séparé fin 2006, plus exactement le bassiste James Plotkin est parti brutalement en accusant les autres membres du groupe de ne pas assez s’investir et ceux-ci ont alors décidé de ne pas continuer sans lui -pour être plus précis il visait particulièrement le chanteur Alan Dubin et pour la petite histoire ces deux là avaient déjà joué ensemble dans O.L.D. (aka Old Lady Drivers), groupe s’étant lui-même séparé pour exactement les mêmes raisons, Plotkin qui reprochait à Dubin son manque de professionnalisme, etc, une petite histoire qui se répète, donc.
Khanate s’est séparé mais le groupe a eu le temps avant d’enregistrer un ultime album, une longue improvisation mise en boite pendant la session de Capture/Release : ce n’est pas une composition viscéralement calculée comme le groupe nous y a habitué et j’imagine qu’une telle musique doit ressembler à celle des deux premiers albums d’Abruptum, groupe dont Stephen O’Malley, l’autre tête pensante de Khanate, est particulièrement fan. Alors, sortira, sortira pas ? Le label Hydra Head ne donne que peu de nouvelles, Plotkin a-t-il seulement fini le mixage de ces bandes (la post production est quelque chose de très important chez Khanate) ? Vont-ils réussir à se mettre d’accord ? La surprise est alors venue de la publication de deux enregistrements en concert du groupe, le premier à Stockholm en 2004 et le second en 2005 pendant une tournée américaine. C’est le label Archive qui est responsable de ces deux sorties, comme toujours impeccables : les disques sont insérés dans un carton dépliable soigneusement illustré et le tout est glissé dans un sachet plastique avec rail de fermeture, façon emballages antistatiques pour produits informatiques très fragiles.






















Ecouter Khanate en concert est une expérience vraiment intéressante : d’abord je ne les ai jamais vus en vrai (et ne les verrai donc jamais) mais surtout -comme dit un peu plus haut- le studio était un terrain de prédilection pour le groupe, l’expérimentation y passait également et surtout par la production, le mixage. Un mode de fonctionnement très réfléchi et presque théorisé, du reste c’est le principal reproche fait à Khanate par ses détracteurs, nombreux qui plus est, que ce côté cérébral.
Cérébral ? Oui, c’est vrai même si la musique de Khanate plonge ses racines dans des genres plutôt fortement émotionnels tels que le doom, le drone ou le sludge (traduction, par ordre d’apparition : du lourd, du répétitif et du gras) mais des genres suffisamment malléables pour en faire ce que l’on veut, autre chose -dernier exemple en date avec la formidable réussite de la collaboration entre Fear Falls Burning et Nadja chez Conspiracy records.
Donc des enregistrements live, inégaux, parfois longuets, souvent passionnants, repartis sur deux CDs : le premier (à Stockholm) est de très loin le meilleur et met en évidence tout ce que Khanate doit aux Swans de l’époque Greed/Holy Money (on peut d’ailleurs faire la comparaison avec le live Public Castration Is A Good Idea des new-yorkais), tout ce côté cérémonie, rituel, presque sacrificiel, la viande froide sur un autel, le physique maltraité, le mental abasourdi, le cœur entravé. Il va de soi que la musique de Khanate gagne un supplément de rugosité et de sauvagerie sur ces enregistrements en concerts (la qualité sonore est très bonne) mais tout est toujours aussi lent, presque immobile par moment -et c’est une bonne définition de la lourdeur lorsque cette immobilité concerne de telles fréquences basses. Tout est plus suintant aussi, je suppose que c’était là le côté humain de Khanate en concert car d’humanité il n’y en a au final pas beaucoup ici ou plus exactement il n’en reste plus vraiment après le passage de cette musique, d’ailleurs les applaudissements récoltés en fin de set sont maigrichons voire timides et peut être que le terme de passage à l’acte serait plus approprié, une musique qui semble agir par elle-même, une création qui se transforme en quelque créature, mais tout ça n’est sûrement qu’une vue d’esprit de ma part.
[et encore une image volée sans états d’âme]