mercredi 4 juillet 2007

Le râle des machines maltraitées


J’ai réécouté Nine Suggestions, un album de John Duncan accompagné de Mika Vainio et de Ilpo Väisänen -autrement dit Pan Sonic- et j’ai à nouveau été déçu : c’est un peu plat et désertique à mon goût, cela manque de continuité et de flux, exactement le genre de reproches que je peux habituellement trouver à la musique de Duncan. OK, mais n’y a-t-il pas également un peu de Pan Sonic sur ce disque ? J’ai déjà remarqué que ceux-ci sont de formidables caméléons : un de leurs enregistrements se reconnaît toujours sans difficulté aucune mais dès qu’il s’agit d’une collaboration, les deux finlandais se fondent dans le paysage : V en compagnie de Masami Akita transpire du Merzbow par tous les pores tandis que le disque avec Charlemagne Palestine publié par Staalplaat dans la collection Morts Aux Vaches laisse la part belle au vieil amoureux des drones, de la musique répétitive et autres ours en peluche.
Pan Sonic a très certainement été le dernier grand révélateur dans la musique électronique expérimentale -à la même époque mais dans un genre différent il y avait également Oval ou certains des artistes du label Mego- genre qui depuis ces dernières petites trouvailles n’en finit pas d’être décliné à toutes les sauces, tous les mélanges sont autorisés et les redites sont légions. Pan Sonic c’est le domaine de l’agression maximum et de la surenchère dans un cadre minimaliste, ce qui aujourd’hui est un peu passé au second plan dans le paysage actuel après l’avènement au début des années 2000 des musiques dites de l’effacement (souvent liées à l’improvisation), du craquement, la scène Onkyo au Japon (Sachiko M, Toshimaru Nakamura) mais également toute une mouvance plus popisante voire dubisante (et allemande) incarné par le label Scape par exemple.
Enfermé dans sa contrainte formelle (en effet, quoi de plus inconfortable que d’avoir réussi à amalgamer sous un nouveau vocable des éléments déjà anciens mais donnant ainsi l’impression de la nouveauté ?) Pan Sonic a toujours choisi de poursuivre la même ligne de conduite -malgré l’aventure un peu hasardeuse de Kesto en 2004, un quadruple CD pas toujours très pertinent- et publie un nouvel album, Katodivaihe/Cathodephase, qui est un pur témoignage de la musique des finlandais, avec toutes ses qualités mais également tous ses défauts.























C’est un album en forme de cloche, ou de U, peut être un album en trois parties plus ou moins distinctes. La première révèle une musique frontale mais loin d’être ouvertement désagréable, les beats agressent mais restent entraînants, les sonorités ne corrodent pas trop les tympans mais font tendre l’oreille, des fois elles sont même d’origine acoustique et facilement identifiables comme telles, ainsi ce son de violoncelle récurent et profond. C’est presque du Pan Sonic en version pop. La deuxième partie est consacrée aux parasitages, aux sons dérangeants et déchirants, il n’y a pas de rythmiques ni même de pulsation, on n’est pas très loin de la musique industrielle primaire des débuts de Throbbing Gristle si la bande à Gensis P-Orridge avait eu les mêmes oscillateurs pour générer tous leurs bruits. La troisième et dernière partie revient aux rythmes et cette fois-ci de façon plus violente, les sons employés prennent le même chemin : les quatre titres clôturant Katodivaihe/Cathodephase présentent une musique à la fois chargée, saccadée et crispante dans la lignée du maxi Osasto, mais à un degré moindre. Ce final est vraiment impressionnant même si justement il fait regretter que Pan Sonic ne s’adonne plus à cet exercice du format court, la concision leur va si bien, correspond tellement à leur bruit analogique.
[la photo ci-dessus a été volée ici]