samedi 26 janvier 2008

Vandermark 5 / Beat Reader

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C’est avec une régularité déconcertante que le quintet de Ken Vandermark continue de publier des disques, le tout dernier s’intitule Beat Reader (encore une fois chez Atavistic) et il ne déroge pas à la règle : bien qu’issu de la scène free de Chicago -il a même joué avec les Flying Luttenbachers !- Vandermark est un multi saxophoniste épris d’un certain classicisme formel, aussi lorsqu’il ne souffle pas pour le compte d’un autre, le Brötzmann Chicago Tentet par exemple, la musique qu’il pratique en quintet oscille entre le hard-bop et les débuts du free américain, quelque part du côté de The Shape Of Jazz To Come et de Out For Lunch.
D’aucun d’affirmer que Vandermark est trop éclectique et qu’il ne fait que s’éparpiller… Au regard de son impressionnante discographie, où l’on trouve de l’impro pure (en duo avec Paul Lytton), du jazz vaguement électro (avec Powerhouse Sound) ou du free (en compagnie de Mats Gustafsson), on ne peut qu’acquiescer mais cette boulimie est un trompe l’oreille : Ken Vandermark a besoin de toutes ces soupapes, la curiosité n’est pas forcément un vilain défaut et bien que sa démarche puisse le faire passer pour un rusé complétiste stylistique, il a cette qualité d’acharnement qui le fait creuser toujours et encore les voies qu’il a décidé d’emprunter. Avec sa tête de gendre idéal éventuellement agrémentée d’une moustache de VRP -le genre de mec qui sait réparer une tondeuse à gazon et connaît la recette de la blanquette de veau- Vandermark explore en cloisonnant. A chaque projet son style défini. Son quintet, puisque c’est ça qui nous intéresse ici, représente la face pépère, gentiment free et finalement traditionaliste de ce musicien. Alors si on n’aime pas le jazz à papa, autant passer son chemin.











 






Cela tombe bien parce que moi, justement, cela me plait. Les albums du Vandermark 5 sont plus ou moins bien réussis mais ce n’est pas réellement un problème (pour être franc Beat Reader se place tout juste dans la moyenne). Le truc c’est qu’en écoutant un des disques de Vandermark 5 on est assuré d’avoir à la fois sa dose de swing, de goûter au son un peu granuleux d’un baryton, de supporter quelques expositions de thèmes tirlipinpons, d’écouter un disque parfaitement enregistré par Bob Weston, quoique le son soit un petit peu trop froid.
Le violoncelle de Fred Lonberg-Holm a définitivement pris la place laissée vacante par Jeb Bishop -lui aussi un ancien Flying Luttenbachers- et repositionne au sein du quintet quelques sonorités électriques abandonnées depuis longtemps par le Vandermark 5 : lorsque ce violoncelle est couplé à de l’électronique, on retrouve un peu de la guitare de Bishop, instrument que celui-ci avait malheureusement peu à peu abandonné au profit du trombone. On est certes très loin des accents électriques limite rock du final de Limited Edition (sur le premier album Single Piece Flow) mais ce n’est déjà pas si mal. De Plus, la rythmique est honorable d’efficacité et le saxophoniste Dave Rempis arrive de mieux en mieux à faire oublier le trop rare Mars Williams lui aussi malheureusement parti du groupe depuis bien longtemps déjà, alors… Alors la constatation qui s’impose est que sur Beat Reader les compositions de Ken Vandermark sont un peu faiblardes et n’ont peut être pas incité les musiciens à faire des étincelles.
Sur le deuxième CD -par ce que oui, il y a deux disques- les choses sont loin de s’arranger. On y découvre The New York Suite, pièce en trois parties dont chacune est dédiée à un art et à ses représentants locaux auxquels Vandermark veut rendre hommage -un : la peinture avec Jackson Pollock ou Rothko ; deux : la musique composée avec Brown, Cage, Feldman et Wolff ; trois : l’improvisation avec Don Cherry, Steve Lacy, Archie Shepp et Cecil Taylor. Cette manie de faire des dédicaces a toujours été systématiquement employée par le saxophoniste dans le passé, c’est parfois un peu irritant tout cet étalage d’amour exégète. Cela ne rend pas la musique meilleure. Cela ne donne pas non plus envie de l’écouter davantage. En parcourant les sentiers hyper balisés de The New York Suite, l’auditeur en vient forcément à comprendre pourquoi le jazz, free ou non, n’a pas évolué d’un iota depuis plus de trente ans et pourquoi aussi Ken Vandermark en est l’indéfectible gardien du temple. Du jazz à papa je vous dis.